Citations de Pierre Jean Jouve (163)
Il est remarquablement stupide d'avoir appelé “belle” une créature de cette espèce, aussi forte qu'une statue et dont l'âme répand une clarté perverse…
Les êtres qui ont parfaitement souffert l'un part l'autre, ils connaissent tant de façons d'être malheureux et tant de manières de revenir pour se retrouver, c'est indissoluble.
Il faut sauver ces larmes-là dans une région très élevée, supérieure!
Paulina, jeune fille, aimait surtout regarder dans les églises les supplices des Saints. « J’allais à l’Eglise pour les regarder souffrir. » Elle voyait les martyrs dans les vieilles fresques à la fois plus vraies, plus horribles que la vie, mais parfaitement tranquilles, apaisées et devenues belles, tandis que le soleil éclatant grisé de poussière à midi pesait de toute sa force sur le parvis de l’église pour essayer de franchir le velum sale tendu dans la grande porte et défendant le demi-jour de la maison de Dieu.
Avant, j’avais un amour - mettons que c’était une Ombre - et je l’aimais. J’avais une amie aussi, qui m’aimait. Mais je n’aime plus personne et personne ne m’aime plus.
La douleur… dont vous m’avez chargée… est un bloc. La douleur… est un bloc, dont vous m’avez chargée.
Alors l'amour est retombé en arrière, blessé, est revenu à son origine ou s'est caché ; et l'âme de l'amour, avec la mort dedans, partie pour se cacher bien loin, on l'a appelée Vagadu.
Mais tout ce qui a été vécu demeure.
Voilà justement l'idée qui m'inquiète en votre esprit. Ma chère Paulina. Vous qui avez répondu à un amour essentiellement fou, c'est à dire divin, par un amour de même nature, vous qui avez porté le défi au danger et à la douleur quand vous vous êtes donnée à moi, n'êtes vous pas entièrement au-delà de ce qu'on est convenu d'appeler la faute?
A midi arriva son amie Baladine Nikolaïevna, avec « un nuage de mélancolie », toujours séduisante.
Ce nuage même la rendait plus belle, en adoucissant son visage un peu tartare. Elle avait toujours parbleu, son splendide corps.
« L’étroite surveillance des Pandolfini la laissait absolument libre puisque nue devant la lune elle pouvait aller dans ses rêves comme elle voulait. » (p. 45 & 46)
« Les Pandolfini se décidèrent à prendre des mesures de surveillance exceptionnelles. […] Cette fille trop belle et surtout trop vivante était leur inquiétude. » (p. 37)
« Pauline jeune fille aimait surtout dans les églises les supplices des Saints. » (p. 29)
La mort va venir et elle nous endormira doucement, doucement, et nous deviendrons de l'herbe, des roses ou d'autres créations de l'amour. J'aime, je vis dan les replis secrets de l'amour et je suis toute pénétrée de sa beauté ; à la fin je cesserai d'aimer, et je mourrai, je dormirai. L'amour, la mort, il n'y a rien de plus, et sans doute : c'est la même chose. Si j'ai beaucoup aimé, je mourrai bien. Pourquoi me torturer.
Hé bien j'ai entrepris de me brûler de mes propres mains. Quand on est née comme moi d'une naissance affreuse, qu'on est faite de contraires, qu'on se déguise pour vivre, et qu'on joue le théâtre avec soi-même et qu'on est pleine de mouvements violents jusqu'à la sauvagerie, et de peurs, et de chagrins, quand on est sensible à crier (tout ce qui touche la peau fait mal) mais avec cela dans la continuelle position de défense, et quand on est entourée d'ombre, en somme, de noir, sans personne auprès de qui se consoler, sans ange gardien, quand on est professionnellement belle, quand on a un nom qui inspire le dégout et qui fi contraste avec vous-même qui inspire autre chose, quand on est actrice de cinéma et bonne à presque rien - on est Catherine Crachat.
J'ai été tout cela.
Les actes du poète aussi lourds et douteux
Que le flot de la mer, également légers inconstants comme le sable
Et déchirants comme la bise sur les rocs,
Ces actes ne sont pas nos biens mais ceux des anciennes mandores
O rives inaccessibles, pentes accores !
Ayez pitié des actes du mendiant et voyez la besace vide du priant
Ayez songe de sa douceur et de son intouchable ignorance (il n’aborde que le passant)
Ayez gloire de sa solitude où seul le sexe fait mémoire ;
Ecoutez la pointe de vent sur les rochers du funèbre, autour de cet inutile et près d’abysses sans histoire.
Seul, NU …
Seul, NU, en cœur, en vue …
UNE COLOMBE
Balancée sur la nue branche
Par le vent froid
Au soleil chaste
Après la mort
Avant la résurrection,
Voilà ce qui me reste d’espérance.
Au reste les misères physiques ne l'empêchent guère d'être un ami de la vie, bon vivant à ses heures, aimant les saines joies que donne le corps, sachant les goûter en bon Bourguignon. Il y a alliance de deux natures, qui en tout autre que lui se combattraient. L'une, sévère et mystique, semble bien lui venir de sa mère, qui offrait une admirable figure de spiritualité chrétienne ; l'autre, avec les solides vertus du sang gaulois, les jovialités du peuple de Bourgogne, a sans doute été mise en lui par son père. Ainsi je trouve jusque dans sa complexion physique l'harmonie, qui est, je pense, le premier et le dernier mot de sa grandeur propre.
Il parle peu. Car il sait voir. S'il parle, c'est pour enrichir le sentiment de la réalité avec un souvenir, une pensée, une réalité humaine plus haute. Anecdote personnelle, souvenir d'histoire, ou réflexion philosophique. J'ai souvent remarqué que sa pensée, dans la nature, atteint très vite et comme en se jouant à la sphère de la méditation métaphysique.
Romain Rolland est grand, maigre, assez voûté depuis l'accident qui faillit l'emporter en 1910. Toujours vêtu du même costume sombre au gilet montant, fermé sur la poitrine jusqu'au col droit, un vêtement d'élégance sévère qu'il a su marquer de son caractère personnel.