Citations de Pascal Marmet (442)
Dans le microcosme du parfum, l’argent avait bien une odeur.
Mon parfum est un enfant sauvage né de la pleine lune, un asocial qui se refuse, un autiste éperdu de chimères. Il sait tout de moi, de lui, je ne sais rien. Ma composition est anxieuse, dissidente, intranquille, méprisante et décline ma joie de l’étreindre. Et à la moindre fausse note, ma partition se fait volatile. Tout est à recommencer.
Pour l’heure, il y avait en moi un parfum à débusquer, une composition que j’avais tant de fois travaillé dans l’obscurité, délaissée sept fois dans les boues olfactives, déterrées huit fois, ressuscitées mille fois du néant. Symphonie que je n’avais jamais réussi à mener jusqu’à son terme. Il me semblait que mon jus manquait d’une essence que je n’avais pas encore rencontrée.
J’avais une surcapacité à identifier, à cataloguer sans faille les senteurs, de celle qui gagne à tous les coups au Loto des odeurs.
Tout ce qui sentait m’assiégeait, tout ce qui vivait me traversait, tout ce qui dégageait un arôme était répertorié dans un inventaire abstrait et redoutable.
...la vie était trop compliquée pour m’embarquer dans des satisfactions ou des aigreurs.
Lire fut ma câlinothérapie, mon espace de soin, la cathédrale où j’édifiais mon être, le palais de mots qui tapissait mon mur intérieur
Chaque pas compte, chaque fois que l'on renverse sa destinée, les choses s'en voient modifiées.
J'avais gagné en assurance et compris que la beauté était un jeu, que j'avais le droit d'y participer.
En règle générale, Laurent évitait les quadras losers. ça le ramenait trop à ses parents qui l'avaient élevé au compte-gouttes du revenu minimum d'amour, dans une abondance de marijuana et rien dans le frigo. Et que dire de ses vacances passées invariablement à Amsterdam ou au Maroc avec de la came planquée dans sa couche-culotte ? Oui ! Il avait honte de cette malfaisance familiale. Dès sa première tétine piquée dans un Leclerc, ses procréateurs, une maniaco-dépressive-picolo-écolo et un junky-parano-keupon, avaient bloqué son ascenseur social à l'entresol. Ses parents sans reproche avaient juré, en tirant sur leurs joints incandescents, que leur fils chéri n'entrerait jamais dans le moule de cette irrespirable société de consommation empoisonnée par la publicité, le mensonge et l'intérêt.
Chanel était un célibataire, un fils unique, un chercheur de vérité, un inclassable, un sans enfant, sans ami, sans parent, un sans attache, un "sans". Son plaisir était de regarder vivre les autres et d'enchaîner voyage sur voyage. Sur ces quais débordant d'humanité, il se sentit à part, mais il aimait ces anonymes qui attendaient sous le tableau des départs avec la peur de rater leur train u d'une grève surprise ou qui se disaient au revoir sur le quai en regardant l'être aimé qui s'échappait avec un sourire inquiet. Ses histoires de flic, c'était au final comme les voyages en train : on se positionnait, on attendait le bon moment et on attrapait ce qui ne vous attendrait pas.
ÉPILOGUE
Alex Moreau, alias Laurent Bastos, a été relâché et placé sous contrôle judiciaire. Le juge a apprécié l'appel téléphonique au SAMU et le verre d'eau apporté à la victime. Il écopera d'un Travail d'Intérêt Général de 120 heures et aucune inscription ne sera portée sur son bulletin N° 3. Salomé et Alex envisagent d'ou-viir une boulangerie au Brésil. Chanel a proposé de leur offrir un pécule de départ. Ils ont refusé. Il est à noter que d'un commun accord entre Alex et Salomé, ils n'ont jamais parlé des billets dans le sac à dos qu'Alex a remis à Salomé le jour de son arrestation.
Alex ressort parfois ses baskets vertes sur la promenade d'Ipa-nema. Les Brésiliens adorent son look de boulanger vert et une marque de chaussures a décidé de lancer cette mode écolo. Et ça marche !….
Mais comment guérit-on d'une enfance pourrie ? Pour oublier, il cachait sa colère dans le brouhaha de la transhumance du monde en partance.
Vivre seul dans une foultitude de visages absents et pressés était devenu son principe de précaution pour ne pas sombrer dans ce manque d'affection qui l'avait vu naître.
Grâce à ce point d'ancrage, il espérait que la chaleur humaine de ce wagon immobile le remette sur les rails.
Dans ce monde trop réel, il avait honte de sa misère. Alors, il se taisait en rêvant qu'un jour il ferait son pain.
L'idée de quitter ce lieu chargé d'histoire, de légendes et de prestige le torturait. La nostalgie comprimait son larynx.[...]
Tout ce ramdam pour ce plier à une réforme de la garde à vue.
Avec les deux mains en prière posées entre ses narines le chef de service piaffait d’impatience dans le bureau du commandant Chanel. Son tic clignotant sur la paupière le reprenait, signe d’une grande nervosité.
Il parla haut, de façon à ce que les lieutenants entendent indistinctement l’information : « Ah, vous voilà, commandant ! Pendant que vous preniez la parole au nom de l’Amiral, le SAMU a retrouvé la femme d’un ancien préfet sous la présidence de Jacques Chirac, tuée par balle dans son appartement.
Bref ! Il avait moins d'une heure pour torcher un bel exposé sur trois collaborateurs qui quittaient le 36. Et lorsque la hiérarchie conviait, on s’exécutait.
En descendant l'étroit escalier, il vit la femme ramper péniblement en traînant ses jambes mortes. Elle s'accouda à une commode et tenta d'ouvrir un tiroir. Laurent vint à son secours et libéra le casier. À l'intérieur, il y avait une remarquable boite en cuir noir qu'il ouvrit pensant qu'elle y cherchait des médicaments. Il découvrit un imposant révolver dans une mousse qui avait pris sa forme. Il y avait aussi deux chargeurs, dix balles et un long tube noir.
Et puis, si tu fais pas gaffe, la vie elle t’emmerde rien que pour te faire chier.
- Chers collègues, je profite de cet instant de convivialité pour vous informer de vive voix qu'il a été décidé que l'ensemble des services du 36 quai des Orfèvres et des personnels du Tribunal de Grande Instance déménagera dans le quartier des Batignolles. Aucune date n'a été avancée. Une note de service vous parviendra en temps voulu. Merci de votre attention. Je passe la parole à François Chanel qui se fait une immense joie de remplacer, au pied levé, notre président qui, rassurez-vous, va beaucoup mieux.
Chanel découvrit une carte du jeu de tarot posée sur une toile parée de miroirs scintillants. C'était l'arcane du Diable.