Les Américains sont de grands enfants, dit-on souvent, avec cette pointe de supériorité si typiquement française....
Peut-être..... mais rares sont ceux qui savent parler de l'enfance aux adultes avec le talent des écrivains américains. Ou parler de l'adolescence, ce qui est encore plus difficile, tant les clichés sur cet âge qu'on dit ingrat abondent...
Après J.D.Salinger,
Howard Buten, Sylvia Platt,
Donna Tartt,
Harper Lee, ses prédécesseurs illustres, ou plus récemment
Gabriel Tallent,
Pete Fromm s'attaque au sujet délicat de l'enfance. Ou plus exactement du passage de l'enfance à l'adolescence de Lucy, de quatorze ans à seize ans.
Pete Fromm a dû etre fille dans une autre vie!
Lucy, c'est un maelstrom sur pattes! Bouleversement sur tous les fronts: hormonal, sentimental, familial!
Les ennemis de Lucy sont partout, dehors et dedans, et ils ne le restent jamais de façon durable tant l'incertitude, la contradiction, la double injonction contradictoire semblent caractériser la jeune héroïne.
Lucy a envie de protection et de liberté, de tendresse et d'indifférence, de confiance et de répression, de régression et de sexe.
Petite silhouette longiligne aux cheveux rasés comme ceux d'un garcon, elle voudrait rester perchée sur la cage à écureuils de ses amours enfantines, loin des garçons entreprenants, et, en même temps, aller chasser sur des terres interdites, comme la louve qui s'éveille en elle.
Dans ce cas-là, c'est plutôt réconfortant d'avoir une base, un refuge, un point fixe- une loi contre laquelle se heurter et à laquelle se référer , le cas échéant.
Bref, d'avoir des parents.
Mais les parents de Lucy sont des enfants qui n' ont jamais vraiment grandi.
Fragile, sexy, Maman l'a été trop tôt, mère, et se cherche trop elle-même pour pouvoir aider sa fille même si elle la comprend, la devine et l'aime.
Grand nounours adoré , bourré d'humour et de fantaisie, mais exclusif , irresponsable et parfois brutal, Papa bûcheronne au loin trop souvent, trop longtemps pour assurer la stabilité nécessaire à sa femme et sa fille.
Alors c 'est à Lucy elle-même de faire ses choix, au gré des essais et des erreurs. Avec un aplomb, un refus de s'attendrir sur elle-même et une lucidité sensible qui font d'elle, à la fin d'un récit, la plus adulte de l'histoire, au sens étymologique : celle qui a mûri. ..
Un livre attachant, entièrement centré sur Lucy, mais jamais ennuyeux, tant l'analyse est pertinente et l'héroïne impertinente, les situations pleines de rebondissements et les dialogues enlevés. Un bon moment de lecture.