Citations de Nicolas Nutten (86)
Romane poussa la porte de la chambre de Lola et n'osa pas y pénétrer.
- Dis donc, mon cœur, on n'avait pas dit qu'il fallait que tu fasses un peu de rangement ?
Non, parce que là, une chatte n'y retrouverait pas ses petits.
- Mais comme on n'a pas de chatte, c'est pas très grave, si ?
Elle ne put s’empêcher de rire à l’espièglerie de Lola.
Au début de l’année, il avait failli s’abonner à Netflix, mais un article sur la consommation énergétique de cet ogre, l’en avait dissuader. Le journaliste indiquait que, vu la croissance du numérique, 20 % de l’électricité planétaire serait mobilisé par ce secteur en 2025, soit plus de 400 réacteurs nucléaires.
Gueule tout en arêtes et en crevasses, sec comme coucou. Pas vraiment du genre avenant.
La barbe fournie de Ernst tirait plus sur le sel que sur le poivre. A vue de nez, Sarda lui donna une soixantaine d'années, peut-être un peu plus. Et s'il y avait en effet aucune chance pour que son physique de bûcheron canadien lui permette de se glisser dans un déguisement de fée Clochette, en revanche Sarda l'imagina assez bien endosser un costume de Père Noël. Sauf qu'avec des paluches pareilles il y avait intérêt à ce que les cadeaux ne soient pas en porcelaine.
La première idée qui lui vint à l’esprit fut de foncer dans le tas en priant pour que son épave tienne le choc. S’il visait correctement, il écraserait leur moto et pourrait blesser grièvement l’un deux, peut-être même le tuer. Il entendait déjà le bruit mat des rotules brisées sur la calandre. La tête casquée qui percute le pare-brise en le fissurant. Et le corps qui roule sur le toit jusqu’à retomber inerte sur le bitume.
Moralité, arroser un enfant de pognon sans ajouter le terreau des valeurs nécessaires à la vie en société n'a jamais fait pousser de grands hommes.
Il existait un tel décalage entre l’augmentation drastique du nombre de phénomènes climatiques extrêmes et la légèreté avec laquelle on les annonçait que si la situation n’était pas si dramatique, elle aurait pu trouver cela comique. Mais depuis qu’elle était devenue mère, elle n’avait plus du tout envie de rire à ce sujet. Car lorsqu’elle écoutait Lola parler d’avenir, en son for intérieur, elle ne pouvait s’empêcher de conjuguer les rêves de sa fille au conditionnel. Et ça lui tordait les tripes.
Le petit Jocelyn était né avec une cuillère en argent dans la bouche, mais à l'évidence, cela ne l'avait pas empêché de devenir un être méprisable. Moralité, arroser un enfant de pognon sans ajouter le terreau des valeurs nécessaires à la vie en société n'a jamais fait pousser de grands hommes.
Bulle de vie dans le royaume des morts.
Chaque fois que son footing l’amenait à repasser à cet endroit, Raphaël ne pouvait s’empêcher d’y penser : que fuyait-il vraiment ? derrière cette simple interrogation se cachaient des chemins tortueux sur lesquels il ne préférait pas s’engager, pas encore, pas tout de suite, plus tard, peut-être.
- Arrêtez-nous là !
Le chauffeur de taxi jeta un coup d’œil de biais dans son rétro. Visage gris, humeur terne, il n’ajouta pas un mot et stoppa sa Ford Mondeo en double file, warnings allumés. Bien content de larguer les deux zouaves qui lui pourrissaient la banquette arrière. Il pestait intérieurement contre ce métier devenu ingrat. Ubérisation, qu’ils disaient, juste un mot à la con pour ne pas dire esclavage, mais bon il paraît que ça fait mauvais genre de dire ça. Alors on invente des mots pour masquer la misère, sauver les apparences et laisser débattre les intellectuels avec de nouveaux termes qui ne tachent pas leurs cols blancs.
La table voisine était occupée par une jeune femme absorbée par son livre. Indifférente à ce qui l'entourait, elle tournait les pages de son bouquin, se laissant flotter au fil de son histoire.
C’était peut-être ça, l’insouciance. Une plage, la mer et le temps qui s’écoule au rythme lent du ressac. Que ne donnerait-elle pas pour retrouver cette légèreté. Mais la réalité était tout autre. Ces cauchemars récurrents lui sapaient le moral et accentuaient à chaque fois un peu plus cette pression qui lui comprimait la poitrine.
Le spectacle qui s’offrit alors à elle la stupéfia. Sur sa gauche, de majestueuses concrétions cascadaient de la voûte et descendaient jusqu’à plonger dans des gours remplis d’une eau si limpide et étale qu’elle semblait presque irréelle. La palette s’étalait de l’ocre au turquoise en passant par la blancheur du cristal.
Encore une des joies d'Internet : désormais tout un chacun avait le pouvoir de porter un jugement sur tout et n'importe quoi, voire n'importe qui. Certains usaient et abusaient de ce privilège de dupe, le front haut, et sous couvert d'aider leur prochain, crucifiaient un bien, un service ou une personne de façon légale et anonyme, et ce sans même comprendre qu'en embrassant ce système, ils devenaient eux-mêmes des produits de consommation instrumentalisés par les géants du numérique.
La suite n’était qu’une succession de détails, une juxtaposition de scènes ultra-violentes découpées dans la pellicule d’un mauvais film d’horreur. D’abord, le corps paternel projeté en arrière, une plaie béante à la gorge qui vomissait la vie en un gargouillis immonde, sur un carrelage beaucoup trop blanc. Les pupilles de sa mère, dilatées d’effroi, statufiée par le shoot d’adrénaline envoyé par ses surrénales. Le dos immense du monstre, les éclairs de la lame qui fend l’air, frappe et frappe encore.
Impassible, le bourreau récupéra la clé USB, puis passa dans le dos d’Arthur qui sanglotait en gémissant de douleur. Il dégaina son arme et tira une balle à bout portant. Le crâne explosa et une gerbe de sang, de fragments d’os et de morceaux de cervelle macula les meubles en kit de la petite cuisine. Le corps sans vie du jeune pirate s’affaissa sur lui-même, la tête penchée sur son torse comme un pantin désarticulé. Dans la seconde qui suivit, la porte d’entrée claqua et l’appartement replongea dans un silence indécent
Essayez de vous souvenir, dans toutes les amitiés, aussi fortes soient-elles, il y a toujours des hauts et des bas.
Lorsque l’on touche du doigt le mal qui nous entoure, partout, en permanence et que l’on comprend que notre vie et celle des êtres qui nous sont chers ne tiennent qu’à un fil, il y a de quoi perdre pied. Bienvenue sur terre, bienvenue en enfer. Vous qui êtes nés ici, abandonnez toute espérance.
Bastian Alric plongea sa grosse main dans le sac de viennoiseries apporté par Sarda. il en retira une chocolatine - ce qui n'avait strictement rien à voir avec un pain au chocolat n'en déplaise au reste du groupe _
(Sacrilège..... Je fais partie des défenseurs des pains au chocolat. )