![L'étau par Greveillac L'étau](https://m.media-amazon.com/images/I/418XeTf1YTL._SX95_.jpg)
En 1997, à Prague, une enseignante est vilipendée par des étudiants gauchistes qui, exhumant une photo de son père sur un panzer, manifestent pour exclure les « nazis » de l'université. Nad'a, aidé par son frère Andel, enquête alors sur leur passé familial et sur Fermak dont leur père était PDG durant la guerre.
Cette société Fermak, fondée par Viktor Jelinek et Viktor Ferman, est présente dans « Art Nouveau » le précédent roman de Paul Greveillac, à l'orée du siècle, quand l'usine « Europa » sort de terre… Nous la retrouvons ici, dans les années folles de l'entre guerres, et il est évident que Fermak c'est le masque de SKODA fondée par Vaclav Klement et Vaclav Laurin.
C'est l'époque où l'aviation civile décolle, où Guillaumet, Mermoz, Saint Exupéry développent l'Aéropostale, où Nungesser et Coli disparaissent, le 9 mai 1927, en essayant de traverser l'Atlantique, 12 jours avant que Charles Lindberg emporte le prix Orteig en volant de New York à Paris … la veille de la tentative de l'Alkonost conçu par Fermak.
Les fondateurs de Fermak / Skoda, laissent alors « Le Pape », brillant ingénieur, assumer la direction de l'entreprise, alors que la Tchécoslovaquie se désagrège sous les pressions du III Reich, et que la compagnie et ses produits (automobiles, avions, motos, side-cars) sont courtisés par la Wehrmacht qui lui commande des matériels.
L'étau se met alors en place et l'auteur se focalise plus particulièrement sur ses mâchoires, nazis et collaborateurs, qui serrent progressivement Fermak pour l'asservir au profit du Reich et produire des blindés. Reinhard Heydrich devient vice-gouverneur de Bohéme-Moravie jusqu'à son exécution le 4 juin 1942 par un commando parachuté par la RAF. Progressivement des prisonniers capturés sur le front de l'est sont mis en esclavage chez Fermak et les avions alliés ciblent l'usine pour annihiler son potentiel.
Quelle attitude adoptent, au fil des mois, les dirigeants, les ingénieurs, les travailleurs, les déportés de Fermak ? Paul Greveillac décrit les positions, les nuances, les évolutions, les dits et non dits, des mors et des condamnés à mort. Les frontières entre collabos et résistants sont poreuses ; les postures souvent mensongères car passer aux yeux des allemands pour un fidèle collaborateur aiguille vers des zones sensibles indispensables à la résistance …
L'originalité de ce récit est de se focaliser plus sur les salauds que sur les héros, sur les compromissions, sur les lâchetés, et ce dans un pays qui après le nazisme eut à subir le communisme sans jamais réécrire son histoire, sans juger les coupables ni réhabiliter vraiment les victimes des procès de Prague.
L'histoire est frôlée par les ombres rappelle l'auteur qui n'est pas dupe : accuser Fermak / Skoda de collaboration facilite sa nationalisation en 1945. Une étatisation synchrone à celle du groupe Renault, suite à l'inculpation et au décès de son fondateur en octobre 1944… En refermant ce livre, se pose la question : aujourd'hui dans quel étau serait pris un petit fils de Louis Renault à l'université de Nanterre ou de Vincennes ?
Un excellent roman où l'auteur oppose René Bondoux à Reinhard Heydrich dans une extraordinaire « Phrase d'armes ».
PS : ma lecture de « Phrase d'armes » :
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Superbe nouveau roman de Paul Greveillac.
Le IIIeme Reich s'empare de l'usine automobile et aéronautique Fernak en Tchécoslovaquie. S'y joueront les destins de plusieurs hommes tiraillés entre leurs responsabilités, désirs et nécessité de survie.
Roman très fin qui pose de nombreuses questions sur l'écriture et réécriture des romans nationaux ou sur la liberté de choix et d'action individuelles dans les moments les plus extrêmes de l'histoire.
Intelligemment construit, bien rythmé et porté par des personnages mémorables, L'étau est une excellente lecture. Recommandé !
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Tenter de se projeter dans la peau de descendants de nazis ou de collaborateurs de ce régime est un exercice troublant, teinté de répulsion et de compassion mêlés. On est bien conscient que ces adultes devenus portent injustement une histoire glauque qui n’est pas la leur.
Deux tchèques, ostracisés par la collaboration de leur père industriel pendant l’occupation allemande à Prague, constitue l’ouverture de ce roman social et historique, reprenant minutieusement la dérive imposée d’une usine d’aviation et d’automobiles devenue d’armement.
Prague est alors une ville sous la botte de l’occupant et sous gouvernance de fer de Heydrich. Chacun doit s’y plier, complaisant ou contraint, obséquieux ou résigné.
Et l’usine Fernak n’y échappe pas en dépit de résistance interne.
La suite de l’apocalypse rendra crédit aux justes.
Un passé reconstitué avec efficacité par la belle plume de Paul Greveillac, qui soigne ses personnages fictifs et la documentation du réel. L’ambiance mortifère de la période, la violence des êtres et le chaos industriel participent à une vision en noir et blanc très oppressante.
Une excellente lecture.
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Prague dans les années 30, alors qu’Hitler part à la conquête du pouvoir en Allemagne, Viktor Jelinek et Viktor Forman sont à la tête de la société prospère Fernak qui fabrique des avions et des voitures. Ils nomment comme P.D.G. Bohus Zdrazil que l’on surnommera le pape. A la recherche de nouveaux marchés, les États-Unis ne s’avèrent pas un investissement rentable. Ils se tournent vers l’Allemagne en pleine expansion. L’Histoire va vite rattraper L’usine Fernak lorsque les nazis lancés dans une guerre totale en Europe obligent la société tchécoslovaque à fabriquer des tanks. Alors se dessinent deux camps, celui des collaborateurs et celui des résistants.
C’est cet étau qui se referme petit à petit sur les personnages du roman de Paul Greveillac que l’auteur décrit avec beaucoup de talent. Il mélange les acteurs de la seconde guerre mondiale avec les personnages de fiction issus de son imagination. Cela donne au récit toute la vraisemblance de son histoire. Comme la société Fernak, beaucoup de sociétés ont été contraintes d’adhérer au projet fanatique barbare nazi.
On comprend parfaitement le cheminement de chacun des personnages forcés pour les uns, endoctrinés pour les autres, ou tout simplement embarqués mal grès eux dans le projet d’une assemblée de fous, Hitler et ses sbires, ou motivés par une ambition égoïste et personnelle.
« L’étau » est un roman de plus sur la seconde guerre mondiale et sur le fascisme fanatique, pourrait-on dire, mais il a cette singularité qu’il se passe en Tchécoslovaquie et qu’il montre le cheminement qui conduit certains hommes à l’horreur. Il témoigne enfin des erreurs commises à la libération en jugeant coupables de collaboration des hommes et des femmes qui n’avaient pu qu’assister impuissants aux agissements de l’envahisseur. Cette injustice va jusqu’à condamner les enfants innocents, coupables des agissements présupposés de leurs parents.
Une lecture vraiment passionnante ! C’est presque un livre d’Histoire.
Editions Gallimard, coll. Blanche, 317 pages.
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L’étau s’est révélé être un réel coup de cœur que je referme à regrets. Ce roman est servi par un très beau style, une écriture ciselée tout en nuances et chargée de symboles.
L’histoire est celle de l’usine Fernak, fleuron de l’aéronautique tchèque, de ses fondateurs et de la convoitise qu’elle suscitera chez les nazis pour alimenter leur machine de guerre. Le Protectorat de Bohême-Moravie mis en place en mars 1939 par le Troisième Reich instaure la gouvernance impitoyable de Heydrich sur la région et l’usine passe sous contrôle de Berlin. La résistance passive s’avère exclue ou mortelle pour les directeurs de l’usine – Bohus Zdrazil - et les hommes politiques tchèques sous contrôle de l’Allemagne. Les prisonniers des camps fournissent une main d’œuvre exténuée et exécutée en cas de rébellion tout au long de la guerre.
Les protagonistes sont brillamment décrits, des cercles politiques aux antichambres du pouvoir en passant par la direction de l’usine, la terreur infligée par les occupants est distillée de manière froide et implacable. De très beaux portraits humains qui permettent par leurs nuances de comprendre la situation inextricable dans laquelle se trouvaient les personnes contraintes à servir le « protecteur ». La musique et les œuvres d’art jouent un grand rôle dans ce roman : Aldor Elkan, l’architecte hongrois appelé pour décupler la capacité de production de Fernak est engagé dans des joutes culturelles avec le sinistre Heydrich et les tableaux « dégénérés » spoliés, Klimt, Corot sont une monnaie d’échange inestimable pour acheter hommes ou services.
Un roman ample, à l’architecture puissante et profonde, qui me donne envie de tout lire de Paul Greveillac.
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Se passe en Tchécoslovaquie dans les années 1920 et pendant la guerre 40-45. C'est l'époque de gloire des voitures, des chaussures Bata. Mais aussi de l'usine Fernak qui construit des avions et des armes de combat.
Les nazis arrivent, prennent possession de l'usine en mettant aux commandes l'un des leurs, veulent que le rendement soit toujours plus performant, que l'usine tourne à plein régime. Ils engagent des prisonniers qu'ils tuent littéralement au travail.
Beaucoup de personnages et des faits qui me sont inconnus et rendent donc la lecture plus difficile.
Les dirigeants de Fernak, qui avaient cette usine à cœur, ont été si pas éliminés, soi-disant suicidés, écartés de leurs fonctions. Le SS Reinhard Heydrich qui était à la tête pour diriger la Tchécoslovaquie sera victime d'un attentat auquel il échappera miraculeusement mais décédera peu après. Les "retours" revanches seront terribles. De très nombreuses exécutions auront lieu.
Une lecture pas très aisée mais intéressante.
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Les destins croisés d'un fonctionnaire de la censure et d'un projectionniste sous chape de plomb communiste.
Si peu de retours lecteurs pour ce livre!
J'ai donc eu quelques craintes et au résultat, c'est une excellente lecture, une immersion passionnante dans le quotidien des "camarades" soviétiques, traversant les années de dégel sous Kroutchev et d'immobilisme de Brejnev.
Livre foisonnant de multiples personnages réels ou fictifs, bourré de références littéraires, parsemé de rappels historiques de la guerre froide, parlant de créations cinématographiques et de littérature dans tous leurs états, censurées, manipulées, tronquées, et bien entendu dissidentes. On peut caler sur l'aspect intellectuel du propos mais le contexte d'une société prise en otage par un système politique ubuesque constitue le meilleur de la narration.
Dans la foulée des fonctionnaires du pouvoir, censeurs, éditeurs, écrivains, le lecteur doit tenir la distance. Les patronymes russes demandent un effort de mémorisation. L'âme slave se décline dans ses excès de rapports humains, entre brutalité et convivialité. Peu de bonheur dans les destinées individuelles mais un esprit de résistance, de contestation et de stoïcisme chevillé au corps de homo soviéticus, derrière le renoncement libertaire et l'idéologie de façade.
Me restera l'image du hangar-mouroir de la parole écrite, le "goulag des mots", bibliothèque secrète et poussiéreuse des livres interdits par un régime paranoïaque, où voisinent Sade et Dieu sur la même étagère.
Je conseille vraiment!
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Un roman très documenté, au souffle vraiment "russe". L'épopée d'une amitié sur près de trente ans, à Moscou. Un panorama de la vie culturelle soviétique vue de l'intérieur. Des dissidents qui fuient le KGB... On revit toute une époque. On revisite toute une époque avec un guide expert : le narrateur. L'Histoire draine les histoires des personnages; attachants ou rebutants, en tout cas réalistes et complexes. Tous réussis.
"Les âmes rouges" est l'improbable rencontre entre "L"oeuvre au noir" de Yourcenar et "Les trois jours du condor" de Sydney Pollack. Chapeau.
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C'est avec une certaine forme de légèreté que Paul Greveillac écrit un roman dont le thème est la propagande et la dissidence en Union Soviétique.
Vladimir Katouchkov est un pur produit stalinien. Censeur de métier, il est chargé de trier tout ce qui peut être vu ou lu en Union Soviétique, la propagande dans toute sa splendeur dans la vie artistique et culturelle du pays. Convaincu par la noblesse de sa mission, il commence pourtant à la remettre en cause, en prenant fait et cause pour des artistes qui vont devenir "dissidents".
Remarquablement documenté, un souffle russe anime ce roman, dont les personnages sont décrits avec beaucoup d'intelligence.
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Trente-cinq ans au GlavLit ! Trente-cinq années à s'asseoir derrière un bureau du Département pour la littérature et la publication (acronymisé, donc, en GlavLit) de l'Union soviétique et à lire des manuscrits pour y débusquer les passages litigieux, c'est-à-dire susceptibles de porter atteinte à la doctrine marxiste-léniniste et de valoir à leurs auteurs identifiés un séjour en hôpital psychiatrique voire un aller simple pour le Goulag. Quand Vladimir Katouchkov intègre cette institution au milieu des années 1950, il croit dur comme fer à la vertu de son travail mais ses convictions, peu à peu, vont s'émousser sous l'effet de divers facteurs personnels ou collectifs : l'exemple de sa mère, fervente admiratrice de la poétesse Akhmatova, jugée subversive sous Staline ; la lecture répétée de samizdats fournis par sa future épouse ; les "mauvaises habitudes" acquises sous Khrouchtchev, qui libéralisa quelque peu le régime avant le retour de manivelle brejnévien ; la fréquentation assidue d'un projectionniste passant des films confidentiels pas encore censurés...
À travers le parcours de ce fonctionnaire plutôt falot et pas vraiment sympathique (mais aussi, janus furtif, écrivain sous le manteau par jeu, par défi ou pour faire retomber la pression que son métier fait peser sur lui), l'auteur brosse un tableau très documenté de la société russe et en particulier de l'activité culturelle moscovite, littéraire et cinématographique singulièrement, tout au long de la seconde moitié du XXe siècle, marquée par une alternance de relative liberté et de vie quotidienne cadenassée, qui ne s'est pas interrompue avec la fin de l'ère soviétique.
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Paul Greveillac a érigé un monument littéraire – 444 pages - à la gloire des esprits réenchanteurs qui, depuis Staline, ont fissuré le bloc soviétique et sa pensée unique. Son héros, le censeur de la GlavLit, Vladimir Sergueïevitch Katouchkov, est un pompier pyromane, un homme cultivé qui, à force de lire les plus belles œuvres de la Russie du vingtième siècle (Pasternak, Soljenitsyne pour ne citer qu’eux) dans le but d’étouffer les flammes de la liberté, finira par être gagné par leur feu sacré et devenir, lui aussi, un écrivain dissident. L’arroseur arrosé, en quelque sorte. Ce roman est une fresque. Dans les yeux de Katouchkov, on voit l’empire s’écrouler, ses certitudes d’abords, ses murs de béton ensuite. Ce n’est pas un livre qui se parcourt avec légèreté au sens où il demande de la concentration, du recueillement même. Truffés de références, documenté de façon presqu’obsessionnelle, déroutant par ses digressions érudites, ce roman ne se laisse pas facilement dompté. Mais comme tous les livres exigeants, il ne s’oublie pas. Dense, puissant, profond, le premier roman de Paul Greveillac a puisé dans les classiques qui ont sans doute bercé son adolescence studieuse et passonnée, de Gogol à Dostoïevski.
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Un roman très documenté, au souffle vraiment "russe". L'épopée d'une amitié sur près de trente ans, à Moscou. Un panorama de la vie culturelle soviétique vue de l'intérieur. Des dissidents qui fuient le KGB... On revit toute une époque. On revisite toute une époque avec un guide expert : le narrateur. L'Histoire draine les histoires des personnages; attachants ou rebutants, en tout cas réalistes et complexes. Tous réussis.
"Les âmes rouges" est l'improbable rencontre entre "L"oeuvre au noir" de Yourcenar et "Les trois jours du condor" de Sydney Pollack. Chapeau.
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Un vrai coup de maître, ce premier roman ! Une documentation solide, un sens de la narration (la technique des courts chapitres fonctionne parfaitement), tout y est. Et cette peinture de personnages désenchantés donne un récit où l'histoire qui se fait et se défait se teinte finalement d'une certaine mélancolie. L'une des belles surprises de cette année, assurément, couronnée par le très chic prix Roger Nimier.
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Les premières pages sont vraiment excitantes: nous pénétrons dans l'institution mystérieuse où les censeurs soviétiques passent au crible de la doxa communiste tendance Kroutchev les productions culturelles locales - mais pas seulement. Kroutchev est un assez bon bougre mais tous les dirigeants ne partageront pas ses foucades inespérées et la censure, bonne fille, épouse les principes des uns puis des autres, d'où ce résultat pas si inattendu : le dirigeant passe et le censeur résiste. On finit par bien aimer ce travailleur de l'ombre, modeste amoureux des livres ( car qui d'entre nous n'aimerait pas 1) lire toute la journée et être payé pour ça 2) expédier très très loin tous les auteurs qui n'auraient pas l'heur de nous plaire...)? Mais le censeur traîne ses fantômes, tous ceux qu'il a trahis et envoyés au Goulag ou, au mieux, au fin fond de désespérants hôpitaux psychiatriques.
Alors pourquoi 3 étoiles seulement ? Trop de personnages inhabités et purement figuratifs, trop de notes de bas de page, trop de didactisme... le censeur découvre Kalatozov. le censeur découvre Grossman. le censeur découvre Zamiatine. le censeur découvre Soljenitsyne. Et là, effectivement, on se dit que si on doit subir la litanie de tous les cinéastes et écrivains un peu connus, ça va être longuet.
Ça l'est.
Nonobstant toutes les qualités du livre, on est quand même bien content d'en voir la fin.
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Je me suis précipitée à la médiathèque afin d'emprunter le premier roman de cet écrivain talentueux, après avoir été captivée par son dernier opus "Maîtres et esclaves"...Une histoire très dense et dramatique se déroulant dans la Chine maoïste des années 50 aux années 70...On accompagne le parcours des plus éprouvants, d'un peintre-paysan, fils lui-même d'un peintre-paysan, qui ne se laissera pas embrigader par le nouveau régime...mais il y perdra la vie !
Son fils, jeune recrue, douée pour le dessin , servira la propagande de
Mao-Zedong, deviendra le censeur des autres artistes, reniera son père, ses amis, ses proches pour juste "sauver sa peau" !... échapper à la misère, aux humiliations et à la peur constante...générée par le régime. La vie d'un individu surdoué en dessin et peinture, broyé par un système, alors que dans "Les âmes rouges", se faufile un peu d'oxygène, de l'espoir, avec Vladimir Katouchkhov,responsable de la censure des livres...qui va finir par "regimber"...
Un fils sincèrement épris de littérature, embauché, tout jeune , au sein du Glavlit [ département étatique qui statue sur tout ce qui est publié sur le territoire russe] se chamaille avec sa mère, avec laquelle il vit. Cette dernière, ancienne institutrice, regrette les fonctions restrictives de son "rejeton"... Elle lui réclame le célèbre roman de Pasternak , "Le Docteur Jivago", qu'elle voudrait relire, qui est interdit...
Il refusera... et finalement , il découvrira par hasard, que sa mère a réussi à le dénicher; il le dévorera en cachette, avec enthousiasme... se demanda bien pourquoi ce texte a été censuré....
Il fera, près de 35 années, sa carrière de "censeur" au sein du Glavlit, mais on le voit se transformer au fil de ses années d'exercice, parrallèlement aux transformations du régime...du terrible Staline, aux années Khrouchtchev à celles de Gorbatchev (qui fera une loi, pour l'abolition pure et simple de la censure !!) en passant par la rude période Brejnev...
"Ce livre séminal -printed in the United States of America-, que Katouchkov lit sans se presser, est sorti des presses new-yorkaises en 1952. Il a mis plus de neuf ans à parvenir entre les mains du censeur, et son périple mérite à lui seul un roman. Ainsi Katouchkov en savoure -t-il chaque mot, en palpe-t-il chaque phrase, en soupèse t-il chaque chapitre - ici appelé "Note". Il prolonge le plaisir parce qu'il prolonge la transgression, le danger. Et dans ce danger, il est lié à sa mère. Olga Katouchka ignore qu'il a lu son - Docteur Jivago- Mais elle est dangereuse, comme lui, parce que portée par l'insatiable curiosité de l'esprit, par l'ardeur farouche de l'intelligence qui ne sait pas trouver le repos. Pour Olga Katouchkova, pour Vladimir Katouchkovv, pour des millions de Soviétiques, les années Khrouchtchev devaient rester comme un âge d'or relatif (...) Et ce court âge d'or suffit à semer le germe de l'impertinence. (p. 83)"
Chapeau bas à cet auteur, qui a le don de la narration, tout en nous offrant une profusion d'informations sur la littérature russe, ainsi que sur sa production cinématographique ! Un roman tout à fait époustouflant, fort documenté, qui nous fait re-parcourir l'histoire de l'U.R.S.S. sur plusieurs décennies
Entre autres, des passages jubilatoires sur les samizdats...pour lesquels notre "censeur" se prend d'une vraie curiosité passionnée !!
[Le samizdat (en russe : самиздат) était un système clandestin de circulation d'écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l'Est, manuscrits ou dactylographiés par les nombreux membres de ce réseau informel.]
"Plus il lisait de samizdats, et plus Katouchkov aimait cela. Pour une raison simple : ils le faisaient rire. D'un rire un peu cruel, dirigé contre le monde, mais surtout contre soi- comme quand on rencontre un réverbère parce qu'on a suivi du regard une femme. D'un rire empoisonné, parce qu'il vous forçait à vous regarder dans la glace. Et à ne plus vous raconter d'histoires, ni à prendre "tout ça" très au sérieux. Il ne reprochait donc plus à Agraféna ses lectures. Il les guettait même avec impatience, ces précieux feuillets de toutes sortes, bientôt plus beaux à ses yeux que toutes les bibliothèques reliées d'U.R.S.S." ( p. 202)"
Bref , entre véritables écrivains, véritables artistes et personnages inventés... nous apprenons une foule de choses, de l'Histoire russe et des restrictions gigantesques empoisonnant la vie culturelle de ce pays, enfermé dans les propagandes communiste et socialiste, et le long chemin... qu'il fallut pour que ces bureaux de la Censure disparaissent....!!
Un seul bémol, mais tout à fait infime, qui m'a parfois légèrement "embrouillée" : une abondance de personnages, dont certains que l'on ne croise que très fugitivement , et qui disparaissent...aussitôt !!!
"Si Katouckhov a recours à la littérature interdite, c'est parce que la littérature "officielle" , à cause de la bureaucratie culturelle, vient au monde au compte-gouttes. Au forceps. Et qu'elle est, à vrai dire, bien pâlichonne. Dénuée en tout cas du pouvoir révolutionnaire du verbe voulu, de l'émotion ressentie- et non projetée. Pâlichonne, parce que si elle se regarde en face, "miroir qui se promène une grande route", elle est surtout en U.R.S.S. un miroir sans tain. (...) Katouchkov a donc faim de livres qui ne l'infantilisent pas, de livres substantiels." (p. 84)
Un hommage à la Dissidence, et à la Liberté de penser, d'écrire, de lire...La conscience universelle et toujours présente dans certains régimes totalitaires : le courage de penser, de s'exprimer, au péril de sa liberté ou de son existence...
Un moment captivant de lecture. Bravo et Merci à l'auteur...!
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La première publication du jeune Paul Greveillac est un recueil de nouvelles admirable et bouleversant. L'écriture y est superbe, ciselée. 15 courtes histoires comme éclats d'humanités dans la nuit du second conflit mondial. Mention spécifique pour les nouvelles X et XIV.
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