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Citations de Paul Saint Bris (166)


La parole des scientifiques, celle des experts et des historiens, s’était effacée derrière la communication, bien plus à même de garantir des entrées et de faire progresser les chiffres de la billetterie. Le savoir n’était plus assez vendeur, de toute façon Wikipédia avait réponse à tout. L’expérience ou plutôt la promesse d’expérience avait pris le relais de la connaissance.
En conséquence, les lieux de patrimoine mettaient en œuvre des stratégies marketing sophistiquées. Le discours dit aspirationnel promouvait le musée comme un décor pour la mise en avant de soi, au même titre qu’un intérieur scandinave ou qu’une crique déserte à l’eau turquoise. Visiter un musée participait du statut social, un marqueur fiable d’un lifestyle éclairé comme la dégustation de jus pressés à froid ou le port d’une montre connectée. Les réseaux sociaux étaient là pour ça. Qu’importe si les populations narcissiques, absorbées par leur reflet, tournaient le dos aux plus beaux chefs-d’oeuvre de la peinture.
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Pas de mensonges à gober, d’histoires alambiquées, pas de clients tyranniques, de boss autocratique, de comex de dernière minute, pas de séminaire en Camargue ou de copines à consoler sur le point d’en terminer. Pas de regards en biais qui n’osent plus se croiser de peur que la vérité immense, cette gigantesque baudruche planant au-dessus de leur tête qu’il feignait consciencieusement d’ignorer, n’éclate accidentellement.
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Alors il lui sembla qu'on avait actionné sous ses pieds une trappe ouvrant sur un gouffre immense, ou plutôt une maigre passerelle de sol dévoré par le vide avait rompu sous le poids de son émotion. Il se sentit tomber, le cœur en apesanteur, les yeux révulsés par le vertige. Il chercha sa respiration au tréfonds de son abdomen, un filet d'air siffla bruyamment en s'engouffrant dans ses bronches, il le retint aussi longtemps qu'il put avant de l'exhaler de tout son être, paupières désormais closes. Un point atrocement douloureux foudroya son côté. L'attaque déclarée de l'angoisse lui arracha un cri atone, un cri intérieur long et terrible qui résonna dans sa tête à n'en plus finir, bondissant sur les parois de sa boîte crânienne vidée de tout le reste. Il se replia sur son ventre, s'efforçant de trouver un réconfort dans la position fœtale quand tout autour de lui vacillait.
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Pour les œuvres comme pour les êtres, remonter le temps était une quête vaine et forcément décevante [...].
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Que nous dit Cesare Brandi ?
Il dit que la restauration n’est pas un geste créateur. Elle s’inscrit dans l’histoire de l’oeuvre, elle sert à garantir sa lisibilité, mais elle ne peut prétendre à retrouver son état original. En substance, Brandi nous dit qu’il ne faut pas chercher à remonter le cours du temps. Au-delà de tout de ce qui affecte la matière, il pense à la distance mentale, au fossé culturel qu’induisent les années qui nous séparent de la création d’une œuvre et qui transforment notre regard sur elle.
En pratique, la restauration doit rétablir l’unité potentielle de l’oeuvre, c’est-à-dire qu’elle doit permettre sa compréhension malgré ses mutilations, ses lacunes et ses accidents, mais elle doit aussi être réversible ; dans le cas d’un tableau, une couche de vernis doit séparer la couche picturale des repeints postérieurs. En outre, le restaurateur ne doit pas chercher à imiter la touche du peintre : les parties restaurées doivent pouvoir être discernées de parties originales à moins d’un mètre.
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Au-delà de l’emprise du marketing sur son métier et des changements radicaux induits par les nouveaux usages numériques, un sujet le souciait particulièrement : les clefs de compréhension de la peinture se perdaient. Les grands thèmes des œuvres peints, sacrés et profanes, s’éloignaient inéluctablement des préoccupations de ses contemporains. La plupart des allégories et des figures antiques représentées demeuraient un mystère, mais un mystère ennuyeux qui ne valait pas la peine d’une recherche Wikipédia. Rares étaient ceux qui savaient encore qui étaient les Horaces, et quelle était la nature de leur serment. Sondage après sondage, l’athéisme gagnait des parts du grand marché des religions et de plus en plus les guides devaient expliquer aux groupes scolaires qui était saint Jean-Baptiste, parfois même Jésus et Marie. Quantité de références n’étaient plus perçues. Et au même titre qu’Aurélien n’avait jamais été touché par l’art des pharaons dont il ne comprenait ni la cosmogonie ni les rites, il voyait bien que ses contemporains peinaient à dépasser une appréciation purement esthétique de la peinture, et que dans la plupart des cas, les œuvres, si belles soient-elles, demeuraient dépourvues de sens. C’est comme si un peu cet art-là, le sien, perdait son pouvoir d’expliquer le monde.
On lui rétorquait qu’il ne fallait pas être alarmiste ; quatre cents ans avant Jésus-Christ, Socrate déplorait aussi le délitement de la société. Si les gens ne savaient plus lire les chiffres romains, ce n’était pas bien grave, on les remplacerait par des chiffres arabes. On rallongerait les cartels pour donner davantage de contexte. Des applications sur smartphone faisait un travail didactique remarquable. Sur les réseaux, les influenceurs offraient de nouvelles possibilités de médiation et s’adressaient à un large public. On n’allait pas regretter le latin non plus. C’était la marche du monde.
Pourtant, cette évolution l’affectait. Il se sentait moins l’envie de transmettre, comme sil n’avait plus les outils pour toucher les gens. Et puis, si cela ne suffisait pas, un regard nouveau se posait sur le musée, un regard qui n’y voyait qu’une succession de viols et de persécution des minorités, d’oppression patriarcale, de male gaze. Il ne niait pas le rôle de l’art dans la perpétuation du système dominant, il ne réfutait pas sa portée idéologique, bien souvent au service des puissants, mais il faisait la part des choses. Il n’éprouvait pas le besoin de réparation. C’étaient d’autres temps. Malgré lui, le musée devenait le terrain de luttes politiques qu’il maîtrisait mal.
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Il se disait parfois qu'il avait été choisi parce qu'on avait besoin d'un peu d'accalmie : il était en somme un parfait compromis entre les mandarins aux personnalités écrasantes qui avaient régné sur le département des décennies durant et la jeune génération dont on soupçonnait qu'elle voulait tout casser.
Son caractère conciliant, sa façon d'arrondir les angles et de ménager les susceptibilités avaient dû jouer en sa faveur.
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Du musée elle avait fait une marque puissante et attractive. Une marque décomplexée. Avec elle, maintes barrières étaient tombées, les stars de la pop se pressaient au Louvre pour tourner leurs clips, les créateurs de mode pour défiler devant ses illustres marbres et les géants de la Silicon Valley pour nouer de fabuleux et juteux partenariats. (...) Sa compréhension des enjeux numériques, sa capacité à s'approprier les codes des nouveaux moyens de communication avaient sidéré le milieu du patrimoine et les recettes de la billetterie s'en étaient directement ressenties.
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Quand au mitan de la vie toutes les promesses de l'aube sont déçues, les horizons du succès obstrués par la réalité implacable, il ne reste que le sport individuel et ses slogans de blockbuster, ses indicateurs de performance et ses bracelets connectés pour y chercher les bribes de réussite nécessaires à la survie de l'ego. Ainsi Aurélien se retrouva-t-il à arpenter les Tuileries, New Balance aux pieds, pendant sa pause déjeuner, parmi une foule de congénères dégarnis désireux de reprendre le contrôle d'une trajectoire qui inéluctablement leur échappait.
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On sentait là l'effort fastidieux de la France pour montrer que le pays prenait le sujet à cœur, rien de comparable toutefois à la cérémonie grandiose du transfert des momies des pharaons qu'avait organisé le Caire pour l'inauguration du Grand Egyptian Muséum.
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Non, Lisa était une Madame Tout le Monde, une bourgeoise lambda de la classe moyenne, mère de famille et femme de commerçant, à la joliesse mesurée, raisonnable.
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Léonard de Vinci s’éteignit en 1519 au terme d’une existence prodigieusement féconde où il avait exploré sans relâche les immenses aptitudes de son génie, réalisant le précepte qu’il avait écrit dans l’un de ses carnets : « Une journée bien remplie donne un bon sommeil, une vie bien remplie donne une mort tranquille. »
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Les satyres dansaient, les faunes tumultueux grimaçaient, Artémis courait, légère, au côté de sa biche, l’hermaphrodite soupirait sous la froide approbation des nymphes et des bacchantes. (Homero p.89)
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"Une journée bien remplie donne un bon sommeil, une vie bien remplie donné une mort tranquille" Léonard de Vinci
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Partout la beauté était battue en brèche, repoussée au bénéfice de l'utile, du confort, de la sécurité, écartée en faveur de l'attractivité, de la rapidité, de l'efficacité.
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La ministre était une personne remarquablement affable, ronde dans ses manières et dans ses traits. Elle était apprêtée avec l'orgueilleuse sophistication d'une pâtisserie délicate, laquée et poudrée dans des camaïeux de rose pêche et de carmin.
(p. 118)
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En 1744, Robert Picault opère la première transposition en France. Derrière ce nom transposition, qui sonne comme un événement majeur de la vie de Jésus, il y a un procédé intrigant qui consiste à faire voyager la couche picturale d’un support à l’autre, à la manière d’une décalcomanie. La transposition de la Charité d’Andrea del Sarto de bois sur toile fait de Picault une star. Le roi lui offre pension et logement à Versailles. Drôle de personnalité que Robert Picault : il se vante de contempler les chefs-d’oeuvre depuis leur envers, par transparence ! Il refusera jusqu’à sa mort de livrer ce qu’il appelle son secret. (…)
A ce moment-là, la restauration est un territoire d’avant-garde, les restaurateurs sont des apprentis-sorciers, des chimistes, des expérimentateurs. (…) Ces dynasties opèrent dans la confidentialité de leurs ateliers et gardent jalousement le secret sur leurs procédés. On les appelle rentoileurs ou raccommodeurs. Vous noterez que « raccommodeurs », ce n’est pas à leur avantage. On s’en méfie, je vous l’ai dit. (…)
Alors évidemment (…), le siècle des Lumières tente de mettre de l’ordre dans tout ça et d’en finir avec le temps des expérimentations. On se pose la question de savoir si l’oeuvre peinte se réduit à sa couche picturale ou si elle englobe son support, devenant un objet tridimensionnel. (…)
Les artisans doivent agir avec transparence. Ce que je veux dire, c’est que depuis ce moment-là et jusqu’aujourd’hui, on a tout fait pour cadrer cette profession, pour faire entrer le restaurateur dans la catégorie des artisans, pour l’éloigner de toute prétention artistique, contrôler ses procédés, le former, l’éduquer, le soumettre aux lois de la concurrence, pour limiter son pouvoir, restreindre ses libertés. Pourquoi ? Car vous imaginez bien que la confrontation entre deux artistes est dangereuse, surtout lorsqu’ils partagent la même oeuvre ! Entre celui qui donne la vie et celui qui la prolonge, et lui offre, pour ainsi dire l’éternité...L’un aurait vite fait de se figurer l’égal de l’autre…
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Il y a un moment - et il vient assez vite - où vous ne savez pas qui est le groupe qui s'affiche en lettres rouges au fronton de l'Olympia. Vous n'en avez jamais entendu parler et vous vous en foutez royalement. Il y a un moment où le visage de l'égérie Chanel en quatre par trois dans le métro ne provoque aucun stimulus dans votre cerveau, si ce n'est une admiration distraite pour la géométrie de ses traits. Vous ne le reconnaissez pas. Néant. Il y a un moment où des pans entiers du langage vous échappent. Il y a un moment encore où les jeunes générations vous semblent déguisées dans la rue. Vous les regardez, amusé, comme un sujet exotique plaisant et lointain.
Arrive ce moment où vous vous rendez-compte que vous vous êtes lentement extrait du bruit du monde. Que vous vivez dans le confort d’une réalité parallèle, votre propre réalité, figée, façonnée selon vos goûts et vos envies, mais hermétique aux pulsions de la société. C’est en général à partir de ce moment-là que vous commencez à parler d’avant. Vous développez une empathie inédite pour des choses que vous n’aviez jusque-là pas remarquées. Vous portez sur votre entourage un regard empreint de nostalgie, comme si celui-ci était menacé d’une destruction prochaine. Avant pourtant reste votre présent, mais vous pressentez qu’il appartient déjà au passé, car vous-même avez subtilement glissé. Et si vous parlez d’avant, vous parlez aussi de maintenant comme si ce n’était pas de votre temps qu’il s’agissait, comme si maintenant était étranger, allogène, comme si maintenant n’était pas un bien commun à tous les vivants mais un privilège réservé à d’autres que vous ne comprenez plus.
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Dans les jours qui suivirent, Daphné continua son tour des plateaux de télévision. L'appétit des médias était insatiable. On voulait tout savoir de la restauration.
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Arrive ce moment où vous vous rendez-compte que vous vous êtes lentement extrait du bruit du monde. Que vous vivez dans le confort d’une réalité parallèle, votre propre réalité, figée, façonnée selon vos goûts et vos envies, mais hermétique aux pulsions de la société. C’est en général à partir de ce moment-là que vous commencez à parler d’avant. Vous développez une empathie inédite pour des choses que vous n’aviez jusque-là pas remarquées. Vous portez sur votre entourage un regard empreint de nostalgie, comme si celui-ci était menacé d’une destruction prochaine. Avant pourtant reste votre présent, mais vous pressentez qu’il appartient déjà au passé, car vous-même avez subtilement glissé. Et si vous parlez d’avant, vous parlez aussi de maintenant comme si ce n’était pas de votre temps qu’il s’agissait, comme si maintenant était étranger, allogène, comme si maintenant n’était pas un bien commun à tous les vivants mais un privilège réservé à d’autres que vous ne comprenez plus.
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