Extrait du livre audio "L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux" de Nicholas Evans lu par Christophe Brault. Parution numérique le 23 février 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/lhomme-qui-murmurait-loreille-des-chevaux-9791035407759/
-(...) Bon, je crois savoir que vous aidez les personnes qui ont des chevaux à problèmes...
-Non, ma petite dame... (...) C'est tout le contraire. J'aide les chevaux qui ont des maîtres à problèmes.
Pendant toute la semaine, elle leur avait pris la tête à force de répéter que ce monde était totalement à chier, sans aucun espoir d'amélioration. Que les multinationales étaient en train de tout foutre en l'air : les rivières, les forêts, toute cette putain de planète. Et qu'on était tous d'accord : on laissait pisser.
Si je suis le premier à mourir,
Que le chagrin n'obscursisse pas ton ciel.
Sois fière mais modérée dans ton deuil.
C'est un changement et non une absence.
Comme la mort fait partie de la vie,
Le mort vit éternellement dans le vivant.
[...]
Aussi quand tu te promèneras dans les forêts où nous nous promenions,
Et que tu chercheras en vain mon ombre sur la berge tachetée,
Ou que tu t'arrêteras sur la colline comme nous le faisons pour regarder le paysage,
Et que tu repéreras quelque chose, cherche ma main,
Et ne la trouvant pas, laisse le chagrin s'insinuer en toi,
Ne bouge pas.
Ferme les yeux.
Respire.
Écoute mes pas dans ton coeur.
Je ne suis pas parti, je me promène en toi.
Il aurait pu se rendre de plus en plus malheureux. Mais à la place, il a choisi de monter sur le pont et de regarder l'autre côté. Il a vu alors ce qui l'attendait - et il a choisi d'accepter.
Ce qui vient de lui arriver, il ne pouvait rien envisager de pire. Et tu sais quoi ? Il a découvert qu'il pouvait le supporter. C'est toujours avant l'aube qu'il fait le plus sombre. Il a connu son heure la plus sombre et il a survécu.
C'est très important que vous compreniez ceci. Parfois, ce qui apparait comme une reddition n'est pas une reddition. C'est dans le coeur que ça se passe. Quand on a compris certaines choses, on les accepte loyalement, même si ça doit faire mal, parce qu'un refus causerait une douleur plus grande encore.
Décidément, les humains étaient de drôles de créatures. Ils pouvaient être tant de choses différentes à la fois, et éprouver toutes sortes d'émotions contradictoires. Amour et haine, joie et désespoir, courage et peur. On croirait un grand disque tournant, de toutes les couleurs imaginables, sur lequel la lumière danse et change sans cesse.
Elle avait enchaîné sur un long sermon corrosif, lui expliquant qu'il n'était qu'une victime de plus de cette culture de consommation absurde et délirante, où les gens étaient bombardés de promesses diaboliques de bonheur ; pire, même, puisqu'on leur disait à tout bout de champ qu'ils avaient le droit d'être heureux. Et que s'ils ne l'étaient pas, ils pouvaient le devenir, ils n'avaient qu'à s'acheter de nouvelles fringues, une nouvelle voiture, un nouveau lave-vaisselle, ou se trouver un nouvel amant. Les messages étaient partout, dans tous les magazines qui traînaient, dans toutes les émissions de télé à la noix, ils alimentaient la cupidité et l'envie, rendaient les gens insatisfaits, les persuadaient que ça pouvait changer, qu'ils pouvaient être heureux, riches et beaux, si seulement il se procuraient le dernier truc à la mode, une nouvelle petite amie, une nouvelle tête, ou une nouvelle paire de seins en silicone...
Et puisqu'il ne pouvait rien y faire, l'alternative était claire : ou bien il s'abandonnait au chagrin, continuait à se culpabiliser et rendait la vie impossible à ceux qu'il aimait ; ou il s'en remettait à la vie et prenait tout ce qui, dans son existence, la nouvelle et l'ancienne, était bon et intact.
Toutes ces années où papa et toi vous avez essayé d'avoir un autre bébé...Chaque soir, je priais pour que ça marche. Parce que, comme ça, je n'aurais pas eu à continuer d'être la meilleure. En tant que fille unique, je sentais que vous me demandiez d'être bonne en tout, parfaite, et je n'étais pas parfaite, j'étais seulement moi.

C’est en Amérique que le cheval vagabonda pour la première fois. Un million d’années avant l’apparition de l’homme, des hordes broutaient déjà l’herbe drue des vastes plaines, avant de se répandre sur d’autres continents par des ponts de pierres, bientôt coupés par le retrait des glaces. Il connut d’abord l’homme comme la proie connaît le chasseur, car longtemps avant de voir en lui un allié pour tuer d’autres espèces, ce dernier le chassa pour consommer sa chair.
Des peintures rupestres nous renseignent sur le procédé. Lorsque le lion ou l’ours faisaient face pour combattre, l’homme en profitait pour les transpercer de sa lance. Mais le cheval était un fuyard et, avec une froide logique de mort, le chasseur exploita cette particularité pour l’éliminer. Attirés en haut des ravins, des troupeaux entiers se précipitaient dans le vide au galop. Des monceaux d’ossements brisés en témoignent. Et lorsque l’homme se prétendit par la suite son ami, cette alliance resta fragile, car la peur était trop profondément ancrée dans le cœur de l’animal pour en être déracinée.
Depuis le néolithique, âge où le cheval fut domestiqué, il se trouva des individus pour comprendre cette peur.
Ils possédaient l’art de sonder les âmes de ces créatures et d’en panser les plaies secrètes. On les considérait souvent comme des sorciers, peut-être à raison. […]
Ces hommes, qui murmuraient des secrets aux oreilles dressées et inquiètes, on les appelait « Chuchoteurs ».
Vous voyez, Annie, j'essaye de lui apprendre à redevenir un cheval. Les autres savent déjà... vous voyez ? Voilà comment ils se comportent en troupeau dans la nature. Quand ils ont un problème, comme maintenant, ils se regardent entre eux. Mais notre vieux Pilgrim, il a tout oublié. Il croit qu'il n'a plus un ami au monde.