Peter a compris que pour résoudre le traumatisme d'un patient, il faut prendre en compte la paralysie physique, l'agitation et le sentiment d'impuissance et l'amener à agir de manière corporelle afin qu'il reprenne le contrôle de sa vie. Ne serait-ce que raconter ce qui s'est passé est une forme d'action efficace en déployant une histoire qui permet à soi-même et aux autres de connaître ce qui est arrivé. Malheureusement, un grand nombre de personnes traumatisées demeurent bloquées dans leur traumatisme et ne parviennent à jamais à déployer ce récit indispensable.
Peter montrait qu'il avait parfaitement compris que le traumatisme est imprimé dans le corps et que pour guérir il est nécessaire de créer un état de transe protégé à partir duquel on peut observer l'atroce passé en toute sécurité". A cela, il a ajouté l'élément essentiel qui consiste à explorer les empreintes physiques subtiles laissés par le traumatisme et à se concentrer sur la reconnexion entre le corps et l'esprit.
Depuis plus d'un siècle nous savons que les traces du traumatisme sont emmagasinées non pas sous forme d'"histoires" difficiles survenues dans le passé mais sous forme de sensations physiques vécues comme des menaces vitales immédiates - dans l'instant présent. Durant cette période, nous avons progressivement compris que la différence entre les souvenirs ordinaires (constitués de récits qui changent et s'effacent avec le temps-) et les souvenirs traumatiques (constitués de sensations et mouvements corporels récurrents accompagnés d'émotions intensément négatives telles que la peur, la honte, la rage et l'effondrement) est due à une défaillance des systèmes cérébraux responsables de la création des "souvenirs autobiographiques".
La mémoire est le scribe de l'âme.
Aristote
En guérissant nos traumatismes, nous intégrons les trois parties de notre cerveau. La transformation qui a lieu alors complète notre destin évolutif. Nous devenons pleinement des animaux humains, en possession de toutes nos aptitudes naturelles. Nous sommes des guerriers féroces, des parents aimants et tout ce qui se trouve entre les deux.
Pour résoudre le traumatisme, nous devons apprendre à nous mouvoir en toute fluidité entre instinct, émotion et pensée rationnelle. Quand ces trois fonctions sont en harmonie, transmettent sensation, émotion et cognition, notre organisme travaille comme il le doit.
Comme Dostoïevski et Zimbardo le font remarquer, les hommes ont beaucoup de difficultés à admettre que certains aspects de leur expérience n'ont aucune explication rationnelle.
L'énergie volcanique du traumatisme est verrouillée dans l'association "peur-figement". La clé qui permet de sortir du traumatisme consiste à dissocier le figement (normalement limité dans le temps) de la peur qui lui est associée.