Citations de Pete Fromm (608)
Le vortex tourbillonnant, c'est ainsi que Maman appelle mes transes, quand je me soustrais au monde, happé par mes pensées.
Ça fait quoi, de vivre dans le vortex ? D'imaginer toujours le pire ?
Non pas qu'elle ait son mot à dire, empêcher Bill de partir à l'aventure étant aussi facile que d'arrêter un train en se couchant sur les rails.
-je les préviendrai, dit-il. De faire très attention au bonheur. Je leur dirai qu’il risque de les prendre par surprise, de leur
couper le soufle, et qu'ils en voudront toujours plus
Au nord, le ciel continue de pulser, illuminant la voie qui mène aux dieux.
- Être ensemble comme avant. Tous les trois dans la nature. Merde, Trig, une aurore boréale, quand-même !
Il laisse sa main sur mon épaule; ensemble, nous regardons les premières pulsations vertes de l'aurore boréale promise.
Alors que nous admirons le spectacle, je pense à nos ancêtres, comment rationalisaient-ils ce genre de visions ? Les éclipses me font le même effet : comment les hommes sont t-ils parvenus à mettre de côté la peur et la superstition, à échapper au vortex tourbillonnant , pour prouver que ces phénomènes n'auguraient pas la fin du monde ? Puis, comme toujours, je me dis que les explications scientifiques importent peu. Ce n'est pas la fin du monde, juste la planète qui la ramène, histoire de montrer ce dont elle est capable, au lieu de se contenter d'exister, ainsi qu'elle le fait d'habitude, une petite rodomontade au crépuscule pour nous rappeler que nous ne sommes pas le centre de la Terre, mais un détail mineur condamné à errer à sa surface.
A présent, je me dis que nous étions peut-être la seule chose qui les liait encore. En grandissant, nous les avons laissé en tête â tête, avec nulle autre préoccupation que de regarder se creuser les fissures qui étaient apparues entre eux.
Après une journée dans le canoë, disait-elle, nous n'avions qu'une hâte, repartir, le retour à la civilisation nous étant insupportable.
Peut-être suis-je le seul à m'inquiéter parce que je dors à la belle étoile, alors qu'eux sont bien au chaud dans leurs tentes. Peut-être est-ce la faute aux étoiles qui, aussi belles soient-elles, vous donnent le sentiment d'être insignifiant. Ce vaste univers, qui se fiche éperdument de vous, de la glace qui risque de vous piéger, des bourrasques arctiques prêtes à vous transpercer, de la neige qui menace de vous ensevelir, de la troupe de boy-scouts qui pourrait bien débarquer sur la plage une fois l'été venu pour trouver deux tentes en lambeaux,trois cadavres grisâtres en état de décomposition avancée.
Il passe sans s'arrêter devant la station, où rien ne l'attend hormis les habituelles corvées hivernales, nettoyer, polir, peindre, réparer, affûter. Les pêcheurs sur glace et les skieurs de fond, ces âmes courageuses, ne seront pas là avant un moment. L'hiver lui fait l'effet d'une paire de menottes glacées l'enchaînant à une succession de nuits sans fin, de journées courtes et grises où le moindre mouvement requiert des préparatifs, plusieurs strates d'habits, un effort intense pour s'arracher à la léthargie.
Après une autre journée â franchir lac après lac, trois portages, le mur sombre des arbres traversé de temps à autre par les derniers châtiments rouge et or des feuillus - iridescents et filiformes, leurs reflets tremblotent à la surface de l'eau - nous accostons une vaste plage sablonneuse.
Ensuite, Papa nous sert une petite goutte et nous dévorons une montagne de brochets et de dorés jaunes qui nous laissent aussi stupéfaits que la veille, les épaules douloureuses tandis que le soleil écarlate approche de l'horizon.
- Papa, dis-je, à côté de toi, une tronçonneuse, c'est une berceuse.
- Je ronfle ?
Il ne parvient pas tout à fait à dissimuler son sourire.
Ce soir-là, Papa découpe les poissons d'Al, la tâche du perdant. Veillant à retirer les grosses arêtes pour moi, il trempe les filets dans l'œuf. Al les roule dans la farine de maïs et je les dépose dans la poêle, les uns après les autres. L'eau à la bouche, nous les regardons se racornir et grésiller. Le dîner se mue en frénésie, le grand air, le climat, l'exercice nous a transformé en véritables sauvages. Une fois rassasiés, nous basculons en arrière dans nos fauteuils, le visage tourné vers la multitude d'étoiles, la nuit transformée en vaste scintillement.
A l'ouest, le soleil effleure la cime des pins, l'eau renvoie le flamboiement du couchant, le monde s'embrase, enserré par les ténèbres des forêts.
On choisit ses chaussettes, on choisit pas ses parents.
C'était donc ça boire. Encore une étape dans ma vie. Ca et le sexe , je pouvais
maintenant les ranger dans une sorte de boite à souvenirs. "Etapes franchies"... C'était amusant, mais plus je faisais des choses - comme embrasser Justin Haven devant tout le monde -, plus je me sentais vide. Comme si on commençait à plein et qu'on jetait les choses par-dessus bord plutôt que l'inverse. Je ne pensais pas que ça fonctionnait comme ça.
Papa avait peur de ce que j'étais devenue
« A-t-il seulement la moindre idée d’où nous allons, hormis plus loin ? » (p. 70)
« Je suis prêt à suivre Al où qu’elle aille, même si je sais que Papa mène cette danse. » (p. 60)