Citations de Patricia Delahaie (90)
Mathilde, soixante-sept ans, qui est la doyenne de nos témoins, raconte qu'elle était la dernière enfant d'une fratrie de onze et qu'après elle ses parents ont fait lit à part. Sa mère était une maîtresse femme, une sorte de roc contre lequel se cognait son besoin d'affection. Elle en imposait tellement que sa fille cadette ne songeait même pas à escalader ses genoux. Dès qu'elle le pouvait, elle s'échappait et courait dehors s'asseoir sous un arbre. En levant la tête elle regardait les rayons du soleil jouer entre les feuillages. L'hiver, elle allait au grenier se plonger dans un traiter d'astronomie perdu parmi les livres saints. Penser aux étoiles l'aidait à prendre du recul par rapport à son histoire, qui devenait dérisoire.
Les dopés du moral refusent de s'égarer dans les méandres de l'insatisfaction car ils savent que la litanie des plaintes est infini.
"Si je vis ma vie, je tue ma mère..."
Comment naît dans l'esprit des filles cette idée qu'elles ne peuvent grandir, exister et construire leur vie sans mettre leur mère en danger de mort ?
Dans les familles toxiques, vouloir vivre pour soi-même est un scandale. Avoir les mêmes aspirations que les jeunes gens de son âge un crime. Être soi-même un interdit. Oser contester aussi. Le pire étant que la culpabilisation ne porte pas sur nos actes, mais sur nos personnes. Nous ne devrions pas être qui nous sommes, c'est mauvais, inadéquat.
L'histoire des filles douloureuses est parsemée d'abandons. Pour des raisons qui appartiennent à nos mères (et que nous ne chercherons pas à connaître), elles n'ont pas voulu ou pas pu être des mères comme les autres. Elles étaient absentes pour les anniversaires, au moment du coucher, pour faire réciter les leçons, pour se réjouir avec nous, pour consoler, apaiser les bobos... Elles ont pris des libertés avec les modèles établis. On pourrait dire qu'elles étaient non conformistes. Leurs filles, quand elles l'osent, estiment surtout qu'elles ont été égoïstes, démissionnaires et irresponsables. Mais le pire est que certaines s'en flattent...
Brigitte se souvient de son étonnement le jour où, à 32 ans, le psychothérapeute qu'elle consultait pour ses angoisses, ses crises de panique, ses phobies, a constaté :
"Mais vous souffrez !"
Elle est tombée des nues en réalisant que c'était terriblement vrai.
Page 33
Bref, ayez confiance en vous et vous gagnerez de nombreux points de bonheur et de séduction.
Et elle l’embrasse sur la joue en laissant une main langoureuse glisser le long de sa chemise. Parcouru par une sorte de courant électrique, il se met à trembler. Camille, son parfum, son haleine légère, se diffusent en lui, comme une ivresse. Il n’est plus que trouble.
La mère n'aimait pas sa fille. Elle aimait le pouvoir qu'elle avait sur sa fille. Or le psychanalyste Jung a bien insisté sur ce point : le contraire de l'amour n'est pas la haine, mais le pouvoir...
Vite, nous apprenons à sourire et à babiller pour attirer l'attention des mamans. A marcher à quatre pattes pour les suivre. A parler pour les appeler. A avoir de bonnes notes pour qu'elles soient fières. Nous développons nos forces sur leurs manques. Voilà pourquoi le pédiatre anglais Winnicott parlait du besoin d'avoir une mère "suffisamment bonne" pour se construire. Une mère qui n'est pas assez bonne décourage. Mais une mère qui l'est trop devance tous nos besoins et empêche la création de cet espace nécessaire, au sein duquel notre personnalité (et l'échange) se construit. Entre les deux, une mère suffisamment bonne est à la fois sensible et touchée par nos efforts passionnés pour l'émouvoir et lui plaire. Ainsi apprend-elle à nous connaître, à nous apprécier, à nous aimer terriblement, mais toujours avec la distance d'un amour adulte qui lui permet, par exemple, de nous recadrer, de nous conseiller, nous guider...
- Je me sens comme une pauvre courge, poursuit Georgina avec ses expressions du Sud. Je n'ai aucune pensée à mon sujet, ni positive, ni négative. Je suis en trop. Ce que je suis n'est ni bien, ni mal. Je n'y pense pas; Je suis là et c'est dur d'exister.
Souvent, les spectateurs de relations mère-fille difficiles ne comprennent pas. Ils disent : "Tu as quarante ans. Il devrait y avoir prescription..."
Non, il n'y a jamais prescription avec une mère. On ne peut pas pardonner. On ne peut pas oublier parce qu'elle nous a construite telles que nous sommes et, en l'occurrence, hypersensibles, douloureuses, abîmées.
Les gens heureux ne possèdent pas forcément plus que les autres, mais ils donnent une valeur à ce qu'ils sont.
Et elle l’embrasse sur la joue en laissant une main langoureuse glisser le long de sa chemise. Parcouru par une sorte de courant électrique, il se met à trembler. Camille, son parfum, son haleine légère, se diffusent en lui, comme une ivresse. Il n’est plus que trouble.
Le fait divers est un miroir grossissant de ce que nous sommes
Je préfère lire. La télé, c'est le monde extérieur qui entre dans les murs ou, plutôt, l'illusion du monde extérieur. Les livres, c'est l'évasion mentale. On sort de taule. On fait des rencontres. On croise d'autres humains qui parlent, vivent, pensent comme nous et différemment. Et si l'auteur est doué, on est avec eux, parmi eux. On est moins seul. On est ailleurs. On vit mille vies quand, au détour d'une phrase, d'une scène, on se rencontre, soi. ce qui fait réfléchir et se souvenir. Je préfère la lecture, mais vous le savez bien, vous qui lisez tant.
pages 207-208.
— Pour devenir un dieu au lit, c’est très simple, vous pratiquez l’antithèse du porno. Vous approchez la femme avec douceur, vous la caressez, vous lui faites des compliments, vous lui dites à quel point elle vous plaît, vous essayez de découvrir ce qu’elle aime, ce qui la fait vibrer. Et progressivement, sans la brusquer, avec respect, vous l’amenez à innover sur des terrains coquins dont elle n’a même pas idée. Mais surtout, vous apprenez à vous retenir, à jouir à demi, c’est-à-dire à fractionner l’éjaculation, afin de tenir plusieurs heures, voire toute une nuit. C’est incroyable que les hommes ne sachent pas ça ! Je propose un dépucelage obligatoire, par des professionnelles du sexe, de tous les garçons, dès l’âge de quinze ans. Ce serait une sacrée révolution ! Et on ferait des heureux, et des heureuses !
Le seul « avantage » des grands malheurs est qu’ils dissipent les petits. Est-ce son maintien, sa dignité ou le souvenir de son cri à l’église ? Toujours est-il que l’on retient sa toux lorsqu’elle se présente d’une voix ferme.
Savoir que cette intimité unique est partagée avec un autre créé des brûlures d'amour intolérables. Là est la trahison.
On survit à la perte de cet amour que l'on croyait si "grand ".