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Citations de Philippe Cornu (33)


Dans cette claire vacuité où les pensées passées se sont évanouies sans trace aucune,
Dans cette fraîcheur où les pensées à venir ne sont pas encore :
A l'instant où s'établit le mode naturel sans fabrications,
Voici cette conscience qui, à ce moment, est en elle-même tout ordinaire,
Et dès que vous tournez votre regard nu sur vous-même,
Ce regard qui n'a rien à voir débouche sur la clarté,
La Présence dans son évidence, nue et vive,
C'est une pure vacuité qui n'a été créée d'aucune manière.
Un état inaltéré où clarté et vide sont indivisibles,
Ni éternel puisque rien n'y existe vraiment
Ni néant puisqu'il est clair et vif.
Il ne se réduit pas à l'un, étant présent et limpide en toutes choses.
Et n'est pas le multiple, car tout y est d'une saveur unique dans l'inséparabilité,
Telle est cette Présence intrinsèque et elle n'est rien d'autre.
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Philippe Cornu
Texte dzogchen attribué à Buddhagupta ou Buddhaguhya (Sangs rgyas sbas pa), le sBas pa’i sgum chung , “Les petites graines cachées”,



"Hommage au Vainqueur, le glorieux Samantabhadra !
Comment la profonde absence de discursivité
Peut-elle être perçue en tant qu’objet de l’esprit?
Dans l’expérience de la profonde absence de conceptualisation,
Il n’y a rien à part l’expérience elle-même.
Les phénomènes sont juste tels quels
Et ne s’imbriquent pas les uns dans les autres.
Quelle que soit la profondeur des expressions utilisées,
Comment pourraient-elles être appropriées au sens ultime?
Accumulations de mérites et de Sagesse,
Recueillement, purification des propensions,
Ce ne sont là que des clous de fixation :
Dans l’Espace où il n’y a rien à saisir, point d’artifice !
Se tenir le dos droit, les jambes croisées,
Les techniques corporelles artificielles, tout cela
Découle d’un attachement excessif au concept de corps.
Dans l’Espace sans forme, point d’artifices !
Pour ce qui demeure depuis toujours semblable à l’espace,
Il n’y a pas de posture droite les jambes croisées qui tienne !
La nature se présente en tant qu’espace,
Elle est la base des transformations au sein de cet espace.
La Nature de l’esprit est la dimension spatiale pure et parfaite,
La base d’accomplissement de l’Éveil.
La Nature de l’esprit n’a ni fondement ni origine :
Pareille au ciel, elle ne peut être trouvée par une quelconque recherche.
L’Eveil sans naissance
N’est en rien un Eveil issu de causes et de circonstances !
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■ LE MAÎTRE DANS LE VAJRAYANA. C'est incontestablement dans le Vajrayâna que le maître occupe une place centrale. En Inde, on considéra les "grands accomplis" ou mahâsiddha tels que Saraha ou Tilopa comme des maîtres parfaits. Bientôt, des Népalais et des Tibétains vinrent auprès d'eux recevoir la transmission des tantra pour la diffuser dans leur pays, et des maîtres tantriques indiens partirent aussi pour la Chine, la péninsule indochinoise et l'Indonésie afin d'y implanter le Vajrayâna. Partout considérés par leurs disciples comme le Bouddha lui-même, on leur accordait la confiance la plus grande.
Quand, au VIIIe et au XIe s., le Vajrayàna se développa au Tibet, les maîtres, appelés lama (tib. bla-ma), en furent naturellement la clé. Certains voyageurs et spécialistes occidentaux du XIXe s., frappés par l'importance donnée au lama dans la culture tibétaine, nommèrent le bouddhisme tibétain "lamaïsme". Mais cette insistance sur le rôle du maître n'est pas spécifiquement tibétaine, elle reflète l'esprit même du Vajrayâna. Parmi les lama, il faut d'ailleurs distinguer plusieurs sortes d'enseignants religieux. Par politesse et convention, on appelle souvent lama un simple enseignant religieux ayant des connaissances générales, qui n'est pas habilité à enseigner les tantra ni à conférer une transmission de pouvoir, dont le rôle est plutôt semblable à celui de l'ami spirituel dans le Mahàyàna. Ce type de lama ne doit pas être confondu avec le véritable "maître de vajra" (sic vajrâcârya, tib. rdo-rje slob-dpon), maître qualifié pour transmettre le Vajrayàna et véritable autorité spirituelle. Les Occidentaux s'y sont souvent trompés. Quelques précisions ne sont pas inutiles :
1/. Dans l'aire culturelle tibétaine, il existe deux types de religieux, les moines qui ont reçu l'ordination selon le Vinaya, le "sangha rouge", et les yogi ou mantrika laïcs (tib. sngags-pa, rnal-'byor-pa) qui poursuivent des lignées familiales (filiales ou d'oncle à neveu), le " sangha blanc". Un lama maître de vajra peut appartenir à l'une ou l'autre des communautés, être moine ou bien laïc.
2/. Un lama n'est qualifié de maître de vajra que s'il remplit les conditions suivantes : avoir une grande compassion, avoir la connaissance théorique et pratique des tantra, avoir accompli une ou plusieurs retraites jusqu'aux signes de réalisation de la déité, préserver un samaya pur avec ses maîtres.
3/. Un maître de vajra peut entretenir plusieurs types de relations avec ses étudiants : a) Dans un cercle large, il enseignera le Dharma général comme le refuge et le Mahàyàna. Pour ces disciples, il sera peut-être le "maître de refuge", mais l'engagement du refuge n'est pas l'engagement du Vajrayâna et ils n'auront pas à le considérer comme leur maître de vajra.
b) Dans un cercle restreint de disciples choisis, il enseignera le Vajrayàna ou bien le Dzog-chen après avoir conféré les transmissions de pouvoir adéquates. Ces disciples doivent alors considérer le maître comme leur maître de vajra et respecter le sacré ou samaya (tib. dam-tshig) avec lui.
Là encore, un distinguo doit être fait : le maître-source ou "lama-racine" (sk. mùlaguru, tib. rtsa-ba'i bla-ma) est le maître avec lequel le disciple noue une relation spirituelle intime et profonde, quand il y a rencontre véritable des deux esprits. L'étudiant s'engage à servir le maître et à suivre ses instructions quoi qu'il arrive, et le maître prend l'engagement de ne pas l'abandonner jusqu'à l'Éveil final. Le samaya consiste essentiellement à respecter le corps, la parole et l'esprit du maître, mais celui-ci a son propre samaya à maintenir avec ses disciples. La relation entre maître et disciple est puissante, le maître travaillant à dépister les faiblesses, les incompréhensions et les erreurs du disciple qui font obstacle à sa progression. Elle se fonde sur une confiance totale. Mais le lama-racine invite parfois certains de ses propres maîtres à conférer une transmission de pouvoir à ses disciples. Un lien profond est également créé avec ces maîtres, mais sous la responsabilité du lama-racine qui donne ensuite toutes les instructions pratiques nécessaires à la pratique.
4/. Le lama-racine est le dépositaire vivant de la sagesse véhiculée par la lignée spirituelle des maîtres qui l'ont précédé. Les maîtres de la lignée (sk. paramparâ guru, TIB. brgyud-pa'i bla-ma) sont la source d'inspiration des disciples, le lien d'appartenance à la tradition spirituelle qui est la leur. Quelle que soit l'école, la lignée spirituelle remonte jusqu'à un bouddha originel et fait preuve d'authenticité dans la transmission. Les pratiquants l'invoquent fréquemment par des prières (tib. brgyud-gsol-'debs). Mais la lignée vit au travers du lama-racine, qui seul la transmet à ses disciples proches.
5/. Dans la pratique, le maître est considéré comme un "joyau qui exauce tous les souhaits" (tib. yid-bzhin nor-bu). Il est la source des bénédictions de la lignée et condense à lui seul les trois racines du refuge intérieur. Pour renforcer le lien du cœur/esprit avec le maître-racine, le disciple pratique le guruyoga (TIB. bla-ma'i rnal-byor) pour recevoir quotidiennement son influence spirituelle et/ou le sàdhana de la déité, considérant que le yidam est indifférencié du maître. Peu à peu, il va découvrir, grâce à l'ouverture du cœur suscitée par la dévotion, que son propre esprit n'est pas différent dans sa nature essentielle de l'esprit de sagesse du maître : « Puisque la conscience claire de l'instant présent est le véritable bouddha, par l'ouverture et le contentement, je trouve le lama dans mon cœur. Quand je réalise que cet esprit naturel est la nature même du lama, il n'est plus besoin de prières avides et tenaces, ni de complaintes artificielles », déclare Düdjom Rinpoché dans un chant de réalisation (trad. Rigpa).
Le rôle du lama extérieur est donc de révéler au disciple, grâce aux enseignements et à la pratique, le lama intérieur qui n'est autre que la nature de bouddha en lui. Dès lors qu'il l'a réalisé, le disciple n'est plus jamais séparé du maître et toutes les circonstances deviennent des rappels du maître intérieur. Plus encore que les moyens habiles, la dévotion au maître est le point crucial du Vajrayâna et du Dzogchen, sans laquelle tout demeure stérile. Loin d'être un esclavage, la relation au maître est libératrice, ce dernier étant le catalyseur de la transformation spirituelle.
Lire « Les Cinquante Stances de dévotion au guru d'Advaghaya », en seconde partie dans « Le Mahionudrà qui dissipe les ténèbres de l'ignorance », Yiga Tcheu Dzinn, Toulon-sur-Arroux, 1980.
Voir Chan, trois racines, Vajrayana
p. 344 à 346
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■ LES GRANDES TRANSMISSIONS DE POUVOIR.
La manière de présenter ces quatre initiations, l'accent plus ou moins grand mis sur les unes ou les autres et le nombre des subdivisions dans la présentation de la transmission de pouvoir varient d'un tantra à l'autre. Ainsi, dans les tantra anciens, la grande transmission de pouvoir du Guhyagarbha qui introduit au mandala des cent déités paisibles et courroucées comporte dix-huit phases en tout : dix initiations externes ou "bénéfiques", préparation correspondant à la transmission de pouvoir du vase, cinq initiations internes ou "donnant l'énergie" (initiation autorisant l'écoute de tous les tantra secrets, initiation pour pratiquer le samàdhi des phases de développement et d'achèvement, deux initiations concernant les quatre activités, et initiation du roi adamantin sans limites destinée à faire mûrir le potentiel contenu dans l'esprit des êtres), et trois initiations secrètes ou profondes destinées aux yoga internes de la phase d'achèvement.
La grande transmission de pouvoir du Tsok-chen dupa (tib. tshogs-chen 'dus-pa) de l'Anuyoga comprend trente-six phases (dix initiations extérieures semblables à celle du vase, onze initiations intérieures correspondant aux cinq secrètes précédentes, treize initiations correspondant aux trois secrètes et deux initiations secrètes de la phase d'achèvement).
Dans le Dzogchen men ngak dé du cycle secret insurpassable (tib. yang-gsang bla-na-med-pa'i skor), il existe un système de transmissions de pouvoir qui revêt partiellement les formes et dénominations de celles qui sont dispensées dans les tantra supérieurs. Parmi les grandes transmissions de pouvoir du sNying-thig ya-bzhi, citons celle du Bla-ma yang-tig. Elle comporte :
1/. La transmission de pouvoir élaborée (ris. spros-bcas-kyi dbang), elle-même subdivisée en initiation du vase, initiation secrète, initiation de la sagesse/connaissance suprême et initiation du mot, la dernière concernant plus spécifiquement la pratique dzogchen de thôgal (tib. thod-rgal).
2/. La transmission de pouvoir sans élaboration (tib. spros-med-kyi dbang), qui comprend l'initiation de la roue des lettres (en trois parties) et l'initiation du sens de la dharmatâ (en quatre parties).
3/. La transmission de pouvoir complètement dénuée d'élaborations (tib. shin-tu spros-med-kyi dbang), qui comporte une seule initiation.
4. La transmission de pouvoir absolument dénuée d'élaborations (tib. rab-tu spros-med-kyi dbang), également en une seule initiation.
Les trois dernières transmissions ont un caractère nettement moins tantrique que la première.
Parmi les tantra nouveaux, lors de la grande transmission de pouvoir du Kàlacakra, qui dure trois à quatre jours (une dizaine si l'on compte les phases préparatoires), on dénombre les sept initiations de "l'entrée à la manière d'un enfant" données le premier jour comme préliminaire :
p. 31

initiations de l'eau, de la couronne, du ruban de soie, du vajra et de la cloche, de la conduite, du nom et de permission.
Les jours suivants sont conférées les quatre initiations élevées et les quatre très élevées, regroupées ainsi : les deux initiations du vase (élevée et très élevée), les deux initiations secrètes (élevée et très élevée), les deux initiations de sagesse/connaissance suprême (élevée et très élevée) avec la première initiation du mot dite "provisoire" et enfin l'initiation du mot définitive. L'ensemble est suivi d'une initiation finale dite du "Seigneur maître de vajra".
■ LE RITUEL D'UNE TRANSMISSION DE POUVOIR. Bien qu'originellement la transmission de pouvoir pouvait être conférée très essentielle-ment, il existe un rituel codifié qui met en scène la cérémonie de transmission de pouvoir visant à créer des conditions favorables dans l'esprit du disciple. Dans le cadre tibétain d'une transmission de pouvoir d'un tantra supérieur, on peut dénombrer plusieurs phases classiques :
1/. La préparation de la transmission de pouvoir : elle consiste à déterminer le moment propice, à purifier le lieu d'initiation et l'emplacement où l'on va créer le mandala en demandant aux déités locales l'autorisation d'accomplir le rituel et à la déité d'élection l'autorisation de conférer sa transmission de pouvoir. Une fois le mandala préparé, le maître s'apprête à conférer l'initiation. Seul, il accomplit le rituel de la déité, effectue cent mille récitations du mantra de la déité, dix mille pour les déités secondaires du mandala, dix autres mille pour recevoir la pluie des bénédictions, et prend l'auto-initiation qui le rend identique à la déité. Puis il prépare les objets et substances nécessaires à la cérémonie : il bénit l'eau de l'aiguière, l'amrita, les torma, etc. Après quoi les disciples sont autorisés à entrer dans l'enceinte en se rinçant la bouche avec de l'eau de purification de Vajrasattva.
Quand ils sont installés face au maître, celui-ci offre une torma (us. gegs-gtor) aux forces créatrices d'obstacles, pour les apaiser et les expulser, et visualise la tente de vajra ou cercle de protection (tib. rdo-rje'i gur, bsrung-ba'i 'khor-lo). Il explique ensuite l'histoire de la transmission. Les disciples font l'offrande d'un mandala pour demander l'initiation et répètent une formule de requête qui est acceptée. Le maître confère alors systématiquement les préceptes du refuge et de la bodhicitta, préliminaires indispensables. Puis les disciples offrent une prière en sept branches, reçoivent les préceptes généraux et, plaçant le bandeau rouge de l'ignorance sur leurs yeux, présentent au maître la requête d'ouvrir les portes du mandala. Le maître explique alors aux disciples comment ils doivent se visualiser sous la forme de la déité et les disciples jettent une fleur sur un mandala de bois pour déterminer à quelle famille de bouddhas ils appartiennent. À l'aide d'un stylet de vajra, le maître fait le geste symbolique de dissiper l'ignorance et les étudiants ôtent le bandeau de leurs yeux.
2/. La partie principale : le maître révèle le mandala et invoque les bouddhas afin de pouvoir conférer l'initiation. II procède alors à la transmission de pouvoir du vase (eau, couronne, vajra, clochette, nom, maître) et souvent à une transmission de pouvoir du vase des vainqueurs qui condense l'ensemble. Puis il procède à l'initiation secrète, prononçant par trois fois le mantra de la déité, que les disciples répètent avant de poursuivre avec la troisième initiation, puis la quatrième. Enfin, il autorise les disciples à accomplir la pratique en plaçant le texte sur leur tête.
3/. La conclusion : il explique les préceptes du samaya qui engage les disciples envers le maître et la pratique, puis les disciples offrent un mandala en guise de remerciement avant de dédier les mérites qui viennent d'être accumulés à tous les êtres. Habituellement, la transmission de pouvoir se conclut par un festin d'offrandes ou ganacakrapùja (tib. tshogs-kyi 'khor-lo).
❑ Sur les transmissions de pouvoir, on peut lire Dilgo Khyentsé Rinpoché, « Pure apparence » (chap. I, p. 1-32), Vajravairochana, Halifax, 1992. — Tenzin Gyatso, the Dalai Lama et J. Hopkins, « The Kalachakra Tantra. Rite of Initiation », Wisdom, Londres, 1985.
Voir tantra, Vajrayâna, pùja
p. 31 et 32
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abhiseka (sk.), tib. dbang, ch. guanding, jap. kanjô ¶ Litt. "ablution qui rend manifeste" en sanskrit, et "transmission de pouvoir" selon le tibétain. Le terme "initiation" a été vulgarisé en Occident, mais "transmission de pouvoir" est plus juste. On parle de "conférer la transmission de pouvoir" (sic. abhisirica, tib. dbang-bskur-ba).
L'abhiseka est l'un des dix sujets des tantra et la porte d'entrée qui autorise la pratique du Vajrayàna. Elle est indispensable à quiconque souhaite entrer dans une telle voie. Seul un maître qualifié, le vajrâcàrya (tib. rdo-rje slob-dpon), est habilité à la conférer.
Les qualités requises sont les suivantes : il doit prendre soin de ses vœux, être motivé par la compassion, avoir la connaissance des tantra et avoir accompli lui-même une retraite et maîtrisé les signes d'accomplissement de la pratique correspondante au niveau du tantra qu'il confère. Le disciple lui-même doit être un pur réceptacle, animé par la motivation de la bodhicitta et la dévotion, et doit s'engager à préserver les vœux spécifiques à la transmission de pouvoir (sk. samaya, tib. dam-tshig). Traditionnellement, maître et disciple doivent s'examiner avant de s'engager l'un envers l'autre.
La transmission de pouvoir consiste à révéler au disciple ses potentialités cachées, à dénouer ses blocages et à purifier ses obscurcissements. Elle crée en lui les conditions qui l'autorisent à pratiquer la voie du Vajrayàna. C'est "la transmission de pouvoir qui fait mûrir" (nu. smin-byed-kyi dbang), comparée à une graine plantée dans l'esprit du disciple. Pour la conférer, le maître entre dans le samâdhi de la déité et utilise différents objets rituels porteurs d'un sens symbolique, ainsi que des substances spécifiques (tib. rdzas) préparées à cet usage. S'il est habituel, de nos jours, dans le bouddhisme tibétain, de conférer des transmissions de pouvoir dans un environnement rituel sophistiqué avec un mandala de sable ou une "maison du mandala", de nombreux objets précieux et à une assemblée de disciples parfois importante, il faut toutefois se rappeler que la transmission de pouvoir est avant tout individuelle, qu'elle engage le maître envers chaque disciple et chaque disciple envers le maître. Dans les temps anciens, les mahàsiddha la conféraient à une seule personne à la fois ou à un petit groupe à l'aide de quelques objets rudimentaires. De fait, quand un maître confère une transmission de pouvoir en grande assemblée, il ne demande pas aux participants non préparés de s'engager dans les visualisations ni de prendre des vœux spécifiques de samaya. C'est alors une transmission que tout un chacun peut prendre en guise de simple bénédiction, comme une graine plantée pour l'avenir. Pour les disciples engagés, la transmission de pouvoir doit être suivie d'une "lecture orale d'autorisation" (tib. bka'-lung, lung) des textes de sàdhana à pratiquer et d'instructions (tib. khrid) expliquant comment pratiquer précisément. Au Japon, dans le Shingon et le Tendai, l'abhiseka n'est conférée qu'individuellement ou à de petits groupes de disciples choisis, dans le plus grand secret.
■ LES DIFFÉRENTES SORTES D'ABHISEKA.
Selon la classe de tantra envisagée, différentes transmissions de pouvoir sont exigées.
I. Dans les tantra extérieurs ou inférieurs, que l'on trouve tant dans le bouddhisme tibétain que dans le bouddhisme ésotérique japonais (écoles Shingon et Tendai), l'accent est mis sur la purification et la visualisation. L'abhiseka aura pour pivot la transmission de pouvoir de l'eau d'ablution purificatrice. Mais, pour chaque type de tantra, elle s'accompagnera d'autres initiations.
1/. Le Kriyàtantra comprend :
a) La transmission de pouvoir préliminaire de la guirlande de fleurs (tib. me-tog-'phreng dbang) qui permet au disciple d'entrer dans le mandala.
b) La transmission de pouvoir de l'eau ou du vase (sk. udakàbhiseka, tib. chu'i dbang) qui est la principale, où le maître consacre l'eau de l'aiguière (sk. kalasa, tib. bum-pa) par le samâdhi et la récitation de mantra, considérant que la déité du mandala est à l'intérieur du récipient, indissociable de l'eau d'initiation. Le disciple est touché en différents points du corps par l'aiguière et boit de son eau, ce qui purifie son corps des obscurcissements et l'autorise à visualiser la déité.
c) La transmission de la couronne (sk. muku-tàbhiseka, tib. cod-pan-gi dbang), semblable au couronnement d'un roi, où le disciple reçoit la couronne qui le consacre fils des vainqueurs.
Elles sont suivies de la permission de pratiquer.
2/. Le Caryatantra comprend ces trois premières transmissions de pouvoir, suivies de :
d) La transmission de pouvoir du vajra (sic vajràbhiseka, tib. rdo-rje'i dbang), qui est la transmission de pouvoir de l'esprit de tous les bouddhas, lequel est considéré comme l'essence de la félicité et de la vacuité indissociables.
e) Parfois la transmission de pouvoir de la clochette ou ghanta (sic ghantâbhiseka, tib. dril-bu'i dbang), plus souvent réservée à la classe suivante de tantra. f)
f) La transmission de pouvoir du nom (sk. nâmàbhiseka, tib. ming-gi dbang) où le disciple reçoit un nom d'initiation lié à Vairocana. Puis vient la permission de pratiquer.
3/. Le Yogatantra comprend les cinq sortes de transmissions, chacune étant reliée à l'une des cinq familles de bouddhas :
a) La transmission du vase liée à Aksobhya, le bouddha du corps.
b) La transmission de la couronne liée à Rama-sambhava, le bouddha des qualités.
c) La transmission de pouvoir du vajra liée à Amitâbha, le bouddha de la parole.
d) La transmission de pouvoir de la clochette liée à Amoghasiddhi, le bouddha des activités.
e) La transmission du nom liée à Vairocana, où le disciple reçoit un nom secret, le vajra et la clochette.
On y ajoute une sixième transmission de pouvoir :
f) La transmission de pouvoir du maître, qui comprend trois éléments de promesse : se rappeler l'ainsité (sk. tathatà) du vajra uni à la clochette, pratiquer le grand symbole ou Mahàmudrà qui consiste à se visualiser comme la déité, et enfin le souhait de développer la sagesse non duelle de la vacuité/luminosité, l'union indivisible des moyens et de la connaissance.
II. Dans les tantra intérieurs ou supérieurs, qui ne sont actuellement présents que dans le bouddhisme tibétain, il existe quatre grandes transmissions de pouvoir, la première d'entre elles rassemblant tous les éléments des transmissions de pouvoir des tantra externes et les autres étant spécifiques aux méthodes de l'Anuttara-yogatantra ou du Mahâyoga, de l'Anuyoga et du Dzogchen selon les cas. Autrefois, on ne donnait qu'une transmission à la fois, la suivante n'étant accordée qu'après la maîtrise du niveau précédent. Mais, de nos jours, on les reçoit les unes après les autres dans une même initiation.
1/. La transmission de pouvoir du vase (sk. kalagehiseka, tib. bum-pa'i dbang) nécessite l'édification d'un mandala, qu'il s'agisse d'une maison du mandala contenant tous les objets symboliques de l'initiation (torna, aiguières,substances, images de la déité) ou bien d'un mandala de sable coloré quand c'est possible. Elle comporte sept (Kàlacakra), neuf, dix (Guhyagarbha) ou même onze phases selon le degré d'élaboration du rite et le tantra envisagé. Le support d'initiation est l'eau de l'aiguière consacrée contenant le corps de la déité et ceux des déités du mandala. Touché par l'aiguière (ou les aiguières successives) et buvant l'eau d'initiation, le disciple reçoit la bénédiction des cinq familles de bouddhas, et simultanément les obscurcissements du corps sont purifiés. Il reçoit l'autorisation de pratiquer la phase de développement de la déité (la visualisation) et peut ainsi développer la potentialité du nirmânakàya.
2/. La transmission de pouvoir secrète (sic guhyâbhiseka, tib. gsang-ba'i dbang) a pour support le corps du maître de vajra lui-même qui assume dans sa visualisation la forme de la déité d'où s'écoule un nectar de bodhicitta qui vient s'unir à l'ambroisie (sk amrta, tib. bdud-rtsi) contenue dans une coupe crânienne. En recevant l'ambroisie, le disciple obtient la bénédiction de la parole de la déité et ses obscurcissements verbaux sont purifiés, tandis qu'il fait l'expérience de la félicité. Il reçoit l'autorisation de réciter le mantra de la déité et gagne la capacité d'actualiser le sambhogakàya.
3/. La transmission de la sagesse-connaissance suprême (sk. prajMenâbhiseka, tib. shes-rab ye-shes-kyi dbang) a pour support la félicité de l'épouse mystique de la déité. Du cœur des déités en union jaillit une lumière qui touche le disciple, purifie les obscurcissements de son esprit et lui transmet la bénédiction de l'esprit de tous les bouddhas. Il en éprouve une expérience béatifique qu'il pourra ensuite développer dans le samàdhi de félicité/vacuité, réalisant ainsi la sagesse co-émergente. Il reçoit aussi l'autorisation de pratiquer la phase d'achèvement qui comprend la pratique du yoga de la Candalï avec une karmamudrà et gagne la capacité d'actualiser le dharmakâya.
4/. La transmission de pouvoir du mot (us. tshig-gi dbang) prend pour support la sagesse primordiale et consiste à montrer, à l'aide de symboles (cristal, miroir, etc.) expliqués en peu de mots, la nature ultime de l'esprit. Elle purifie l'ensemble des obscurcissements du corps, de la parole et de l'esprit combinés et confère l'expérience de la sagesse innée. Dans le système Nyingmapa, cette dernière transmission correspond au Dzogchen et consiste en une présentation de rigpa, l'état naturel.
p. 29 à 31
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Alors le Bienheureux prononça cette stance :
La réalité absolue où il n'est pas de distinctions,
A pour caractéristique une saveur unique, la même en toutes choses, ainsi que l'enseignent les Tathâgatas.
Penser qu'il s'y trouve des distinctions,
C'est sombrer dans l'orgueil.
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Subhûti, il en va comme de l'espace : au regard des formes variées dont les caractères sont bien distincts, il est dépourvu de signes, inconcevable et immuable. Il a pour caractéristique essentielle une saveur unique, la même en tout lieu. De même, Subhûti, sache qu'au regard des phénomènes pourvus de caractéristiques distinctives la réalité absolue a pour caractéristique cette saveur unique, la même en toutes choses.
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Ceux qui ne le réalisent pas et se complaisent dans l'erreur
renaîtront comme des moutons et des boeufs.
Ayant rejeté la parole des sages, longtemps encore
Ils tourneront dans le cercle des existences.
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XXIX
De même, Subhûti, quiconque prétend que le Tathâgata va, vient, se lève, s’assoit ou se couche, celui-là ne comprends pas le sens de mon enseignement. Pourquoi ? Parce que le terme "Tathâgata" signifie "Qui ne vient de nulle part et ne va nulle part", si bien qu'on l'appelle Tathâgata, Arhat, Bouddha authentiquement et parfaitement éveillé.
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XXI
Le Bienheureux demanda :
"Dis-moi, Subhuti, le Tathâgata pense-t-il qu'il a enseigné le Dharma ?
- Non, Bienheureux, il ne voit pas les choses ainsi car le Tathâgata n'a jamais enseigné aucun Dharma.
- Subhûti, poursuivit le Bienheureux, celui qui prétendrait que "le Tathâgata a enseigné le Dharma" parlerait faux : il me discréditerait en se fixant à tort sur ce qui n'est pas. Pourquoi cela ? Parce que, Subhûti, on dit bien "enseignement du Dharma", mais il n'est rien qui se puisse concevoir de réel dans l'expression "enseignement du Dharma".
Le vénérable Subhûti demanda alors :
"O Bienheureux, y aura-t-il dans l'avenir des êtres qui, écoutant l'exposé de cet enseignement, en concevront une grande foi ?"
Le Bienheureux répondit :
"Subhûti, ceux-là ne seront ni des êtres animés ni autre chose que des êtres animés. Pourquoi donc ? Parce que, Subhûti, de ceux qu'ont désigne comme des "êtres animés", le Tathâgata précise qu'ils ne sont pas réellement des êtres animés : "êtres animés" n'est qu'une désignation.
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Parvenant de la sorte à surmonter toute peur, tout orgueil et tout attachement égoïste, Naropa parvint à l'Eveil complet, reçut l'ensemble des instructions du Mahamudra puis s'installa à Phullahari, où il demeura en retraite.

Puis, sur l'injonction de Tilopa, il revint au monde et épousa la fille d'un roi, Jnanadipi ("Lampe de Sagesse"). (...)

Après de nombreuses pérégrinations, Naropa s'installa au monastère de Siromani, ou Tilopa prophétisa sa rencontre avec Marpa Lotsava, qui devint son disciple principal. Parmi ses autres disciples figurent Maitripa, Srisantibhadra (alias Kukuripa), Dombhipa, Santipa, le Népalais Tchitherwa, Prajnasimha et Akarasiddhi du Cachemire.
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Tilopa lui conféra la transmission à l'aide des douze symboles et lui fit traverser douze grandes épreuves ascétiques.
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Éprouvant une grande ouverture spirituelle, Naropa décida de quitter Nalanda en dépit des supplication des moines et se mit à la recherche de Tilopa.
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