Citations de Noëlle Renaude (37)
À qui je vais parler, moi,
si tout le monde fou le camp ?
Aux chaises ?
« Devenir peintre(…) c’est marcher dans la peinture mais surtout dans le vide les trois quarts du temps. S’obstiner face à l’insatisfaction et recommencer et admettre la confusion et le silence. Et faire du doute une force. De ses limites, un horizon. De l’incompréhensible, un bienfait. »
Pendant qu’on célèbre l’innocence reconnue et retrouvée du gendre idéal dans la maison des beaux-parents, Rachel joue les cadavres de circonstance à l’institut médico-légal.
Il a soupiré, il a hoché, j’ai hoché, on a hoché, on forme un duo sympathique, lui sachant que je sais, moi sachant qu’il sait que je sais, lui sachant que je sais qu’il sait que je sais.
... elle se contente de savoir que la crédulité vous fait prendre des escrocs pour des humanistes, des charlatans pour des savants, des petits malins pour des génies, du blanc pour du noir, des œufs de lump pour du caviar, la force de conviction, les mots, le besoin de croire étant les armes les plus redoutables et les plus folles que l’homme ait imaginées.
Ça clignote un peu partout, la municipalité a offert un immense sapin né grandi et coupé en Suède, dans les vitrines éclairées, il y a des guirlandes, des boules, de la fausse neige, des bonnets de père noël, des rennes en peluche, des cadeaux tout faits mais vides. Des illusions d’allégresse. Des rêves en toc. Je n’aime pas Noël.
elle a liquidé son schweppes, je boirais bien un campari, dans les livres de Duras ils boivent du campari, tu veux un campari ? j’ai dit non, j’ai repris une bière
Ma mère donc s’est mise à boire tranquillement, sans se cacher. Elle allait à l’épicerie acheter ses litres de blanc sec. Elle ne disait plus, comme au début, pour la cuisine. De toute façon, la quantité de bouteilles dépassait largement le nombre de recettes au vin blanc qu’on peut réaliser puis ingurgiter en une semaine. À moins d’en mettre dans tout, même dans le baba au rhum.
L’amant, s’il a existé, n’a plus la moindre raison de se faire connaître. La liaison peut rester secrète, hypothétique. Elle a failli modifier les pièces du jeu. Mais le jeu est terminé.
Elle devient saumâtre, Denise. Elle ne supporte pas son impotent, inutile, encombrant, gros époux qui bave, qui ne fait plus de blagues, qui n’a plus que ses yeux pour tout royaume.
Elle évite d’y lire ce qu’elle refuse d’y voir et détourne les siens.
Denise se penchait souvent sur moi et passait sa main baguée dans mes cheveux, et pour mon anniversaire elle m’a offert une petite cravate à élastique et plaqué un gros baiser sur le coin de la bouche, sous l’œil rigolard de Gilles, qui m’a dit, dis donc elle t’a à la bonne.
Max n’a plus qu’une idée en tête, Ola. Il l’appelle sa princesse, son île d’amour, son bébé rose, son lapin en sucre, son miel, son trésor du ciel. Plein de mots bêtes. Ma mère est de plus en plus indifférente.
Max est fou de sa fille. Il s’inquiète d’elle, tout le temps, il vérifie qu’elle dort, qu’elle a tout bu, qu’elle respire, qu’elle n’a pas trop chaud, qu’elle s’éveille. Il s’intéresse du coup moins à nous. Et nous fout la paix.
Je ne savais pas ce qui était le pire. Mes frères ou la vieille. Mais mes frères étaient mes frères et je leur concédais plus le droit de me maltraiter. L’ancienne postière ne les aimait pas. Elle les traitait d’abrutis, d’olibrius et de crétins. Eux ne l’aimaient pas non plus. Ils l’appelaient la gouine.
Je suis né au village un soir de novembre. Mon père était au bistrot. Ma mère m’a mis au monde, seule. Je n’ai pas crié. Une voisine est venue. Elle m’a enveloppé dans un linge. Quand mon père est rentré ma mère a dit, c’est un garçon. Mon père s’est couché. On m’a déposé dans le berceau dans lequel mes deux frères ont dormi avant moi.