Castelnews #03 : Double sens, Adèle, Stefan Wul & Pouvoirs obscurs
Et voici la troisième Castelnews tant attendue ! Gros programme, cette fois, et pas seulement parce qu'on y évoque le programme des mois de mars et d'avril. Marie revient également...

Ses lèvres tremblantes n’avaient plus de force de retenir sa salive. Un fil de bave reliait sa tête au sol de la prairie. Des larmes de rage impuissante traçaient des sillons dans la poussière de ses joues. Il fit un effort terrible pour relever la tête. Elle lui parut peser des tonnes. Le regard trouble, il vit l’enfant revenir sur ses pas.
« Non, non…, gémit-il. Va-t’en, fils !
L’enfant riait, croyant toujours à un jeu. L’énergie fouettée par le danger, son père se redressa, à gestes lents et pénibles. Il fut debout, les jambes écartées dans l’herbe, maintenant son équilibre à grand-peine. Il avait l’air d’un ivrogne ou d’un épouvantail. Il tourna la tête vers le grand soleil rouge qui mourait au bord du monde. Son visage hirsute se colora de la lumière du couchant. Cette lumière sanglante accusa les détails de ses traits, sculpta les méplats de ses joues barbues, fit miroiter une salive fiévreuse sur ses dents découvertes. Il cligna ses yeux cernés de mauve, tendit l’oreille…
Un bourdonnement sinistre paraissait naître de l’horizon même.
« Ils arrivent, murmura l’homme sur un ton désespéré.
— Joue encore, papa », dit l’enfant en s’agrippant à sa jambe de pantalon déchirée.
« … Plus nous allons vite, plus le temps passe lentement. À la vitesse de la lumière, le temps cesse d’exister ; le moment « maintenant « dure éternellement. »
Un jour, ma femme était en train de lire un roman de science-fiction, je ne me souviens plus du titre, donc je ne ferai de peine à personne, même si je le voulais ! Et elle m'a dit "Nom d'un chien, ce que c'est mauvais ! Tu devrais essayer, tu ferais bien mieux !" Et alors, sur une crise de fantaisie, j'ai laissé tomber mon essai de roman policier, j'ai arraché toutes les feuilles du cahier à spirales sur lesquelles j'avais griffonné déjà, je les ai jetées à la poubelle et je me suis mis au travail sur ce cahier vierge, en disant à ma femme : "Je vais t'écrire un roman de SF, et celui-là sera bon !"
L'action n'est qu'une toile sur laquelle j'aime étaler mes couleurs. Si celles-ci sont assez évocatrices pour faire pénétrer le lecteur dans une atmosphère, le roman est réussi.
"Quand une civilisation atteint son point de perfection, elle devient une gigantesque machine, incapable de progrès, et dont tous les membres ne sont plus que des rouages sans pensée."
-Si tu continues, tu vas chanter l'hymne national dans deux minutes, ricana Bruno, il n'y a pas plus chauvin qu'un Sénégalais ! C'est passé de mode, mon pauvre vieux.
Puis, soudain très grave :
-Le rêveur que tu fais a déjà oublié où il était et pourquoi il y est ! Il n'y a plus qu'un seul chauvinisme de mise, depuis six mois et pour toujours ; un chauvinisme à l'échelle de l'humanité tout entière. L'étranger pour nous, ce n'est plus l'Américain, le Russe ou le Chinois, c'est le Torpède.
-Je vous donne Niourk, dit-il. Je suis certain que vous allez bien vous amuser avec. Les grandes vacances sont commencées. Moi, je vais vous quitter, je vais mener la seule vie qui vaille la peine d’être vécue.
-Tu veux t'en aller, mon petit Alf ? s'inquiéta le Doc.
-C'est amusant de s'entendre appeler "mon petit Alf" par quelqu'un qu'on a fabriqué...
-Tenez, je me rappelle avoir lu quelque chose dans votre dictionnaire, Doc. La définition du mot dieu : superstition grossière de l'Home sapiens. En êtes-vous vraiment là ? C'est un signe indubitable de votre insuffisance. Vous êtes assez forts pour fouler aux pieds les vieilles idoles et même l'idée un peu simple que l'Home sapiens se faisait de Dieu. Mais si vous n'avez rien mis à la place, il vous manque quelque chose.
-Tu crois en un dieu, Alf ?
-Je crois en Dieu. Mais je crains de ne pouvoir vous expliquer. Vous êtes trop supérieurs ou pas assez, pour comprendre. Voilà ce que l'on gagne à naître dans un bocal...Vous n'avez pas assez d'intelligence et vous avez perdu la naïveté. Pauvres, pauvres "supérieurs" !
-C'est un enfant, comme vous dites, Doc. Pour l'instant, il s'amuse. Mais ne peut-il devenir dangereux pour nous quand il cherchera d'autres jouets ? Il finira par vouloir jongler avec les planètes. Je crois que...
-Brig !
-Non, laissez-moi parler, Doc. Je sais que vous vous êtes attaché à lui. Moi aussi, d'ailleurs. Mais il faut voir les choses en face. Physiquement, ce n'est qu'un petit animal ; mentalement, c'est un monstre. Le monstre le plus dangereux qui ait jamais vécu.
"- Je suis un peu gené pour l'avouer, dit-il enfin. Je pense que si, dans ces circonstances, et de par mon métier, je suis le cerveau, vous, capitaine, vous êtes la volonté. Encore faudrait-il que la volonté ne surmenât pas le cerveau. Vous me demandez une chose inouie. Les mutations ont lieu (et rarement) d'une génération à l'autre. vous exigez la métamorphose d'un être à l'ontogénie achevée."