Je pensai à Bossou, l'invoquai dans mon cœur comme une divinité. Je me remis ensuite à pincer les lattes, les fines, les moyennes et les grosses : je leur extirpais des sons que je dirais inexistants, en faisant voir des actes et des attitudes du Sud selon Bossou. J'évoquais la mer que je n'avais jamais vue... que je n'ai pas encore vue, mais dont ma musique laissait entendre les grondements lointains réduits en murmures et en chuchotements. Chaque vague dans son écroulement sur la grève appelait le nom de ma fiancée ; le ressac bruissait doucement : Anatou, Anatou... Anatou, Anatou... Anatou, Anatou. Anatou se blottit contre moi, les yeux remplis de larmes : "Comment fais-tu ça ? Comment arrives-tu à dire tant de choses rien qu'avec ces rangées de lattes de bambou ?" Je lui répondis par la voix du tôba : Je ne sais pas, je ne sais pas. Anatou, fille de Fanikata et d'Ibayâ ; tes beaux yeux de velours ont éveillé dans mon âme des sentiments dont j'ignorais en moi l'existence : Je t'aime et je suis heureux de mourir, Anatou, Anatou, Anatou fille de Fanikata et d'Ibayâ ....
Amour - Vie - Mort. Ca s'enchaîne parfaitement ; tous les autres actes qu'accomplissent les hommes ne servent qu'à unir étroitement ces trois fondements de l'existence humaine. Nous commençons nécessairement par la vie, heureuse ou malheureuse, passons ensuite, plus ou moins, par l'amour, heureux ou malheureux aussi, et aboutissons à la mort, qui n'a que faire des qualificatifs. Tout finit à elle, irrésistiblement.
Telle une bête traquée en quête de refuge, le soleil se précipita dans la chambre et l'emplit d'une chaleur douce et caressante. Une sensation de bonheur parcourait mes veines, chatouillait mes sens.
La compréhension est à la source de toute amitié vraie et durable.