La quête de la vitesse, culminant dans l'instantanéité du temps réel qui abolit l'attente et supprime l'épaisseur de la durée, confère à l'individu une suprématie aléatoire et temporaire. Devenu apparemment maître du temps, il tombe simultanément sous le joug de l'urgence.
En dissociant complètement l'espace et le temps, elle ( la technologie) confère à l'individu le sentiment de pouvoir être en plusieurs temps à la fois et révèle, sinon une volonté d'anéantissement du temps, au moins un sentiment d'autonomie face au temps, un temps qu'il ne subit plus mais qu'il pose et croit maîtriser en fonction de ses seules aspirations subjectives.
Serge Tisseron montre ainsi comment, à côté du désir d’intimité de chacun, est apparu à travers ces nouveaux réseaux un autre désir qu’il appelle d’extimité, désir qui nous incite à montrer certains aspects de notre moi intime pour les faire valider par d’autres afin qu’ils prennent une valeur plus grande à nos yeux.

Le soubassement de ce nouveau rapport au temps réside dans l’alliance qui s’est opérée entre la logique du profit immédiat, celle des marchés financiers qui règnent en maîtres sur l’économie, et l’instantanéité des nouveaux moyens de communication. Cette alliance a donné naissance à un individu « en temps réel », fonctionnant selon le rythme même de l’économie et devenu apparemment maître du temps. Mais l’apparence est trompeuse et, derrière, se cache souvent un individu prisonnier du temps réel et de la logique de marché, incapable de différencier l’urgent de l’important, l’accessoire de l’essentiel. Dans une économie qui fonctionne « à flux tendu », n’est-il pas devenu lui-même un homme à flux tendu, un produit à durée éphémère, dont l’entreprise s’efforce de comprimer le plus possible le cycle de conception et la durée de vie, un produit de consommation dont il faut assurer la rentabilité immédiate et la rotation rapide ? La logique de court terme, qui préside au fonctionnement des marchés financiers, semble déteindre sur les relations entre l’entreprise et ses salariés et les conduire à adopter l’un à l’égard de l’autre une mentalité d’actionnaire « volatil », n’investissant sur l’autre que de manière éphémère, avec une visée immédiatement et uniquement rentabiliste.
Bien sûr, le temps réel ne se compresse ni ne se contracte, il ne s’accélère pas. C’est nous qui devons accélérer toujours plus et les raisons de cette accélération sont d’ordre à la fois technologique et économique. Sur le premier registre, le changement de notre rapport au temps est en lien avec la révolution survenue dans les technologies de la communication qui ont instauré l’instantanéité, dont découle une exigence d’immédiateté dans la réponse attendue.
Une constante universelle recoupe cependant tous ces degrés de l’inégalité et la diversité des domaines qu’elle touche : c’est la différence basée sur le dimorphisme sexuel. En effet, même dans les sociétés les moins élaborées, « la vie sociale et culturelle... est basée dans ses formes en grande partie sur la différenciation des deux sexes, sur la disparité de rôles attribués à l’homme et à la femme.
Cette idée d’exacerbation de la modernité, avec les effets qu’elle induit, se retrouve dès la première formulation du concept d’hypermodernité, il y a un peu plus de vingt ans, par un groupe de chercheurs dirigés par Max Pagès , lors de l’étude qu’ils avaient consacrée à une célèbre multinationale d’origine américaine (1979).
L’action des structures sociales sur les individus s’exerce par l’intermédiaire des mécanismes régissant les processus psychiques et, inversement, les processus psychiques, s’ils ne produisent pas les organisations sociales et les rapports qui s’y nouent, s’y intègrent de façon plus ou moins cohérente.
La nouveauté est là, dans le fait que l’urgence, autrefois cantonnée au domaine médical ou, parfois, au domaine juridique, a envahi le domaine économique et, par voie de conséquence, le registre de la vie professionnelle et celui de la vie personnelle.