Citations de Philippe Berthier (38)
Il faut hélas bien constater que, malgré ses fantasmes hermaphrodites, il est plutôt cisgenre.
C’est à Esneh, où les autorités égyptiennes ou le ministère français de la Culture auraient bien dû élever une stèle á la mémoire de Kichuk Hanem, l’illustre horizontale locale que Flaubert, très en forme, se hausse jusqu’à un remarquable record spermatique : en une journée il tire cinq coups et gamahuché trois fois.
A la fois totalement voyageur et écrivain absolu, Flaubert n'a aucune estime pour les récits de voyage, qui lui semblent trahir à la fois le voyage et l'écriture.
Dix ans avant de découvrir la terre des pharaons, elle est déjà là qui l’attend, vibrante d’une incommensurable énergie dont le secret s’est perdu. .
Pourquoi donc aller voir ce que, sans voir, on avait idéalement vu ?
Sans cesse chahuté entre orgasme et débandade, ce n’est pas pour lui une figure de rhétorique que ce combat corps à corps avec la langue : humilié par les adjectifs, outragé par les relatifs, il est « en travail » au sens obstétrique et se vide de mots comme on accouche.
Partir, revenir pourquoi ? pour qui ? Flaubert est écartelé entre ce qu'il ressent comme un besoin vital, à satisfaire à tout prix sous peine de crever sur place, et le pressentiment, ou plutôt la certitude au futur antérieur que cet assouvissement sans lequel il serait asphyxié ne lui apportera pas ce qu'il en espère.
Dans les entrailles du silence peuvent couver de beaux avènements, mais tout autant avorter des projets incapables de jamais s'incarner.
Ce que Stendhal nomme en son langage privé « firodea » (fear of death) tient aux fumerolles métaphysiques dont, pour entretenir son négoce, la religion a enveloppé ce moment très simple, que Mallarmé qualifiera de « ruisseau peu profond » et qu'il convient d'aborder avec une lucidité et une sérénité lucrétiennes : « J'ai fait cent fois le sacrifice de ma vie, me couchant, croyant fermement ne pas me réveiller. »
De toute façon, quand elles arrivent trop tard, les distinctions sont plutôt des humiliations.
Il savait du reste parfaitement où vivaient ses vrais lecteurs : dans une coupe d'immeuble à la Georges Perec, on les trouverait au second et au sixième étage. Pas au premier, dont les habitants « sont esclaves de l'affectation et des rhéteurs » ; sous les toits, parce que c'est là que veillent « les jeunes gens qui pensent au lieu de croire. »
(...) Barbey d'Aurevilly le dira, il faut cultiver non pas ses semblables, mais ses différents; le frottement produit des grincements, mais aussi de l'électricité (...)
Stendhal a toujours vanté le bénéfique anonymat des capitales : on peut y mourir dans l'indifférence générale, mais cet isolement déprimant se double de l'inappréciable avantage d'être à l'abri du méphitisme de l'espionnage et du ragot, qui fait l'unique occupation des provinciaux.
Camus écrira un jour très stendhaliennement : à ne pas être aimé il n'y a que de la malchance, c'est à ne pas aimer qu'il y a du malheur.
(...) l'amour est comme une fièvre qui vient en même temps à deux personnes; celui qui est le premier guéri est diablement ennuyé par l'autre (...) (Stendhal)
Au milieu des illusions de la lanterne magique à laquelle il compare son esprit, il lui arrive d'être traversé d'un éclair de lucidité.
Bienvenue au (Stendhal) Club : les happy few viennent de naître, ceux qui comprennent qu'on vende sa chemise pour voir les Loges de Raphaël et sont capables, sans craindre le ridicule, de confier que, de tout ce qu'ils ont récolté tout au long de leur parcours, c'est le chant des oiseaux dans le Colisée qu'ils ont préféré.
C'est exactement ce que Stendhal demande à la peinture : qu'elle descende du mur ou de la toile pour se faire vie charnelle. Et à la vie : qu'elle se transcende en icône inaccessible au temps.
La vie, dira Baudelaire, est un hôpital où chaque malade voudrait changer de lit.
On songe à Giraudoux disant que toute famille allemande rêve d'avoir un ami français, comme on met un pot de géranium à sa fenêtre pour l'égayer.