Paul Preston

Au procès de Juan Caba Guijarro, membre de la CNT, le procureur déclare :

"Peu importe que vous soyez ou non innocent, je ne veux même pas le savoir. Nous tous ici qui avons gagné la guerre, notre voeu est d'éliminer toute opposition afin d'imposer notre ordre. Considérant qu'il y a des crimes de sang dans toutes les accusations, j'en suis arrivé à la conclusion que je dois exiger la peine de mort".

"C'est un régime de terreur stupide. Ici, les gens sont abattus sans procès et sans le moindre justification.
Il n'y a rien de pire que le mariage de la "démentialité" de la caserne avec celle de la sacristie. A quoi s'ajoute la lèpre spirituelle de l'Espagne, la rancoeur, l'envie, la haine de l'intelligence".

Miguel de Unamuno

Le catholicisme affirmé haut et fort par les classes possédantes est un autre déclencheur d'anticléricalisme. Il n'y a guère de charité chrétienne dans l'attitude des industriels envers leurs ouvriers ou des propriétaires terriens envers leurs métayers et journaliers.
Inévitablement, anarchistes, socialistes et communistes soupçonnent que l'attrait que représente l'Eglise catholique pour les riches réside dans le fait qu'elle prêche la patience et la résignation à ceux qui luttent pour améliorer leur salaire et leurs conditions de travail.

Néanmoins, l'enthousiasme pour la répression brutale des paysans sans terre finit par nuire à la capacité productrice des grands domaines. Les autorités militaires sont suffisamment inquiètes pour se pencher sur la question et pour appeler à laisser en vie assez d'ouvriers pour permettre l'agriculture.

La plupart des prêtres et religieux espagnols prennent le parti des rebelles. Ils dénoncent en chaire les "rouges" et adoptent les salut fasciste. Dans toute l'Espagne, ils bénissent les drapeaux des régiments rebelles et encouragent leurs ouailles à se battre.
Certains s'empressent de partir pour le front, la cartouchière par-dessus la soutane, le fusil à la main, ils s'en vont gaiement tuer les rouges. Ils sont si nombreux à partir que les autorités ecclésiastiques doivent en rappeler certains à leur poste...

L'assimilation de la classe ouvrière aux ennemis étrangers s'appuie sur la logique tordue selon laquelle le bolchevisme serait une invention juive, les Juifs ne se distingueraient pas des musulmans et le clan républicain serait donc déterminé à soumettre l'Espagne à la domination d'éléments africains.

L'hostilité envers la classe ouvrière est alors présentée comme un acte légitime de patriotisme.

Les socialistes pensent désormais que les élections de 1933 ne sont pas réellement valides. En effet, selon les calculs faits par le secrétariat du Parti Socialiste, chaque siège parlementaire "coûte" à la droite moins de 16 000 voix, alors qu'il en faut 34 000 pour obtenir un siège de député à gauche...

Le célèbre capitaine Gonzalo de Aguilera, comte d'Alba de Yeltes, reçut pour mission d'expliquer aux visiteurs étrangers les raisons pour lesquelles les franquistes combattaient.
Il raconta à un distingué visiteur anglais que, le jour où la guerre avait éclaté; il avait fait mettre en rang les ouvriers de son domaine....
"J'en ai choisi six et je les ai tués devant les autres".

Cependant les milices incontrôlées de la République n'obéissaient à aucun ordre alors que les troupes rebelles commettaient ces atrocités à l'instigation de leurs officiers.
"Nos vaillants légionnaires et regulares ont démontré aux lâches rouges ce que signifiait être de vrais hommes".
"Nos actes sont légitimes puisque ces communistes et anarchistes prêchent l'amour libre".

Une des victimes les plus illustres, non seulement de Grenade mais de toute l'Espagne, est le poète Federico Garcia Lorca. Des années plus tard, les franquistes prétendront que Lorca est mort à cause d'une querelle privée et apolitique, liée à son homosexualité.....
Federico Garcia Lorca est abattu à 4h45, le 18 aout 1936 entre Alfacar et Viznar, au nord est de Grenade

La procédure actuellement suivie est en train de déformer l'Espagne, et a pour effet qu'au lieu d'être un peuple chevaleresque et généreux, nous sommes en train de devenir un peuple de meurtriers et d'informateurs. A cause de ce qui se passe actuellement, ceux d'entre nous qui se sont toujours considérés avant tout comme des Espagnols commencent à avoir honte d'être nés dans ce pays d'implacable cruauté et de haine insondable. (p. 479)

Le déchaînement de brutalité infligé à Badajoz reflète les traditions de l'armée espagnole d'Afrique. (...) La violence relève d'un projet délibéré : il s'agit de paralyser l'ennemi mais aussi de récompenser les hommes de la colonne en leur permettant de violer, de piller, de tuer à leur guise. Cette violence a un passé dans la tradition coloniale. Elle a un présent en ce qu'elle révèle la détermination des propriétaires terriens, bien décidés à écraser une fois pour toutes le prolétariat rural. Elle a aussi un avenir.

Ces généraux approuvaient la barbarie de leurs soldats, comme en atteste le journal du guerre tenu par Franco en 1922, qui décrit avec exaltation la façon dont les villages marocains furent détruits et leurs défenseurs décapités.

p. 11

Rien n'indique que le sommeil de Franco ait jamais été troublé par la sollicitude envers ses victimes. Son régime accomplit même des efforts considérables pour garantir la même tranquillité à tous ses collaborateurs. La conséquence en est que l'Espagne est encore aujourd'hui en proie à une guerre de mémoire.

p. 717

..." Mais à présent, quand le choix se fait entre l'ordre et la révolution, nous n'avons pas besoin de tous ces bavardages sur le Parlement et la démocratie. La réponse qu'il faut ici, c'est de pouvoir forcer cette populace à se soumettre, par tous les moyens, si nécessaire en leur coupant la tète avant qu'ils ne nous coupent la notre."

La terreur est la méthode choisie pour anéantir ce que représente la République, que ce soit la contestation des privilèges des propriétaires terriens, des industriels, des ecclésiastiques et des militaires, ou le refus de toute forme de soumission de la part des travailleurs urbains et ruraux et, plus irritant encore pour la droite, des femmes. La rhétorique de l'éradication nécessaire des poisons étrangers, sera bientôt reprise par la majorité des dignitaires de l’Église.

Les généraux Mola, Franco et Queipo de Llano, considéraient le prolétariat espagnol comme une race inférieure qu'il fallait subjuguer par une violence soudaine et sans compromis, au même titre que les Marocains. Ils appliquèrent donc en Espagne la terreur exemplaire qu'ils avaient appris en Afrique du Nord, en déployant la légion étrangère espagnole et les mercenaires marocains de l'armée coloniale, les regulares.

La base initiale de la répression prend un caractère encore plus officiel avec un décret publié le 13 septembre 1936 par la junte de Burgos, qui met hors la loi tous les partis politiques, syndicats et organisations sociales soutenant le front populaire et hostiles au "mouvement national". Concernant ces entités, le décret ordonne la confiscation de tous leurs biens, effets et documents ainsi que le bâtiment et autres propriétés.
Sont également passibles de châtiment les syndicats et partis libéraux et de gauche, les francs maçons, les juifs, le rotary club, les sociétés féministes, végétariennes, nudistes, défendant l'espéranto ou l'homéopathie, les écoles Montessori et les clubs sportifs. De plus, le décret ordonne une purge parmi tous les fonctionnaires ou enseignants qui ont servi les institutions de la République. p658.

si les normes fondamentales de la coexistence sociale n'avaient pas été anéanties par le coup d’État militaire, le massacre à l'arrière, en zone républicaine, n'aurait jamais eu l'ampleur qu'il a connue.

Le nationalisme est un mouvement de lutte,
il doit inclure des activités violentes et
belliqueuses au service de l'Espagne, contre les traîtres
en son sein.
Onésimo Redondo, créateur des Juntes castillanes
d'action hispanique, mouvement fasciste espagnol,
cité par l'auteur, page 79.