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Critiques de Octavia E. Butler (156)
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Liens de sang

Whaou....

Rarement, je suis surprise lorsque je lis un livre, souvent je lis des critiques avant, j'ai vu que le roman allait paraître, j'ai entendu parler de l'auteur, mais là, rien ... Je l'ai juste pris parce que pour un challenge, j'avais besoin d'un roman classé SF ou fantastique et qu'il était disponible sur une étagère de ma médiathèque..

Sorti en 1979 aux USA, il est disponible désormais en France aux Editions du Diable Vauvert et l'histoire est d'une originalité folle ; mais quelle bonne idée !

On est en 1979 à New York.

Contre l'avis de leurs familles respectives, Dana (jeune femme noire) et Kevin (jeune homme blanc ) sont mariés. Ils se sont connus dans une entreprise, où chacun exerçait un job alimentaire. Kevin et Dana veulent tous les deux devenir écrivains, mais Kevin a une longueur d'avance, il a déjà été publié. Le 9 juin, chez elle, tout d'un coup, Dana est prise de vertige et elle se volatilise littéralement sous les yeux de Kevin, elle atterrit en 1815 dans le Maryland, berceau de ses ancêtres, dans la plantation où ils vivaient. Elle porte secours à un petit garçon Rufus, le fils du Maître des lieux, et toute sa vie se verra "appelée" à chaque fois que la vie de ce garçon est en jeu. Pour eux, les années passent implacables, mais pour elle, il s'agit juste de quelques heures ou de quelques jours, par contre, elle ne maîtrise ni ses "venues" , ni ses retours".

Propulsée dans une Amérique esclavagiste, obligée de part sa couleur, de "vivre l'esclavage de l'intérieur", contemplant la bestialité des hommes blancs , Dana souvent dans la révolte n'a pas d'autre choix que d'accepter, de composer d'autant que si elle fait quelque chose, ses ancêtres ne pourraient bien ne jamais voir le jour , et donc elle aussi..

Comme je le disais, c'est une super bonne idée que de placer un personnage "contemporain" , au XIX°siècle, avec son regard forcément plus instruit, plus féministe, plus libre. Dana c'est nous, c'est moi, c'est vous ... Et à travers ses yeux , on contemple médusé cette Amérique esclavagiste. On a beau SAVOIR, le vivre comme cela , provoque des réactions bien plus fortes et révoltées que de lire la même chose dans un livre d'histoire, d'autant que la narration est toute en finesse, nuances, gradations, et subtilité.

Un roman édifiant, instructif, révoltant, sacrément bien fichu ; et bon sang , quelle p.....de sacrée bonne idée !
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La Parabole du semeur

Ce livre est mon premier coup de coeur de l'année.

Ce roman est l'oeuvre d'une écrivaine noire, Octavia Butler. C'est la voix si singulière de sa narratrice, une jeune femme noire et empathique, nommée Lauren, qui lui donne son originalité et son intensité.

L'action se passe en 2024 aux Etats-Unis, les structures étatiques se sont effondrées sans qu'il nous soit donné une explication, l'insécurité règne partout.

Lauren, vit dans une petite communauté qui parvient à peu près à subvenir à ses besoins.

Elle tient un journal : la vie de cette petite communauté, les relations entre ses différents membres, et notamment les relations entre Lauren et son père, les petits incidents sont restitués avec le plus grand réalisme.

Dans ce journal, elle élabore une religion du changement, Semence de la Terre, une religion qui s'accorde parfaitement avec le monde instable qui est le sien.

Elle prévoit le pire pour sa petite communauté ; et le pire finit par arriver : sa communauté est détruite.

La deuxième partie du roman est absolument bouleversante.

Comment échapper aux prédateurs quand l'esclavage réapparaît ? Comment échapper à la mort quand les crimes racistes se multiplient ? Comment se défendre quand on ressent les blessures que l'on inflige ?

L'identification du lecteur à Lauren est totale, il partage au plus profond de lui-même les interrogations et les souffrances de la narratrice à la tête d'un petit groupe qui cherche désespérément à survivre.

Le journal de Lauren met en scène des êtres humains capables du meilleur comme du pire : alors que certains pillent, violent, tuent, d'autres se sacrifient pour que leurs compagnons puissent continuer leur route et gagner un lieu plus sûr...

Un livre magnifique.



P.-S. : le roman a été récemment réédité par les Editions Au Diable Vauvert.

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La parabole des talents

Je me demande ce qui provoque le désir de lire un livre plutôt qu'un autre. Le nom de l’auteur.e, d’abord. Le titre, sans doute. La couverture, parfois. Le genre, peut-être. La recommandation d’un.e ami.e, évidemment. En ce qui me concerne, tous ces éléments ont une importance. Mais il y a une chose à laquelle je me reporte toujours, sans aucune exception : l’argument donné en 4ème de couverture. Rien ne me donne plus envie de lire un livre ou de ne pas le lire que ces quelques lignes qui me permettent de me projeter dans ma future lecture et d’évaluer si cela pourrait me plaire.



Mais plus le temps passe, plus m’apparaît clairement le défaut majeur de cette habitude. Ma lecture est en effet modelée par cette courte présentation, contrainte en quelque sorte. Dans le livre dont il est question ici, j’ai ressenti cela de manière flagrante. Attention je ne parle pas du fait de dévoiler des éléments-clés de l’intrigue, à la manière de certaines bandes-annonces, dont la vision se termine invariablement par un commentaire du type « Bon bah c’est bon, on a tout vu, pas la peine d’aller au ciné ».



Ici, le synopsis, au lieu d’introduire l’intrigue, la détourne. Le roman, tel que je l’ai lu, fait le récit des aventures de Lauren Oya Olamina, prêcheuse païenne à la tête d’une petite communauté de fidèles, mais vu à travers les yeux de sa fille, Asha, qui lit et commente le journal écrit par sa mère. Cette relation à distance entre la mère et la fille est au cœur de l’ouvrage, son ambiguïté en est l’intérêt profond, bien plus à mon sens que la vision dystopique d’une Amérique déclassée et en proie à la violence.



Or cette analyse rétrospective du roman a été polluée tout au long de la lecture par l’idée que j’avais en tête depuis le départ, suite à ma consultation de la 4ème de couverture. J’étais ainsi persuadé que La Parabole des talents, suite de La Parabole du semeur, narrerait les aventures d’Asha en 2032, « célèbre créatrice de jeux virtuels », qui « entre en résistance à son tour », à la suite de sa mère. C’est triplement trompeur. D’abord parce que si l’action démarre en 2032, la lecture du journal débute elle au plus tôt en 2090. Ensuite parce que la profession d’Asha n’est évoquée qu’en passant, dans les dernières pages, mais que cela n’influe nullement sur l’histoire dont il est question. Enfin parce que,



Pourquoi insister sur ces quelques lignes et pas sur le roman ? Parce que je me suis rendu compte à cette occasion à quel point ma lecture s’est retrouvée prisonnière de ce résumé, à quel point je suis passé à côté du sujet en me demandant quand, enfin, le roman rejoindrait le chemin tracé par le synopsis de la 4ème de couverture, quand la fille succèderait à la mère en tant qu’héroïne. Cela ne s’est jamais produit.



C’est bien dommage, car le travail d’Octavia E. Butler sur la foi, la filiation, l’absence, la construction de l’identité est à bien des égards passionnant. J’en tirerai une leçon pour l’avenir : pour se laisser porter et emporter par un roman, mieux vaut en savoir le moins possible !



Je remercie néanmoins sincèrement Babelio et la maison d’édition de m’avoir offert cette lecture dans le cadre de l’opération « Masse Critique ».
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Xenogenesis, tome 3 : Imago

Fin d’une grande trilogie enfin publiée en France. Merci, encore, au éditions Au diable vauvert d’avoir ainsi mis à notre disposition Xenogenesis d’Octavia E. Butler, une œuvre majeure. Et maintenant, l’avertissement habituel : si vous n’avez pas lu L’Aube et L’Initiation, les premiers tomes de cette série, allez à la rigueur lire la conclusion et découvrir que j’ai aimé Imago, mais ne lisez pas cette critique. D’abord, vous risquez de ne pas y comprendre grand-chose et en plus, vous allez peut-être gâcher votre futur possible plaisir de lecture en vous privant de la découverte d’informations grappillées dans les premiers volumes. Si vous êtes à jour, je vous attends un peu plus bas.



Comme nous l’avons vu dans les premières lignes consacrées à ce roman, Octavie E. Butler ne perd pas de temps. Elle plonge directement son lecteurice dans l’essentiel du texte : la métamorphose, qui sera le centre du roman. « J’entamai ma première métamorphose si discrètement que personne ne la remarqua. » On est de suite intrigué par le contenu. Pas totalement, car on a lu les tomes précédents, L’Aube et L’Initiation. Et l’on sait que les personnages, humains comme extraterrestres, subissent des mutations, volontaires ou non. Et que ces êtres qui ont sauvé une partie de l’humanité, quand ils grandissent, se métamorphosent au fur et à mesure de leur évolution, de leur passage à l’âge adulte.



Mais ici, comme chez Kafka, quelque chose ne va pas. Jodahs, dont nous suivons les pensées tout au long du récit, semble se diriger vers une forme qui lui était interdite. Car, il faut le rappeler, les métamorphoses sont encadrées, en quelque sorte, par les Ooloi. Ils gèrent tout le côté génétique avec une maîtrise exceptionnelle. Or, la métamorphose de Jodahs surprend. Nikanj, l’Ooloi de la famille, finit par comprendre que c’est dû à une négligence de sa part : il s’est relâché et son affection pour l’enfant qu’était Jodahs a créé ce rapprochement. Mais les conséquences peuvent être dramatiques. Les Oankali avaient déjà régulé les Humains afin d’éviter des mâles, au début, afin d’éviter qu’ils ne reproduisent le Conflit, cette tendance qui a conduit l’humanité à sa perte. Ils font la même chose pour les Ooloi : ces êtres sont extrêmement puissants, puisqu’ils peuvent jouer avec les gênes. Ils sont la mémoire des espèces rencontrées, car ils stockent dans une poche interne spéciale des échantillons de chaque plante, animal croisés. Ils peuvent également soigner, mais aussi blesser, voire tuer. On ne peut donc les laisser se promener seuls sans être absolument certains qu’ils sont stables et maîtres de leur corps et de leur pensée. Or, Jodahs va être le premier Ooloi façonné. S’il veut vivre librement, il va lui falloir convaincre tout le monde de son innocuité.



À la différence des deux romans précédents où l’autrice utilisait le pronom « elle » ou « il » pour les personnages centraux, dans Imago, elle a choisi le pronom « je ». Nous, lecteurices, sommes Jodahs. Nous ne découvrons le monde qu’à travers ses sens ; nous ne comprenons les autres qu’à travers ses pensées, ses sentiments. Et donc, nous sommes confrontés de l’intérieur à ses interrogations, ses inquiétudes. Ne serait-ce que son choix de sexe. Il (car il se mâle au début, mais je devrais dire « iel » car cela correspond mieux à ce flou quand au genre qui caractérise Jodahs), iel évolue selon les besoins de ceux qui l’entourent. Iel veut plaire aux humains qu’il convoite et donc, s’adapte à leurs désirs. Afin de les conquérir plus facilement et parce qu’il en ressent la nécessité.



Cependant, un point m’a gêné : les humains rencontrés ne semblent pas choisis pour leurs qualités, mais pour le simple fait qu’ils sont humains et que les Oankali en ont besoin. Un peu comme des animaux de compagnie, certes aimés, chéris, mais interchangeables. Quand Aaor, l’adelphe de Jodahs, en manque de compagnie humaine sent la présence d’individus près de lui, il n’hésite pas une seconde, ne cherche pas à les examiner. Il fonce et les prend sous sa coupe. Toutes ces relations entre Humains et Oankali sont assez éloignées de notre idée de l’amour. C’est davantage une question de besoin épaulé par des substances chimiques sécrétées par les Ooloi, qui leur permettent de se rendre attirants pour les hommes et les femmes désirés. Même si, parfois, l’autrice explique que cette « drogue » libère en fait les individus de leurs blocages, les désinhibent, cela ressemble quand même trop à des viols. Dérangeant, je le disais. Et vivifiant, car cela interroge fortement sur les relations entre personnes, dont certaines avec ascendant sur les autres. La force de cette autrice qui appuie là où ça gratte et nous oblige à nous interroger.



Imago achève en beauté la trilogie. Ce roman, le plus court des trois, se montre pourtant d’une grande densité dans les questions et les réponses qu’il apporte. Et tout cela dans un récit qui ne connaît pratiquement aucun temps mort et immerge ses lecteurices du début à la fin dans une quête identitaire passionnante. Lire Xenogenesis est une expérience déstabilisante et nécessaire.




Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Liens de sang

"J'ai perdu un bras en rentrant de mon dernier voyage. Le bras gauche."

Pouvez-vous imaginer incipit plus alléchant ?

Dana et Kevin sont un couple des années 70, ils viennent d'emménager en Californie, ils sont tous deux écrivains. C'est un couple d'intellectuels, amoureux, égalitaires.

Le seul hic est le rejet par leurs familles respectives : car Kevin est blanc et Dana noire.

Par un tour de passe-passe littéraire – qui importe peu, mais est tout de même rudement bien trouvé – tous deux se retrouvent plongés dans le passé : plus précisément dans une plantation du Maryland, en 1815.

Dans un monde où être noire signifie : être esclave.

Les rapports de pouvoir auxquels ils se retrouvent confrontés, Butler les décortique d'une façon époustouflante.

Son écriture sobre, sans fioriture ni temps mort, m'a suspendue haletante jusqu'à la dernière page.

J'avais lu les deux "Paraboles" de Butler à leur sortie, et j'étais restée sous le choc. Celui-ci m'a paru légèrement en-dessous mais m'a soufflée tout de même.

(Et voilà où s'arrêtait le premier jet de mon avis.

Puis je suis allée lire les autres critiques, notamment celle de juten-doji, celle de Stoffia qui explique le contexte politique qui m'avait échappé, et celle d'Iris29 sous laquelle un commentaire conseille une biographie de Butler en vidéo très bien fichue. Merci les camarades.)



Traduction impeccable de Nadine Gassié et Jessica Shapiro.



Challenge USA : un livre, un État (Maryland)
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Xenogenesis, tome 1 : L'aube

Octavia Butler est une auteure dont j’ai beaucoup entendu parler dans l’essai ‘Libère-toi cyborg !’ d’Anne Larue. J’avais noté la trilogie Xenogenesis qui, à l’époque, n’avait pas encore été traduite. Au Diable Vauvert a publié le premier tome l’année dernière. J’espère que les 2 autres suivront prochainement car j’ai vraiment beaucoup apprécié ce roman et j’ai hâte de découvrir la suite.



Le roman débute plusieurs siècles après une guerre nucléaire qui a relégué l’humanité au statut d’espèce en voie de disparition. Les survivants ont été sauvés par une civilisation extra-terrestre, les Oankali.



Lilith s’éveille d’un long sommeil et on découvre en même temps qu’elle ce que sont les Oankali ainsi que leurs intentions. Rapidement, celle-ci comprend qu’ils ne sont pas des sauveurs désintéressés. Il y a un prix à payer et il est considérable.



Les Oankali lui confient la mission délicate d’éveiller un groupe d’humains afin de les préparer à retourner vivre sur Terre (du moins ce qu’il en reste). Ce sera loin d’être une sinécure pour Lilith. Les humains – malgré leur capacité destructrice – auront toutes les peines du monde à accepter leur inéluctable destin.



D’un côté, rien de nouveau sous le soleil dans le sens que les réactions humaines et la façon dont tout se passe au sein du groupe n’a rien de surprenant.



D’un autre côté, j’ai été fascinée par la description des aliens. Ils sont suffisamment étoffés pour comprendre leurs motivations sans jamais vraiment les appréhender en tant qu’individus. J’ai beaucoup aimé leur complexité. Les non-dits font passer le message que ce n’est plus l’humain qui est aux commandes. Il a obtenu le triste privilège de figurer sur la liste rouge de l’UICN (avec le statut « en danger critique »).



Un excellent roman et une écriture qui a de la poigne. Octavia Butler est une auteure à connaître.







Challenge XXe siècle 2023

Challenge mauvais genres 2023

Challenge multi auteures SFFF 2023

Challenge plumes féminines 2023 (26)
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La Parabole du semeur

À la croisée entre dystopie, roman d'anticipation et roman post-apocalyptique, La parabole du semeur qui prend la forme d'un journal rédigé (doublement !) par une femme racisée, est un récit glaçant de vraisemblance avec notre monde actuel. À l'aide d'une plume précise et sagace, Octavia E. Butler aborde des thèmes profonds qui permettent un équilibre avec la violence dépeinte au sein du récit. La personnage de Lauren, qui souffre d'hyperempathie, expose des itinéraires, physique mais également réflexif sur l'impératif d'un bouleversement imminent, d'une nouvelle éthique de vie, dont la connotation religieuse forte peut parfois craindre la naïveté et un malaise dans la lecture.



Plus passionnant encore, l'autrice alarme sur nos choix de vie dévastateurs pour l'unvers et propose de nouveaux fondements, basés sur l'entraide et le collectif sans omettre les failles humaines et individuelles de chacun·e. C'est un roman de survie qui se dévore et qui éclaire sur l'importance de l'instruction, de la parole, souvent dévitalisée au sein des régimes républicains et dictatoriaux, comme moyens contre la barbarie. Saluons cette pilière de l'afro-futurisme qui élève la dignité humaine et animale face à une société autoritaire, corrompue et déviante.



[dans le cadre de l'opération masse critique. Merci à Babelio et Au diable Vauvert pour l'envoi de ce livre]
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Xenogenesis, tome 2 : L'initiation

J’ai énormément aimé ce roman. Je suis littéralement conquise par l’écriture d’Octavia E. Butler. J’ai aussi trouvé que ses idées étaient très intéressantes.



Pour rappel, suite à une guerre nucléaire, les Humains ont perdu la Terre. Retourner y vivre aux conditions des aliens est une terrible épreuve.



Il y a les Humains qui ont accepté de se mélanger et d’avoir des enfants avec les Oankalis. Et puis il y a les autres, les « opposants » qui vivent dans leur coin. Ils ont acquis une plus longue longévité lors de leur animation suspendue (cfr. tome précédent) mais ils ont été rendus stériles.



Évidemment sans la possibilité d’avoir des enfants à quoi bon ? Quelles peuvent être les perspectives d’avenir pour l’Humanité? Il faut quand même reconnaître que les Humains avaient des enfants quand il ont détruit la Terre… l’un n’empêche pas l’autre.



Voilà pourquoi, ils volent parfois des enfants hybrides (mais d’apparence humaine) pour les élever comme les leurs. C’est ce qui arrive à Akin, le fils de Lilith. Il est kidnappé et vendu dans un village d’opposants alors qu’il est encore un bébé.



J’ai vraiment eu un coup de coeur pour ce personnage. Il est spécial et n’est pas comme les autres enfants « façonnés ». Il semble être le seul à bien comprendre le point de vue des deux camps.



C’était parfois un peu difficile pour moi de m’imaginer tout ce petit monde… Les Oankalis sont de trois sexes : mâles, femelles et Ooloi. Il y a aussi une différence entre ceux qui ont ou pas de l’ADN humain… J’ai aussi eu du mal à visualiser les métamorphoses liées à la croissance des enfants façonnés.



Quoi qu’il en soit, j’ai hâte de lire la conclusion de cette fascinante histoire.











Challenge XXe siècle 2023

Challenge mauvais genres 2023

Challenge multi-auteures SFFF 2023
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Liens de sang

Un excellent livre qui mériterait une nouvelle traduction.



On y suit une femme noire de notre époque qui se retrouve catapultée au hasard au travers la vie de ses ancêtres, sur une plantation du sud des États-Unis. C'est un portrait extrêmement réaliste et recherché de l'esclave que trace Octavia Butler.



L'époque de la rédaction du roman date de l'essor du Black Panthers Party aux USA. Dans le langage militant de l'époque, on y référait souvent aux "Nanny" comme des traitres. Ces femmes qui réussissent à quitter les champs de cotton pour aller s'occuper des enfants des esclavagistes et des corvées dans le "confort" de la maison (toujours en tant qu'esclaves). Le sous-entendu est qu'elle ont "grimpé" la triste hiérarchie de l'esclavage en dénonçant ses collègues et en se positionnant du côté des maîtres.



C'est ce cliché que Butler cherche à dénoncer dans ce livre. En montrant que cette tension est consciemment utilisée par les maîtres pour diviser les esclaves, et que la nanny était loin d'être privilégiée.



(À la sortie du livre, les Black Panthers ont d'ailleurs révisé leur matériel pour y intégrer cette complexité.)



Le roman explore aussi la relation entre la protagoniste et son conjoint. Ce dernier (un blanc) se montrant peut moins ouvert d'esprit qu'elle le croyait lorsqu'il se retrouve coincé avec elle dans la plantation du 19e siècle.
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La Parabole du semeur

Hem hem ! Du post-apocalyptique, j’avoue que j’en ai un peu trop bouffé ces dernières années, je sature un peu. Et le personnage est la fille d’un pasteur, le thème religieux est aussi très présent, et j’ai toujours une certaine méfiance vis à vis de ce sujet, surtout dans la SF. Alors je me suis lancé dans cette lecture avec quelques doutes, au bout d’une trentaine de pages, je me suis demandé si je n’allais pas le laisser de côté pour une autre fois. J’ai choisi de continuer, et j’ai bien fait.

Ce récit est écrit en 1993, il n’est pas dans le phénomène de mode actuelle, et reste assez éloigné des stéréotypes actuels, il se rapprocherait plutôt des œuvres de Julia Verlanger ou surtout de David Brin, avec “Le facteur”, vu que l’action se déroule dans la même région. Alors si ce livre explore un thème vu et revu des milliers de fois, il apporte indéniablement sa pierre à l’édifice.

L’originalité de ce roman, c’est qu’il se passe non pas quand tout est devenu barbarie ou quand tout est en train de se reconstruire, mais qu’il raconte la montée progressive de la barbarie, avec le retour de l’esclavagisme, la corruption de la police, la libéralisation d’un capitalisme sans éthique (le président Donner du roman n’est pas loin dans ses idées d’un certain Donald Trump). L’aspect écologique est évoqué, avec cette situation de sécheresse sur les Etats-Unis qui entraîne la faim, la misère, la baisse de l’hygiène et la remontée du racisme… Sous certains points, ce monde ressemble encore un peu au nôtre, le travail salarié est encore une valeur en cours, la famille et les voisins se soutiennent, du moins dans certains quartiers épargnés, murés comme celui où vit Lauren. Mais on sent l’équilibre précaire et le Monde de Mad Max s'approche dangereusement.

Le traitement de cette évolution est présenté avec une rigueur réaliste qui rend le récit effrayant et passionnant, la tension est palpable. Et puis il y a ce personnage de Lauren qui est vraiment un des personnages les plus intéressant de la littérature post-apocalyptique, justement grâce à l’apport du thème de la religion. Elle se construit sa propre théosophie, comme un rempart contre le désespoir, et on suit au fil des pages cette construction comme la naissance d’une religion comme système de défense par la pensée, encore épargnée par les rites et les dogmes. L’approche est subtile, la raison de cette recherche se justifie dans l’évolution même de sa vie, l’auteure ne nous martèle pas de mystique ou de béatitude, mais au contraire, on suit le cheminement de la pensée de Lauren, comme une manière de survivre, une nécessité qui va justifier ses actes. La parabole du semeur est un texte des évangiles, avec son personnage, Octavia E. Butler nous en propose une interprétation face à la déliquescence de la civilisation. Avec cet aspect, ce roman va plus loin qu’un simple roman d’aventure, il explore le fond de la nature humaine, des manières de penser, et pour ne rien gâcher, en nous offrant de beaux moments d’émotions.

Est-ce que c’est le meilleur roman post-apocalyptique que j’ai lu ? J’en ai lu tellement, je ne pourrais pas l’affirmer, mais celui-ci est vraiment marquant, je ne l’oublierai pas de sitôt.
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La parabole des talents

[Nouvelle publication d'une critique parue sur une autre édition du livre, ce que je me dois de corriger pour remplir mon engagement dans le cadre de l'opération "Masse critique"]



Je me demande ce qui provoque le désir de lire un livre plutôt qu'un autre. Le nom de l’auteur.e, d’abord. Le titre, sans doute. La couverture, parfois. Le genre, peut-être. La recommandation d’un.e ami.e, évidemment. En ce qui me concerne, tous ces éléments ont une importance. Mais il y a une chose à laquelle je me reporte toujours, sans aucune exception : l’argument donné en 4ème de couverture. Rien ne me donne plus envie de lire un livre ou de ne pas le lire que ces quelques lignes qui me permettent de me projeter dans ma future lecture et d’évaluer si cela pourrait me plaire.



Mais plus le temps passe, plus m’apparaît clairement le défaut majeur de cette habitude. Ma lecture est en effet modelée par cette courte présentation, contrainte en quelque sorte. Dans le livre dont il est question ici, j’ai ressenti cela de manière flagrante. Attention je ne parle pas du fait de dévoiler des éléments-clés de l’intrigue, à la manière de certaines bandes-annonces, dont la vision se termine invariablement par un commentaire du type « Bon bah c’est bon, on a tout vu, pas la peine d’aller au ciné ».



Ici, le synopsis, au lieu d’introduire l’intrigue, la détourne. Le roman, tel que je l’ai lu, fait le récit des aventures de Lauren Oya Olamina, prêcheuse païenne à la tête d’une petite communauté de fidèles, mais vu à travers les yeux de sa fille, Asha, qui lit et commente le journal écrit par sa mère. Cette relation à distance entre la mère et la fille est au cœur de l’ouvrage, son ambiguïté en est l’intérêt profond, bien plus à mon sens que la vision dystopique d’une Amérique déclassée et en proie à la violence.



Or cette analyse rétrospective du roman a été polluée tout au long de la lecture par l’idée que j’avais en tête depuis le départ, suite à ma consultation de la 4ème de couverture. J’étais ainsi persuadé que La Parabole des talents, suite de La Parabole du semeur, narrerait les aventures d’Asha en 2032, « célèbre créatrice de jeux virtuels », qui « entre en résistance à son tour », à la suite de sa mère. C’est triplement trompeur. D’abord parce que si l’action démarre en 2032, la lecture du journal débute elle au plus tôt en 2090. Ensuite parce que la profession d’Asha n’est évoquée qu’en passant, dans les dernières pages, mais que cela n’influe nullement sur l’histoire dont il est question. Enfin parce que,



Pourquoi insister sur ces quelques lignes et pas sur le roman ? Parce que je me suis rendu compte à cette occasion à quel point ma lecture s’est retrouvée prisonnière de ce résumé, à quel point je suis passé à côté du sujet en me demandant quand, enfin, le roman rejoindrait le chemin tracé par le synopsis de la 4ème de couverture, quand la fille succèderait à la mère en tant qu’héroïne. Cela ne s’est jamais produit.



C’est bien dommage, car le travail d’Octavia E. Butler sur la foi, la filiation, l’absence, la construction de l’identité est à bien des égards passionnant. J’en tirerai une leçon pour l’avenir : pour se laisser porter et emporter par un roman, mieux vaut en savoir le moins possible !



Je remercie néanmoins sincèrement Babelio et la maison d’édition de m’avoir offert cette lecture dans le cadre de l’opération « Masse Critique ».
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Xenogenesis, tome 1 : L'aube

Lilith Iyapo se réveille. Ou plutôt s’éveille. Une nouvelle fois. Seule dans une pièce à l’ameublement minimaliste. Elle ne sait pas qui l’a enlevée. Ni pourquoi, ni ce qu’elle fait là. Elle se rappelle juste sa vie d’avant. Et que la guerre a décimé la grande majorité de la population terrestre. Mais elle a survécu. Pourquoi ? Pour quoi faire ?



L’Aube est le premier tome d’une trilogie, Xenogenesis, publiée originellement de 1987 à 1989. Les éditions au Diable Vauvert, dans leur volonté de proposer aux lecteurs français les textes d’Octavia E. Butler, ont fait traduire cette œuvre inédite par Jessica Shapiro. C’est cette dernière qui avait révisée la traduction de Liens de sang, texte magistral par lequel j’ai découvert Octavia E. Butler. Et c’est une chance pour nous autres. Moi, en particulier, qui ne lit pas l’anglais couramment.



Dans ce roman, on oublie le passé pour se diriger vers un futur totalement imaginaire. Les guerres ont ravagé la Terre qui est devenue inhabitable (ça, malheureusement, c’est crédible). Des extraterrestres ont récupéré certains humain.e.s pour les sauver. Ils semblent avoir du mal à supporter qu’une « race » disparaisse et interviennent donc pour en récupérer des représentant.e.s. Tout ceci est très louable. La suite l’est peut-être un peu moins. Cela reste à voir et fait le centre de ce récit d’Octavia E. Butler. Encore un de ses cas de conscience cornéliens. Pour le moins.



Ce qui m’avait vraiment beaucoup plu dans Liens de sang, c’est le dilemme moral auquel était exposée la protagoniste principale. Devait-elle travailler avec le Blanc, symbole de pouvoir et surtout d’oppression ? Le jeu en valait-il la chandelle ? On retrouve ce questionnement fort dans L’Aube. Lilith (quel prénom que celui-là, avec toute sa charge mythique que l’autrice ne pouvait ignorer) va apprendre à vivre avec les extraterrestres. Ils l’ont sauvée mais ils la gardent prisonnière. Elle est traitée sans violence mais comme une prisonnière. Ou un animal. Enfermée. On fait sur elle des expériences. Quand elle ne supporte plus sa condition, on l’endort à nouveau. Puis on l’éveille à nouveau. Je pense que si un être humain était ainsi traité par d’autres, on contesterait ce traitement.



Malgré tout elle est en vie. Et peu à peu, les extraterrestres vont la faire vivre avec eux. Un peu comme la jeune Andrea Cort que l’on découvre dans Émissaires des morts d’Adam-Troy Castro et qui vivait dans une colonie mixte (avant le grand massacre). Puis, ils vont finir par lui demander plus. Ils vont lui demander de collaborer. Car leur but est non seulement de conserver des spécimens de toutes les « races », mais aussi de bénéficier de leur patrimoine génétique. En le mêlant au leur. Comment doit réagir Lilith ? Doit elle contester ? Se battre ? Mettre fin à ses jours ? Comment accepter cette condition ? Comment accepter de vivre avec ses geôliers ? Est-ce une question de survie et de bon sens ou est-ce amoral ? D’autant qu’on lui offre le retour sur une Terre à nouveau viable en échange. Que de questions que se pose Lilith et nous avec elle. Je dois avouer que c’est toute la richesse de cette autrice que de m’amener à me questionner sur de telles situations. Et de ne pas savoir quoi répondre. Car une fois encore, Octavia E. Butler se montre d’une grande finesse dans son traitement de la question. Pas question de nous montrer un point de vue unique, de nous faciliter la tâche en nous indiquant les gentils et les méchants, la marche à suivre. À nous, lecteurice, de nous débrouiller avec ça et de trancher. En espérant ne jamais se trouver devant un tel choix.



La lecture de Liens de sang m’avait convaincu qu’Octavia E. Butler était une grande autrice, mais elle aurait pu n’être la romancière que d’un seul grand roman. L’Aube m’a prouvé qu’il n’en était rien et que c’est une autrice qu’il me faut absolument lire et relire. Je commencerai bien évidemment par le deuxième tome de cette trilogie, L’initiation (prévue pour mars- avril) et Imago (octobre).
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Liens de sang

Ayant appris que le Bifrost n°108 allait avoir pour autrice centrale Octavia E. Butler, je me suis aperçu que je connaissais à peine le nom de cette femme et que je n’avais rien lu d’elle. Il était donc urgent pour moi de combler cette lacune. J’ai décidé de commencer par un de ses principaux romans, récemment réédité dans une traduction remise au goût du jour par les éditions Au Diable Vauvert. Liens de sang imagine, en 1979, l’histoire d’une femme, noire, qui voyage malgré elle dans le passé. Et se retrouve dans le sud de 1815, quand l’esclavage était la norme.



Pour la narratrice et pour le lecteur que je suis. Dès le début du roman, à peine avons-nous l’occasion de découvrir Dana, jeune femme noire, donc, mariée à un blanc, Kevin, qu’elle ressent un malaise. Sans comprendre ce qui lui arrive, elle se retrouve dans un état du Sud des États-Unis où l’esclavage est encore légal. Elle sauve un jeune garçon qui était en train de se noyer. Comme elle est noire et que le petit est blanc, les adultes présents la menacent. Un homme pointe même un fusil vers elle. Et aussitôt, elle retourne dans son présent. C’est le début d’une série d’allers et retours entre le XXe et le XIXe siècle. Peu à peu, Dana va comprendre, sinon le mode fonctionnement de ses voyages, du moins les déclencheurs. Elle semble liée à ce jeune garçon dont elle va rapidement découvrir qu’il s’agit de Rufus, un de ses ancêtres. Un fils de propriétaire terrien possédant des esclaves. Et n’hésitant pas à les punir quand il le considère nécessaire, le fouet claquant contre les peaux nues. Mais comment tout cela peut-il finir ? Et comment Dana va-t-elle survivre à cette période, elle qui n’a pas la bonne couleur de peau pour circuler sans risque, pour ne serait-ce qu’exister sans risque ?



Je tiens à préciser que si je n’avais pas regardé la date de publication originale du roman, je ne me serais sans doute pas douté qu’il était si ancien (plus de quarante ans, ce n’est pas rien en SF), tellement le discours est moderne. Même si le fait qu’Octavia E. Butler ait placé le quotidien de Dana en 1979, sans que cela influe en rien sur l’histoire, est un indice flagrant. Car le présent de Dana n’est quasiment pas décrit. Ce n’est absolument pas l’intérêt principal du roman. L’autrice veut nous montrer l’opposition évidente entre la vie pour une femme (et j’insiste bien sur « femme », car outre le racisme, ce récit dénonce également le sexisme) au XXe siècle et une autre, presque forcément esclave (car il existe quelques femmes noires libres, mais le pourcentage doit être minime) au XIXe siècle. La première peut choisir de vivre seule ou avec un homme, qu’il soit noir ou blanc. Alors, bien sûr, Octavia E. Butler ne joue pas la carte de l’optimisme béat. Elle évoque les difficultés du couple mixte avec les familles respectives. Racisme chez les blancs comme chez les noirs. Avec des arguments tellement stéréotypés que c’en est à pleurer. Et ce, d’autant que de nos jours, certains de ces arguments nous sont encore resservis avec la même conviction dans la voix. Infériorité des races d’un côté ; trahison de ses origines de l’autre.

La deuxième est donc nécessairement une esclave. Donc un objet ou un animal, au choix. Les propriétaires de ces « choses » peuvent les vendre, les accoupler, les violer, les frapper pour les dresser. Surtout les femmes, qui n’ont pas d’autre choix que d’obéir si elles veulent éviter le fouet. Et bien sûr, obéir est parfois synonyme de se laisser violer. Quotidiennement. Jusqu’à faire des enfants à leur maître. Même si cela leur donne envie de vomir. Même si cela leur donne envie de mourir. Mais il faut continuer à vivre. Le quotidien de la ferme, avec cet ordre des choses établi et accepté par toutes et tous, ou presque, est effarant. Et là encore, l’autrice ne se montre pas manichéenne. Elle s’interroge sur les raisons pour lesquelles les gens acceptaient, dans leur immense majorité, cet état de fait. Et je dois avouer qu’après la lecture de Liens de sang, je comprends bien mieux ce mécanisme atroce qui amène à la survie d’un tel système. Tout cela est d’une grande force et d’une grande finesse. Tout en étant extrêmement agréable à lire.



Car Octavia E. Butler se montre d’une grande efficacité dans la construction de ce récit. Le rythme varie selon les périodes : rapide, au début, pour nous permettre de prendre pied dans l’action sans trainer, avec des chapitres brefs. Et les parties qui s’allongent progressivement, à mesure que Dana comprend ce qui lui arrive, qu’elle s’intègre dans ce XIXe siècle si dur, mais si intense, à tel point qu’elle finit presque par le considérer comme son « chez soi ». De plus, les trames narratives s’entrelacent et s’enrichissent, sans pourtant se montrer complexes. Ce roman est facile à lire (je ne parle pas du fond, qui est pesant, car les thèmes abordés sont cruels) : les personnages sont suffisamment caractérisés pour que l’on ne s’emmêle pas les pinceaux ; les évènements se succèdent à un rythme plaisant et efficace.

J’ai d’ailleurs, à la lecture de Liens de sang, rapidement pensé au superbe, mais tout aussi terrifiant Nickel Boys de Colson Whitehead. Terrifiant car lui aussi a su retranscrire dans sa prose l’horreur de ces situations quotidiennes de personnes jugées inférieures à d’autres et donc obligées d’obéir en tout à l’autre. Même si c’est un parfait abruti. Ou un sadique. Ou un connard fini. Et avoir une autre preuve de la monstruosité potentielle de l’humain (je sais, je sais, on en a tous les jours) n’est pas réjouissant. Et pourtant, la lecture de ces deux romans est un plaisir. Car dans les deux cas, les auteurs sont parvenus à nous faire vivre ces époques, à nous faire aimer ces personnages. Et donc à souffrir avec eux.



Pour un coup d’essai, c’est un coup de maitre : ma première lecture d’Octavia E. Butler m’a convaincu de poursuivre dans cette voie. Liens de sang m’a enchanté par sa narration et, surtout, par la force de ses personnages : Dana, bien sûr, mais aussi Alice, l’esclave favorite de Rufus, l’ancêtre de Dana. Personnages forts, mais pas stéréotypés. Période cruelle, mais qui évite les clichés. Octavia E. Butler a su dépeindre des réalités sans pitié en finesse, sans les facilités d’usage. Avec le souci de comprendre et de faire comprendre, de partager des interrogations et de tenter d’y répondre. Un magnifique roman, vraiment.
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Liens de sang

Quelle belle découverte !

L'histoire est envoutante et nous emporte avec Dana à chaque fois qu'elle voyage.

On s'attache aux personnages, on vit avec eux, et bien-sur, on souffre avec eux. Chacun est composé de nuances bonnes ou mauvaises, ce sont des vrais humains avec des réactions parfaitement adaptées aux situations. Sauf Dana qui a un peu trop tendance à pardonner à Rufus, jusqu'au final.

Bref, un excellent moment de lecture. J'ai vu qu'il y a une série d'après ce livre. Je vais vite la regarder pour voir ce que ça donne car j'avoue que j'ai un peu de mal à quitter Dana.
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La Parabole du semeur

Semeuse.



2024. Les États-Unis ne sont plus qu'un lointain souvenir. Tout n'est plus que chaos. Lauren, quinze ans est certaine d'une chose: le monde de ses parents n'est plus. Il faut créer un nouveau modèle de société pour survivre.



Ce roman post-apocalyptique traînait depuis longtemps dans ma bibliothèque. Je regrette de ne pas l'avoir lu plus tôt car il s'est avéré excellent à la lecture. le thème est classique mais l'intrigue prend un tournant intéressant.



Nous suivons Lauren une adolescente qui vit dans une enclave sécurisée. Mais des signes inquiétants montrent que le temps est compté avant que le quartier ne soit également submergé par la violence.



L'héroïne sait qu'elle va devoir quitter sa communauté pour en fonder une nouvelle. Toutefois elle cumule plusieurs handicaps. Outre le fait d'être une femme dans un monde sans foi ni loi, elle est noire et souffre d'empathie. Elle ressent la douleur des êtres humains qui l'entourent.



L'autrice est parvenue à créer un futur possible, effrayant dans son réalisme. Elle n'indique pas clairement ce qui en a causé la chute, mais des indices sont disséminés çà et là. Réchauffement climatique, montée du racisme, violence envers les plus faibles, réapparition de l'esclavage... Ce futur est noir et semble annoncer le déclin de la civilisation.



C'est sans compter sur Lauren. Celle-ci a décidé d'agir malgré tout et d'essayer d'apporter une lueur d'espoir. Envers et contre tout, elle va tenter de créer une communauté, sa communauté, pour maintenir un îlot de civilisation malgré l'explosion de violence.



Le personnage de Lauren est très bien écrit. Il n'est pas manichéen. Froide et implacable au premier abord, elle sera également capable d'une grande générosité envers autrui. Quelque soit l'épreuve elle se relèvera toujours.



Bref, il s'agit clairement d'une pépite méconnue de la science-fiction américaine.
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Xenogenesis, tome 2 : L'initiation

Plusieurs dizaines d’années après L’Aube, Lilith est mère. De plusieurs enfants. Mais pas encore de mâles. Les Oankali n’en voulaient pas. Jugés trop dangereux. Jusqu’ici. Car depuis, Akin est né. Et c’est un petit garçon. Mais il n’est pas juste humain. Tout cela est terminé : l’humanité doit se mélanger avec les Oankali. Pour survivre. Tandis que leurs nouveaux alliés cherchent la diversité génétique et donc l’enrichissement des patrimoines. Et Akin est un produit de cette union, un être hybride qui va devoir chercher sa place et donc son rôle dans cette société en devenir.



Avertissement habituel dans ce genre de cas : si vous n’avez pas lu L’Aube, alors passez votre chemin. Allez le lire. Puis revenez.



Donc, ce qui était annoncé à la fin du précédent roman est arrivé : les humains sont revenus sur Terre. Une Terre nettoyée des dégâts causés par les conflits qui auraient dû mener à l’extinction de l’humanité sans l’intervention des extra-terrestres. Mais un prix est à payer. Les Oankali vont désormais vivre avec eux. Pour être précis, un groupe d’Oankali a désormais lié son destin à celui des femmes et des hommes sortis de leur vaisseau. Ils vont dorénavant lier leurs gènes à ceux des humains, créant ainsi de nouveaux mélanges plus résistants. Ce sont des collectionneurs et des chercheurs. À la différence des habitants originaux de la Terre qui ne voient pas nécessairement d’un bon œil ces changements.



Les humains se trouvent alors séparés, de leur propre volonté en deux groupes : ceux qui acceptent la vie en symbiose avec les Oankali et les ooloi et qui, donc, font des enfants métissés ; et ceux qui refusent cela et cherchent par tous les moyens à retrouver le mode de vie humain. Mais ils restent stériles, car les Oankali ont bloqué leurs facultés reproductrices. D’où un immense malaise, une vacuité de l’existence. À quoi sert de vivre si on a personne à qui transmettre, personne pour continuer. Intense et très pertinente réflexion sur le but de l’existence. Si nous savions être la dernière génération, quel sens trouverions-nous, toutes te tous, à nos années ? Est-il possible de ne pas se projeter vers l’avenir, d’accepter d’être un ultime élément d’une chaîne ?



Akin, le fils de Lilith, lui, va se poser la question. Car il va vivre pendant un temps avec les « opposants » (par opposition aux « négociants », qui vivent avec les extra-terrestres et ont accepté d’unir leurs gênes aux leurs) et finir par comprendre leur point de vue. Ce premier enfant mâle né d’une humaine depuis le retour de ses congénères sur Terre sera-t-il le trait d’union entre les deux groupes ? Comment équilibrer les deux façons de voir les choses ? Là est la force de ce roman : dans L’Aube, on était avec Lilith, femme perdue au milieu d’extraterrestres aux exigences fortes. On se posait des questions sur la collaboration, sur ce qu’il était possible d’accepter. Et au nom de quoi. Dans L’Initiation, Octavia E. Butler passe de l’autre côté : l’extraterrestre est, sinon l’ennemi, du moins l’envahisseur exigeant, qui ne comprend pas celui qu’il domine. Et qui risque de le conduire à sa perte. Il ne saisit pas ce qui est important pour les femmes, les hommes. Et il a besoin de quelqu’un comme Akin, entre les deux. Mais n’est-ce pas trop tard ? Que pourrait-il bien faire pour apaiser les tensions et offrir un avenir à cette colonie ?



L’Initiation offre bien sûr moins de surprise que L’Aube puisque nous connaissons déjà le contexte, l’univers inventé par Octavia E. Butler et les thématiques choisies. Mais il en est la suite logique et nécessaire. Qui permet au lecteur, humain, d’accepter plus facilement toute cette spirale. Car dans le premier roman, il n’était pas toujours facile d’adopter le point de vue de Lilith. Là, l’autrice nous en propose un autre, plus proche de notre quotidien et donc plus facile à appréhender. Et le personnage qui l’endosse est aussi puissant que Lilith. Akin nous devient indispensable dès les premières pages, les premières phrases : « Il se souvenait d’une grande partie de son séjour dans le ventre. » Toute la spécificité de cet être est contenu dans cette phrase. Dès le début, il est conscient. Il observe et s’imprègne de ce qui l’entoure, cherchant à comprendre et à améliorer. Sans a priori. Son empathie si intense comme porte-étendard. Il offre une caution forte aux autres voix, celles qui étaient rejetées ou mises de côté dans L’Aube. La capacité d’Octavia E. Butler à nous faire changer de camp, en quelque sorte, sans que cela soit artificiel prouve son grand talent et confirme son rang d’autrice indispensable. Elle nous livre, sur un plateau, toutes les clefs pour une réflexion essentielle sur la vie en société et les compromis nécessaires. Ou non.



Encore un récit fort et captivant. Décidément, depuis que j’ai découvert Octavia E. Butler grâce au numéro 108 de Bifrost qui lui a été consacré en octobre 2022, je cours d’heureuse surprise en ravissement. Cette autrice a le don, avec une prose simple, parfois presque lisse, chirurgicale, de mettre le doigt sur des points capitaux. Elle ouvre des questionnements primordiaux et ouvre des pistes, riches d’enseignement. Je suis, vous l’aurez compris, empli d’une grande impatience en attendant le dernier roman de cette trilogie qui devrait paraître en octobre prochain.
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Xenogenesis, tome 3 : Imago

J’aime énormément l’écriture d’Octavia Butler ainsi que la richesse de son imagination. J’avais hâte de lire la conclusion de cette fascinante histoire. J’ai donc été un peu surprise/déçue de refermer ce troisième tome avec le sentiment d’être passée à côté.



Il m’arrive de décrocher quand je dois interrompre ma lecture plusieurs jours (j’ai été souffrante). Mais je dois avouer que j’ai toujours eu un peu de mal à visualiser les personnages qui ne sont pas humains (surtout les Oolois). Cela s’est avéré impossible pour Jodahs figure centrale du roman.



L’histoire se concentre sur ses transformations, ses besoins et son obsession de trouver deux humains pour s’accoupler. J'ai de loin préféré celle d'Akin dans le tome précédent.



En conclusion, lecture mitigée mais je lirai probablement d'autres livres de l'auteure comme "Liens de sang".











Challenge mauvais genres 2024

Challenge multi-auteures SFFF 2024

Challenge plumes féminines 2024 (37)
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Xenogenesis, tome 3 : Imago

En 1989, Octavia Butler met un point final à sa trilogie Xenogenesis avec son ultime volume : Imago. Après L’Aube et L’Initiation, l’autrice américaine replonge dans son étrange univers où le premier contact tourne au jeu de domination entre Humains et Oankalis.

Dans le précédent volume, nous avions pu suivre Akin, un hybride des deux races, et ainsi poser notre regard sur ce qu’il restait des derniers humains refusant le troc génétique proposé par les extra-terrestres.

Ces opposants, loin d’être aussi mauvais qu’on aurait pu le croire de prime abord, arrivent finalement à faire valoir leur point de vue en passant suffisamment de temps avec Akin qui se retrouve lui-même à plaider leur cause en faveur d’une nouvelle société humaine capable de se reproduire et de se gouverner. Mais pour la Terre, c’est déjà trop tard et c’est sur Mars que la nouvelle humanité tentera sa chance.

Quelques années plus tard, Octavia Butler imagine une dernière aventure dans les coins les plus reculés de notre planète en sursis…



Après Lilith et Akin, nous changeons encore de point de vue avec l’arrivée de Jodahs qui fait lui aussi partie de la grande famille déjà présente dans les volumes précédents mais qui a pourtant une particularité bien à lui qui le rend unique.

En effet, les enfants hybrides nés d’humains subissent une métamorphose en deux étapes pour arriver à l’âge adulte et où leurs corps changent parfois radicalement. Jodahs est à l’aube de ce bouleversement mais il prend vite conscience qu’il ne sera ni mâle ni femelle… il sera Ooloi !

L’Ooloi, comme nous le savons maintenant depuis les débuts de la saga Xenogenesis, sont un troisième sexe dans la race Oankali qui joue un rôle clé et extrêmement particulier car ce sont eux qui servent de trait d’union pour les « trouples » formés par les géniteurs de cette étrange race extra-terrestre. Ce sont également eux qui manipulent le mieux les gènes et remanient les corps à leur portée. Un Ooloi n’est donc pas un Oankali comme les autres. Et c’est justement la toute première fois qu’un hybride né d’humain comme Jodahs se destine à devenir Ooloi !

Le risque semble énorme tant les pulsions humaines et la Contradiction qui les a anéanti tantôt pourraient causer d’énormes dommages à tout ce que les Oankalis ont construit jusque maintenant. C’est pour cette raison qu’on pense d’abord envoyer Jodahs en orbite dans le vaisseau-mère vivant des extra-terrestres mais sa famille refuse et choisit l’exil dans les profondeurs de la jungle terrienne.

Comment Jodahs va-t-il pouvoir devenir adulte et contrôler ses nouvelles capacités hors du commun dans de telles circonstances ?

Survie en milieu hostile au programme de ce dernier chapitre de la trilogie Xenogenesis mais aussi, et surtout, une vraie immersion dans la tête d’u personnage complètement étranger au genre humain qui regarde le monde d’une façon radicalement différente. Jodahs goûte et transforme ce qu’il touche, regardant ce qu’il reste des opposants désormais acculés dans les coins les plus reculés de la planète pour survivre selon leurs vœux.



Avant tout, et davantage encore que les deux précédents, Imago est un roman sur la transformation physique et la modification corporel.

C’est un passage à l’âge adulte unique en son genre que présente Octavia Butler, trifouillant la chair de ses extraterrestres plus répugnants et attirants que jamais. On sent encore parfaitement toute l’ambivalence qui peut habiter les êtres humains qui les côtoient, d’un côté terrifié par ces tentacules grouillants et cette tendance tenace du tactile qui les habite, de l’autre fasciné par le discours profondément intelligent et bienveillant qui en émane. Nous suivrons ici les transformations de Jodahs avec une grande minutie, presque paralysé d’effroi et de curiosité, surtout lorsqu’il exprime ses nécessités de besoins physiques avec les humains, ces étranges créatures si délicieusement addictives.

On retrouve de nouveau l’originalité dans la description du mode de vie et des règles qui régissent l’espèce Oankali, ainsi que l’imagination formidable de l’américaine pour en faire une race à part avec ses coutumes et ses familles qui semblent s’étendre à l’infinie et où l’inceste n’existe pas.

La frontière du dérangeant est vite franchi à nouveau et plonge dans les derniers niveaux de l’ambiguïté au fur et à mesure que Jodahs découvre ses capacités nouvelles…et qu’il se trouve de nouveaux partenaires humains.



Pour ce dernier volet, Octavia Butler pousse jusqu’au bout le malaise qui enveloppe le lecteur depuis le tout début.

Véritable jonglage amoral autour du concept de domination, la trilogie Xenogenesis est à la fois effroyable et brillante dès lors qu’il s’agit de montrer l’emprise et la cohabitation des races.

Ce qui dérange profondément à la lecture d’Imago, c’est qu’on observe de l’intérieur cette avidité impossible à réfréner pour le contact humain et la relation physique, mais que ceux-ci ne sont jamais clairs.

En effet, les Oolois (et donc Jodahs) modifient les réactions/perceptions de leurs partenaires par des phéromones et autres substances biochimiques douteuses.

Dès lors, difficile de croire que les réactions humaines et leurs envies soudaines de s’accoupler avec des êtres aussi répugnants physiquement soit tout à fait naturelles. On pourrait rapidement crier à l’horreur… mais c’est sans compter sur la bienveillance de tous les instants des Oankalis qui, non content d’avoir sauver la race humaine, se prennent à vouloir la perfectionner, soignent les malades et les difformes, donnent du plaisir à volonté autour d’eux et prônent un pacifisme total.

Les extra-terrestres ne sont pas là pour détruire la civilisation terrienne mais pour la rendre meilleure.

Et si vous n’êtes pas d’accord, le choix est simple : l’exil ou la stérilité.

Si l’on peut logiquement être déçu que ce dernier volume ne nous emmène pas sur Mars et qu’il stagne sur une planète Terre régénérée comme dans le volume précédent, on note qu’Octavia Butler pousse encore plus loin son questionnement sur l’assimilation. Où s’arrête la bienveillance du colon et où commence l’invasion et l’esclavage qui ne dit pas son nom ?

L’envoi vers Mars des humains qui ne veulent pas adhérer à ce nouveau mode de pensée fait écho au renvoi des esclaves noirs américains vers le Liberia, acheté en son temps de façon bienveillante par l’American Colonization Society, pour permettre aux « pauvres esclaves noirs » de rejoindre leur terre natale… Bienveillance quand tu nous tiens !

Le malaise se poursuit donc jusqu’à la dernière page et jamais le lecteur ne sera certain des véritables sentiments des humains qui passent beaucoup trop rapidement de la haine à la camaraderie… voire plus si affinités !

Octavia Butler démontre une nouvelle fois que les grands principes s’écroulent dans le brouillard du réel et que les rapports entre dominants et dominés sont bien plus inextricables qu’on ne voudrait le croire…



Malgré la redites, ce dernier volume de la trilogie Xenogenesis est un bonheur de réflexions philosophiques et de body-horror light, le tout dans une atmosphère étrange qui file une furieuse envie de s’enfuir en quatrième vitesse au lecteur. Assez loin en tout cas de ces bienveillants mais particulièrement envahissants extra-terrestres atteints d’un sacré syndrome du sauveur.

Une conclusion qui laisse des traces.
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La Parabole du semeur

Enjeu politique et/ou triste évolution des moeurs, la violence urbaine est devenue un sujet rebattu par les médias. Si vous vous sentez devenir anxieux à l'étalage de tous ces faits sordides, de fusillades en viols commis en plein jour, peut-être vaut il mieux éviter de croiser la route d'Octavia E.Butler dans La parabole du Semeur.

Ecrit en 1993 ce roman parle d'un futur proche et commence en 2024. Espérons mieux, même d'ici 30 ans, que le monde apocalyptique imaginé par l'autrice. Un monde aux gouvernants fantômes, à la police corrompue, où chaque quartier s'isole dans une enceinte pour un semblant de protection face à une foule de sans-abris désespérés grandissante. Un monde où la seule garantie de sécurité se résume à posséder des armes à feu pour se défendre. Un monde où les cataclysmes climatiques se sont intensifiés, où il ne pleut que tous les six ans, où l'eau est devenue quatre fois plus chère que l'essence. Vous avez pensé à une autrice américaine quand j'ai évoqué des armes à feu ? Vous aviez raison. L'histoire se déroule au départ non loin de Los Angeles. Et pour que le bouquet soit complet, elle évoque également le racisme, l'esclavagisme...et God, Oh, my God.

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Ce monde apocalyptique américain ne m'a pas beaucoup surprise. Ni sur les thèmes abordés, parmi lesquels une violence qui laisse au bord de l'écoeurement, ni sur le déroulement, j'ai déjà croisé bien des gens en haillons, affamés et hagards qui n'avaient d'autre choix que risquer le périple jusqu'au Nord ou jusqu'à la Mer, sur les routes de MacCarthy, Wauters, ou Collette, dans l'espoir à peine exprimé de jours meilleurs, tout du moins, à vivre.

Par contre des personnages comme Lauren, je n'en ai pas croisé souvent. Une telle rage de vivre, tempérée par des capacités d'analyse, d'anticipation, et par une foi inébranlable ; en voilà une femme admirable, du genre de celle que je voudrais bien dans mon équipe si un jour je dois survivre (aurais-je cette force ?). Peut-être épouserais-je ses croyances avancées avec tant d'assurance, pour ne pas attendre simplement que la mort me cueille ?

Mais pour l'heure, par rapport à cette foi, j'ai eu du mal à me situer dans ce livre.

Les croyants vont rejeter ce livre, car Lauren ne croit pas au Dieu si cher à son père pasteur. Elle croit à celui qu'elle façonne chaque jour dans sa Bible, rédigée par ses soins, « Semence de la Terre : le Livre des vivants », des extraits ponctuent chaque début de chapitre. Elle a une ambition, un peu folle mais si admirable dans ce contexte chaotique, de répandre sa parole, de faire renaître, quelque part au Nord, sa première communauté....Moteur pour survivre, ardente et folle certitude d'être en possession d'une vérité à répandre...

Les non-croyants en seront perturbés, la foi pourrait-elle sauver la vie ? Aurait-on besoin de gourous quand il n'y a quasiment plus aucun espoir ? « Il faut se créer ses propres raisons d'exister. Façonner Dieu, c'est se façonner soi-même. » « Semence de la Terre : le Livre des vivants » (p286) . Une belle philosophie, finalement, mais le non-croyant pourra être gêné d'y voir ce terme de Dieu constamment répété, martelé, un appel à la conversion mal-aisant, tant on sait toutes les tragédies que cela peut amener.

Mais les tragédies, dans ce livre sont déjà à leur paroxysme.

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le roman, par la forte personnalité de Lauren, et même si l'on peut être surpris par la portée et l'ambition des desseins qui l'animent, est donc aussi un récit survivaliste. Elle est de la veine de tous ceux qui nous alertent aujourd'hui sur notre mode de vie, et ses conséquences sur le futur, un futur que l'on nous prédit de plus en plus proche. de ceux qui prêtent à sourire parce qu'ils veulent se construire un bunker enterré quelques dizaines de mètres sous-terre, avec des vivres en quantité, pour le jour « où tout va péter ». Ceux que l'on prend pour des fous, mais seul l'avenir le dira, et l'avenir personne ne le connaît, il me semble. Peut-être certains naîtront-ils un jour avec la capacité de le prédire (je n'exclus pas que ce fut déjà le cas) ? Lauren a la capacité de ressentir la douleur des autres, comme si elle recevait les mêmes coups, mais ce trait de sa personnalité fut un enfumage complet pour moi. Je n'en ai pas saisi l'intérêt. Non, je n'ai pas toujours été passionnée par ce récit, et par l'omniprésence de Dieu, mais j'ai tout de même rencontré une p... de femme, point d'ancrage dans un monde anéanti ; rai de lumière dans un noir total.

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«  Je ne voyais qu'une tache d'eau scintillante à travers l'écran des frondaisons. le monde est plein d'histoires douloureuses et il semble parfois qu'il n'y en ait pas d'autres. Pourtant cet éclat d'eau entre des feuillages était beau. » p291.

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La Parabole du semeur

2022 fut mon année science-fiction… et je termine avec non des moindres : « La parabole du semeur » d’Octavia E. Butler…



Californie, 2024 – A Robledo, un quartier sinistré de la banlieue de Los Angeles vivent Lauren et sa famille. Dans un monde qui a perdu ses repères, déréglé et désagrégé, ils tentent de survivre, comme d’autres, barricadés dans leurs quartiers, abrités derrière de hauts murs.

La jeune fille de 15 ans raconte dans un journal ce quotidien complexe, où le manque d’eau et de nourriture, de sécurité matérielle, conduisent immanquablement à la révolte des moins bien lotis pour assurer leur survie.

Elle y confie également ce qu’elle ne peut dire à personne : sa ferme intention de quitter le cocon familial pour partir plus au nord, là ou les conditions climatiques sont plus clémentes, vers un lieu où l’espoir peut renaître, pour un endroit sûr oùfonder sa propre communauté…



Parce que Lauren n’est pas comme les autres membres de sa famille, de sa communauté ; elle est atteinte d’hyper-empathie et dans un monde empli de souffrance, si elle n’agit pas, c’est sa vie qu’elle joue.



Superbe roman de science-fiction que j’ai eu la chance de découvrir grâce aux critiques d’acolytes babeliotes !

Cette dystopie écrite dans les années 1990 entrevoit avec talent et justesse ce que l’Amérique pourrait devenir...ou est presque devenue. Ce réalisme prophétique se retrouve sur plusieurs pans : politique, sociétal et humain. Point de créatures horrifiques pour nous effrayer, non, juste la fin d’un monde en conséquence du réchauffement climatique qu’il a lui-même alimenté, en générant ainsi sa propre régression : vers l’esclavagisme, la violence et la barbarie.

Mais le plus important à retenir dans ce roman reste certainement l’humanisme insufflé par Octavia E. Butler. Au travers du destin de cette jeune fille qui fait de son handicap une force, c’est un message d’espoir qu’elle nous offre, de tolérance aussi.

J’ai hâte de la retrouver dans La parabole des talents !





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