Citations de Natalie Clifford Barney (50)
Le temps marque sur notre visage toutes les larmes que nous n'avons pas versées.
Etre libre, quand ce ne serait que pour changer sans cesse d'esclavage.
On n'a pas d'âge tant qu'on est jeune.
L'intelligence interroge et la bêtise répond.
Dans la chaleur de la chambre, comme les fleurs ouvraient leurs pétales, elle ouvrait ses paupières. Et les roses qu'elle avait, et les regards qu'elle avait s'effeuillaient sur moi.
Le soir obscurcissait ses traits et précisait ses prunelles. Elle, étonnée de son désir, et de nos corps insuffisamment dissemblables, hésitait penchée sur moi, comme celles qui ne savent pas.Et je lui appris la volupté des baisers silencieux, et l'étreinte des mains qui se cherchent dans la joie.
Il avait ces trois marques de l'impersonnalité: un menton fuyant, la Légion d'honneur, une alliance.
DISTIQUES
Tu veux que je te fasse un amoureux poème.
Ecoute donc plutôt si mon silence t'aime !
Je ne saurais donner au sage alexandrin
Les plaintes du plaisir, le rythme de nos reins !
Quand, sous mon corps élu, je sens battre ta joie,
Exprimer mon désir qui t'effleure et te broie ?
Sois ma maîtresse douce et folle; au lieu de mots
Accepte sur ta chair d'extatiques sanglots !
Et lorsque je retombe avec toi — si ma bouche,
Eloquence muette, est celle qui te touche,
Laisse moi parcourir ton être harmonieux
De tes pieds recourbés à tes courbes cheveux.
Nerfs d'accord, bien tendus : musique, sortilège,
Harpe dont je détiens le secret des arpèges —
Pour toi, l'art de mes mains, orgueilleux instrument,
Fait l'amour en poète, et les vers en amant !
p.8
La femme adultère est souvent une femme fidèle à la recherche de son homme.
Les larmes, une maladie des yeux.
Les apparences sont bien en péril puisqu'il s'agit toujours de les sauver.
Il y a deux espèces de questions, l'interrogation et la réponse : ceux qui interrogent posent la question, ceux qui répondent la déplacent.
La dentelle: l'art des trous.
On n'est pas soi-même tous les jours, heureusement.
DIFFÉRENCES
Vous vivez du temps qu'il fait,
De projets et de voyages ;
De tel ennui, de tel fait,
D'un besoin d'air, de visages
Nouveaux, de rien et de tout.
Je ne vis que de vous...
De vous ... et sans voir les pages
Des livres, de tout distrait,
Ma barque est un lit défait,
Vos traits sont mes paysages,
L'air qu'il me faut sont vos doux
Parfums : je vis de vous !
p. 17
VERS LIBRES
Ils sont là, quelque part, les êtres de mon cœur,
Dans de sombres demeures,
Gardés par des esclaves . . .
Moi, je vais sans entraves,
Et me navre de leurs peurs.
J'abattrai les cloisons
De leurs dures maisons,
Les sauvant de leurs murs,
Car c'est moi qui endure
La vue de leurs prisons . . .
Et pendant que toi tu dors,
C'est moi que l'on enferme — dehors !
p.6
En choisissant le succès, on ne choisit pas son public.
Toute générosité se paie, c'est même par là qu'elle vaut.
On dit que l'homme est triste après l'amour,
— mais la femme l'est peut-être avant, pendant et après.
J'AVAIS CRAINT LA NEIGE
J'avais craint la neige,
Je vous avais espérée.
— La neige est venue,
La neige,
Pareille à l'effeuillement
De ces roses
Soyez la première à marcher sur la blancheur des pétales
— Fleurs du froid effeuillées par l'hiver —
Avant que d'autres ne les écrasent.
Les pétales tombées, les étoiles fondantes se rejoignent,
Dallage éphémère,
Marquez l'empreinte de ses pieds tournés vers moi !
Que la neige dans ma cour,
Tachetée par ses pas,
Soit un tapis d'hermine !
p.4
Espérons l'impossible, car c'est peut-être une bassesse que de mettre son espoir en lieu sûr.
Au moins, les sadiques ne sont pas indifférents aux souffrances qu'ils causent.