Citations de Olivier Rogez (50)
Ceux qui vivent dans le désordre sont les derniers à désirer l’anarchie.
Les hommes ne peuvent jamais rester tranquilles. Ils s’inventent toujours des destins ou des vocations. Les dieux et déesses servent de prétextes pour mettre en mouvement leur ambition. C’est ainsi que naissent les prophètes.
[…] Wendell vendait du rêve, car le rêve constituait la première matière de l’espoir, et l’espoir était justement ce qui permettait aux hommes de mettre un pied devant l’autre chaque matin en se réveillant.
La traversée des grands espaces s’accompagne souvent d’une allégresse que les navigateurs connaissent bien.
[…] Jackson était suffisamment avisé pour savoir qu’un bon homme d’affaires ne dépensait pas ses deniers, mais d’abord ceux des autres.
Alors qu’on croit avoir mûrement réfléchi une décision, on agit en fait souvent en réponse à un besoin instinctif ou émotionnel.
Les dix millions d'habitants de la capitale du monde communiste ne sont donc pas dans ces rues étouffantes, ils sont réfugiés dans les interminables barres d'immeubles qui dessinent un urbanisme aussi désespérant qu'un matin de novembre. Ils se rassemblent dans les cuisines des appartements , devenus les seuls endroits du pays où l'on respire librement, où l'on peut se retrouver, en famille, entre amis, en jurant sur le diable qu'il n'y a ni micro, ni surveillance. La cuisine est la Suisse du Soviétique, un terrain neutre où il est possible de critique librement et de parler avec franchise.
Pourtant, il ne parvenait pas encore à se laisser convaincre. Le projet de Frances lui paraissait insensé Elle souhait emmener au Nigeria une armée du Seigneur. " Oh, non pas une troupe de soldats, non. Une armée de croyants qui irait en terre d'islam prêcher la seule, la vraie, l'unique religion. Une foule de convertis pour s'opposer à l'aveuglement, ouvrir les yeux et conquérir les coeurs "
Son âme était partagée. Son moi, discipliné par la vie sous les drapeaux, s'offusquait de voir des prisonniers jouir en toute impunité d'un régime si relâché. Son surmoi, rebelle et anarchiste, s'amusait à voir ces hommes contrevenir ouvertement aux normes du système carcéral. (p.63)
Iouri le brillant étudiant, le charmeur, le magnifique orateur des cours de philosophie marxiste, est aujourd’hui un animal redoutable, une arme affutée au service d’un appareil répressif. Il le sait. Il en éprouve de l’amertume.
Faites attention ! Ici, ce n'est pas comme chez vous ! Tout ce que vous cachez, nous on le montre ! La saleté, la misère, la mort ! Et la haine aussi !
Le capitaine Dida ne connaissait rien à la politique, rien aux relations internationales, mais il savait une chose : lorsque l'on dérange un lion, il vaut mieux savoir courir vite. (p.227)
je n'en peux plus de cette ville, je veux partir, j'étouffe ici. je vis à côté de ma vie. je suis comme le peintre qui recule d'un pas pour contempler son tableau. je vois mon ciel, mes nuages, mon soleil, mais je ne suis pas dedans. je ne suis pas dans le tableau. Je suis extérieur à ma vie.
Des millénaires d'obéissance ont enseigné à certaines lignées de femmes à ne jamais protester quand les hommes sont ainsi emportés par une violente tempête d'hormones.
Doumbia était un iceberg qui se diluait dans l'océan de médiocrité qu'il avait lui-même sorti de sa vessie. (p.88)
Laisse-moi te dire le fond de ma pensée, mon frère. L’Eglise catholique, c’est pour les désespérés et ceux qui aiment se faire du mal. Je ne suis ni l’un ni l’autre.
En pénétrant dans la cathédrale sombre, Iouri ne peut s’empêcher de jeter un œil à la porte dérobée située à deux pas du restaurant. Si, par curiosité ou par inadvertance, il poussait cette porte, il découvrirait une dizaine de fonctionnaires du KGB alignés derrière de petites tables, casque audio sur la tête, stylo à la main, en train d’espionner les conversations. Chaque table est sur écoute, c’est systématique vingt-quatre heures sur vingt-quatre sans aucune exception. Les équipes de la Loubianka se relaient en permanence. Iouri ne doute pas du bien-fondé du procédé, après tout cet hôtel est fréquenté par des personnalités importantes de l’empire – personnalités dont il faut par nature se méfier -, il doute plutôt de son efficacité, car qui ignore dans ce pays que l’on est surveillé dans les hôtels moscovites ?
Iouri Stepanovitch appartient lui aussi à cette caste idéologisée et manipulatrice qui asservit le peuple au nom de ses intérêts, tout en brandissant un pedigree falsifié de prolétaire. Les défenseurs du peuple finissent toujours par devenir ses pires ennemis.
A des milliers de kilomètres de là, le mur de Berlin se réchauffe, s'apprêtant à tomber tel un morceau de banquise arraché par le cours tumultueux de l'Histoire. La planète est à l'aube d'un bouleversement radical.
Je l'avoue, j'ai aimé la liturgie du parti, ses drapeaux rouges, les calots bleus sur la tête, les calicots que l'on sortait les jours fériés, pour les défilés et les réunions d'éducation politique."p.104