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Souffle et fleuris, ô monde, et ouvre-toi grand
Au ciel et au vent, à la nuit et au midi de l’été.
Absorbe cette lumière et cette chaleur pénétrante
Dans tes racines, tes graines ; endors-toi sous la lune
Quand le soleil s’est obscurci à l’ouest ;
Prends ce qui est offert ; cela ne durera pas ;
Et garde tout, sans réfléchir, dans ton coeur…
L’obscurité aussi bien que le jour, la griffe du faucon
et le chant de la grive,
Ne laisse rien partir, rien sauf les regrets,
Ta prise leur est hommage, chaque partie
Ne valant pas moins que le tout. Oublie tous les remords ;
Ils sont un bandeau posés sur les coeurs clairvoyants,
Et il y a du temps – ou peut-être pas – pour regretter
Davantage ce que l’on n’a pas fait que ce que l’on a fait.
Un chêne fait pleuvoir ses papillons de nuit comme des bijoux dans la pièce.
Je t'entends, quelque part en bas, dans la pénombre dense et fleurie,
Verrouiller portes et fenêtres, éteindre les lumières
Contre un ennemi intime...qui sait? peut-être du gel,
Et allongée seule, dans un cercle rétréci de nuits,
Criblée de lune, toujours plus magiquement fragile et perdue,
J'entends moi aussi au-delà des murs et des branches chargées de feuilles,
Le lent empilement sur les rebords des fenêtres ; le raide sifflement de la neige secrète.
Je t'entends comme le sang dans mon propre corps
Ou comme le vent qui siffle autour de la maison;
Invisible, tu tisses un fil que je suis la seule
A pouvoir suivre; aussi secret qu' une souris
Suivant ses chemins sous l'herbe des prés
Tu glisses le long des sentiers que le soleil déclinant
Dessine dans ton esprit; je t'entends passer
Ici et là, autour de la maison, allant d'une
Confusion a une autre incertitude...oh mon amour...et moi,
Immobile a l'intérieur, rongée par la confusion aussi,
J'ai hâte de sortir et de te retenir quand tu passes;
Sauf que tu entendrais ce qui chante en moi;
Sauf que...oh, continue sans savoir, et sois libre!
Oui, j'ai déjà aimé, je crois, et j'aimerai
Encore quelque chose : la musique, pour le plaisir,
Ou la lune, ou la lumière des étoiles sur une autre colline;
Mais rien, plus tendrement que l'espace,
Ne chantera en moi comme l'a fait ton visage illuminé de lune.
Comme le soleil s'éternise en cette après-midi;
Comme les ombres dorment, chaudes et tranquilles, entre Les pierres et les racines des herbes; comme si le midi éclatant
Pouvait durer éternellement, dans l'immobilité verte
Er silencieuse de cette lumière, où collines et vallées
S'étendent sans fin devant nous, et où le ciel N'a pas un seul nuage, pas une seule ombre pour gâcher La plénitude assoupie de ce toi et moi, De ce jour qui, pour notre bien, hésite tant
A partir ou changer. Oh, ne parle pas. Nous pouvons Peindre ensemble cette maison pour toujours, à moins que l'un de nous fixe
La limite à ne pas franchir. Le temps, en retard, Nous rattrapera si nous parlions... l'ombre s'allonge
Sous ton pinceau. Le dernier jour s'en va.