Les nouveaux comportements des Français
Bernerd PIVOT et ses invités se livrent à une sorte de radiographie de la
société française des
années 80 : d'abord avec
Pierre DANINOS qui, dans son livre "La France dans tous ses états" décrit le
climat de "sériosité" qui a envahit l'hexagone. "Nous avons un vocabulaire extrêmement sérieux; exemple emprunté au présent plateau, on ne dit plus "oui" mais "absolument" ..."....
Le baiser est en amour ce qu'est le thermomètre en médecine. Sans lui, on ne se rendrait jamais exactement compte de la gravité de son état.
Vessies - Personne n'en a jamais vu qui ressemblent à des lanternes, mais tout le monde en parle.

Ici comme là, pourtant, même si l'on ignore tout d'Austerlitz ou de la Berezina, le nom de Napoléon vient aussitôt sur les lèvres. Un peu comme ces citoyens du Paraguay ou de Tasmanie qui, sans être jamais allés à Paris, récitent la tour Eiffel, Montmartre et les Folies-Bergère.
Le phénomène est analogue là même où Napoléon a laissé le plus mauvais souvenir.
Il y a des pays de l'Est où l'on dit encore à un enfant turbulent :
- Si tu n'es pas sage, Napoléon va venir!
Il en est d'autres (Portugal) où, dans certaines provinces, les mères menacent toujours leurs enfants récalcitrants d'appeler o Maneto (le Manchot), sobriquet d'un officier de Napoléon dont les atrocités ont fait un croquemitaine.
En Espagne, où l'on célèbre le 2 mai (date de l'insurrection nationale de 1808 contre Napoléon) comme nous la Libération, on peut encore lire dans les catéchismes de l'époque, rédigés sous la forme classique de questions et de réponses :
- Quel est l'ennemi de notre félicité?
- L'empereur des Français.
- Qui est cet homme?
- Le sujet de tous nos maux, la fin de tout bien, le détenteur de tous les vices. (...)
Regardez un Anglais manger. C'est à peine si vous voyez son bras remuer. On dirait qu'il ne mange pas (peut-on dire dire, d'ailleurs, qu'il mange ?) et que ses aliments sont portés au palais par l'Intelligence Service. Il y aurait un planisphère du geste à dresser. On verrait que le bras humain, immobile à Bornemouth commence à bouger à Calais, s'agite à Paris et tourne frénétiquement à Rome, où il devient l'hélice de la pensée.
Il faut cependant leur rendre cette justice : ce sont les champions de "l'Après vous, je n'en ferai rien."
Les Français, qui, on l'a vu, consacrent une partie appréciable de leur journée à la poignée de main, passent également un temps considérable à se prier réciproquement d'entrer dans leurs maisons. Les uns prient les autres d'entrer, les autres jurent qu'ils n'en feront rien. Les premiers disent : "Moi non plus." Et, de fil en aiguille, les Français ont passé (environ) trois siècles et demi depuis Charlemagne sur le pas de leurs portes. On est même étonné d'en trouver quelques-uns chez eux.
Pour me remettre au point en changeant de registre, j'ai écouté la radio. Franchement, il, est difficile de comprendre un pays où personne ne semble apte à s'entendre avec quiconque et où tout le monde dit : "D'accord !" Je perds plus encore mon équilibre de cavalier sous l'avalanche de vos paradoxes : "Ce qui est important dans ce livre, déclarait un expert à la radio, ce n'est pas ce qui y est, c'est ce qui n'y est pas."
Pour affirmer ensuite : "Seul l'impubliable mérite d'être publié."
Les Anglais ont des rites pour le thé et des habitudes pour l'amour. Les Français prennent pour l'amour les soins que nous réservons au thé.
S'il nous fallait résumer ce livre en quatre mots - quitte, en y parvenant, à prouver qu'il était inutile d'en écrire davantage - nous dirions qu'il s'agit de montrer "comment on apprend l'Histoire sur la Terre" (pour ne pas dire "je", on dit "nous", comme le pape).
Bruges tout entière a envahi ma chambre. Bruges me distille par fil sa mélancolie. J'étais embrumé. Je me sens embrugé.
J'ai grandi à l'ombre de grands arbres familiers : les principes...