Citations de Nicolas Nutten (86)
Elle croquait la vie à pleines dents. Son mari, les enfants, la maison, elle courait en permanence et parvenait à trouver du temps pour tout. Pas une seule fois, Johanna ne l’avait entendue se plaindre. Un vrai rayon de soleil au sourire inaltérable.
Les os d’une femme sont en général plus fins que ceux d’un homme, ce qui semble être le cas ici. Avec des examens approfondis, je serai en mesure de valider mon hypothèse. En revanche, ce que je peux dire sans trop m’avancer, c’est qu’il s’agit d’une personne plutôt jeune. Je dirais entre quinze et vingt ans.
Le métier était ingrat, peu importait vos faits d’armes, si vous trébuchiez ne serait-ce qu’une fois, c’est ce faux pas que l’on retiendrait. Donc hors de question de pécher par excès de confiance, elle voulait s’entourer d’une équipe qu’elle connaissait et sur laquelle elle pouvait compter.
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En véritable tête brûlée, il avait rapidement accepté d’infiltrer différents réseaux connus pour leur dangerosité. Et si ses premières missions avaient toutes été couronnées de succès, au fil du temps, Carmieri avait graduellement sombré dans une autre réalité. Peu à peu, seuls l’alcool et les drogues lui avaient permis de supporter la schizophrénie imposée par cette double vie, qui l’obligeait à descendre explorer toujours plus profondément un monde où la violence est reine et l’argent est roi. Combien de flics n’en revenaient jamais ? Officiellement, on préférait parler de « balance bénéfices-risques ». Question de point de vue.
Sarda et Carmieri s’étaient rencontrés lors d’une opération menée conjointement par la Crim et les Stups. Ce jour-là, par un coup de bluff, Sarda avait amené le narcotrafiquant qui collait le canon de son flingue sur la tempe de Carmieri à faire un pas de côté pour risquer un œil par la fenêtre. Un dixième de seconde plus tard, une balle de calibre 7,62 mm lui explosait le crâne. Les snipers, embusqués sur les toits des tours voisines, avaient su profiter de cet infime instant de doute pour faire feu et sauver de justesse une mission qui avait failli finir en bain de sang.
Être aussi discret qu’une ombre, ne pas emporter d’objets avec soi et ne pas chercher à visiter coûte que coûte une partie qui se refusait à livrer ses secrets. Pour toutes ces raisons, Yaëlle ne parvenait pas à comprendre que Tom ait cédé à Driss. Ce type-là gravitait aux antipodes de ces valeurs.
Cette activité clandestine, se faisant sans l’accord des éventuels propriétaires, il fallait redoubler de discrétion pour parvenir à s’y infiltrer sans se faire repérer et de vigilance pour ne pas se blesser. Au-delà du plaisir d’enfreindre l’interdit, c’était l’excitation de découvrir des endroits insolites, dangereux et parfois effrayants qui primait.
Quand il l’avait frappée, elle n’avait ressenti aucune douleur. Un son strident et continu avait envahi ses tympans, pareil à celui causé par la déflagration d’une bombe, puis elle s’était vue tomber au ralenti.
La suite n’était qu’une succession de détails, une juxtaposition de scènes ultra-violentes découpées dans la pellicule d’un mauvais film d’horreur. D’abord, le corps paternel projeté en arrière, une plaie béante à la gorge qui vomissait la vie en un gargouillis immonde, sur un carrelage beaucoup trop blanc. Les pupilles de sa mère, dilatées d’effroi, statufiée par le shoot d’adrénaline envoyé par ses surrénales. Le dos immense du monstre, les éclairs de la lame qui fend l’air, frappe et frappe encore.
Comme si dévoiler une hypothèse un peu trop tôt pouvait le rendre caduque, tel le coquelicot qui s’étiole à peine sa tige coupée.
Sachant que toutes les phrases qui commencent par « un jour » n’engagent qu’à une seule chose : la procrastination
Ubérisation, qu'ils disaient. Tu parles, juste un mot à la con pour ne pas dire esclavage, mais bon il paraît que ça fait mauvais genre de dire ça. Alors on invente des mots pour masquer la misère, sauver les apparences et laisser débattre les intellectuels avec de nouveaux termes qui ne tachent pas leurs cols blancs. C'était conne ça. Avant c'est lui qui choisissait les clients, maintenant, il fermait sa gueule et prenait ce qui restait.
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Son talent naturel pour les mathématiques et les sciences en général aurait pu faire de lui un homme riche et célèbre, reconnu mondialement dans le monde de la chimie. Mais lorsque ç'est la mafia qui finance vos études et qu'il se rendent compte qu'ils tiennent sous leur coupe un poulain avec un tel potentiel, l'avenir se voile inexorablement.
Quelques mètres plus loin, des touristes italiens discutaient bruyamment d’autour d’un immense plan en papier qui donnait du fil à retordre à celui qui tentait de le replier. À droite de Célia, un parisien pur jus d’une soixantaine d’années, cheveux grisonnants et journal sous le bras, regardait la scène d’un œil goguenard. On reconnaissait les habitués, qui sans même quitter des yeux l’écran de leur smartphone ou lever le nez de leur bouquin, s’avançaient instinctivement vers le bord du quai au moment exact où le prochain métro était signalé en approche. Maxime attribuait cela à un sixième sens urbain acquis par celles et ceux qui survivaient depuis de trop nombreuses années dans les entrailles de ces mégalopoles.
Sans que personne osât l'exprimer, l’ombre nauséabonde du terrorisme planait dans tous les esprits.
Dans la même seconde, le système d’urgence se déclencha et actionna les freins pour immobiliser la rame au plus vite. La puissance du freinage fit tomber plusieurs personnes à la renverse. Des cris de stupeur fusèrent des quatre coins du wagon. Les néons du plafonnier vacillèrent donnant à la scène un côté apocalyptique. Les voyageurs s’accrochaient à ce qu’ils pouvaient, muscles tendus, mâchoires crispées, se préparant à un impact imminent. Durant une poignée de secondes d’éternité, tout le monde retint son souffle, avant que les wagons finissent par stopper leur course au milieu d’un tunnel empli de ténèbres. Un silence pesant flotta dans la rame. L’impact n’avait pas eu lieu, mais certains retenaient encore leur souffle, d’autres sanglotaient. Des regards perplexes, mêlés d’inquiétude et d’incompréhension se croisaient.
Depuis dix jours la canicule s’était installée sur la capitale, faisant grimper en flèche les pics d’ozone et multipliant les alertes pollution. Les journées brûlantes et les nuits chaudes malmenaient les organismes. Au fil des jours la fatigue s’accumulait, faisant monter progressivement la tension nerveuse qui en devenait presque palpable. Dans les rues, les coups de klaxon se faisaient plus agressifs, des insultes fusaient, des inconnus se jetaient des regards noirs pour des broutilles auxquelles ils n’auraient pas prêté attention en temps normal.
Impassible, le bourreau récupéra la clé USB, puis passa dans le dos d’Arthur qui sanglotait en gémissant de douleur. Il dégaina son arme et tira une balle à bout portant. Le crâne explosa et une gerbe de sang, de fragments d’os et de morceaux de cervelle macula les meubles en kit de la petite cuisine. Le corps sans vie du jeune pirate s’affaissa sur lui-même, la tête penchée sur son torse comme un pantin désarticulé. Dans la seconde qui suivit, la porte d’entrée claqua et l’appartement replongea dans un silence indécent
— Les virus, les réseaux, le piratage, le vol de données, ont tendance à rendre très nerveuses les personnes pour qui je travaille et quand elles ont découvert ce que tu avais fait, autant te dire qu’elles étaient vraiment en colère.
La voix était grave et râpeuse.
Arthur se figea, les yeux injectés de sang par la montée subite d’adrénaline et le manque d’air.
Le canon de l’arme s’écarta, lui laissant une marque en forme de rond rouge.
— Bien… Des amis à moi ont analysé ça.
Le tatoué jeta sur la table une clé USB. Arthur comprit alors ce qui était en train de se passer, le changement dans son regard le trahit immédiatement.
Une respiration bruyante résonnait contre les murs de la chambre à coucher. La fenêtre laissée entrouverte laissait passer une légère brise qui venait caresser les rideaux. Aussi discret qu’une ombre, l’homme contourna le lit et referma les deux battants, puis les verrouilla en tournant la poignée. Sans même s’en rendre compte, Arthur Berg venait de vivre ses dernières secondes de sérénité.