INTRODUCTION :
« Je ne quitterai plus ce journal. C'est ici qu'il faut que je m'agrippe, car ce n'est qu'ici que je le puis. » (Franz Kafka, in Journal intime, au 16 décembre 1910.)
« Franz Kafka (1883-1924) ne nous a laissé que des fragments ; ses romans le sont au même titre que ses aphorismes et ses journaux intimes. [
] Celui qui de son vivant ne vient pas à bout de la vie - écrit-il en octobre 1921 dans son journal - il a besoin de l'une de ses mains pour écarter un peu le désespoir que lui cause son destin - il n'y arrive que très imparfaitement - et de l'autre main il peut enregistrer ce qu'il aperçoit sous les décombres, car il voit autre chose et plus que les autres, il est donc mort de son vivant et il est essentiellement le survivant.
[
]
le journal de Kafka est tout d'abord le journal d'un malade qui désire la guérison. [
] il veut la santé pour le plein épanouissement des ressources qu'il devine en lui [
]. » (Pierre Klossowski, Préface.)
« [
] Ce ne sont pas la paresse, la mauvaise volonté, la maladresse
qui me font échouer ou pas même échouer en toutes choses : vie de famille, amitié, mariage, profession, littérature, mais c'est l'absence du sol, de l'air, de la Loi. Me créer ceux-ci, voilà ma tâche
tâche la plus originelle
[
] » (Pierre Klossowski, Introduction.)
« Franz Kafka au sanatorium
On brassait trop d'air autour de lui,
la chambre du sanatorium, la vaine imprécation
des potions, le vase aux fleurs pitoyables,
un désespoir insinué dans le jour déclinant.
Le médecin tomba soudain dans l'absurde
en s'acharnant mécaniquement sur sa poitrine
à l'affût d'un battement égaré, d'un signe dans le noir.
Alors il l'écarta avec une colère sourde,
la lutte obscure qui avait toujours dicté
des gestes si délicats pour abriter son exil.
Tous ceux qui l'aimaient étaient là,
allant et venant derrière la porte
ou se précipitant par vagues vers le visage lointain,
débitant des questions sans issue
du meilleur style juif.
Mais là se limitait le monde
à incarner les intenses syllogismes de ses textes
en même temps qu'il confirmait sa poésie
en un code fragmentaire et monotone de marionnettes.
Toute cette agitation, au nom de quoi,
sinon la rage de vivre toute honte bue ?
Beau comme un condamné, un mourant très spécial
aux abondantes preuves touchant le non-dit
et disparaissant, contre toute logique, dans un corps
tout petit. » (Joaquín O. Giannuzzi, in Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.)
CHAPITRES :
0:00 - Titre
Journal intime
0:06 - 1er extrait
0:59 - 2e extrait
2:32 - 3e extrait
3:14 - 4e extrait
Notes choisies dans d'autres journaux
3:55 - 1er extrait
5:24 - 2e extrait
Considérations sur le péché, la souffrance, l'espérance et la vraie voie
6:03 - 1er extrait
6:20 - 2e extrait
7:05 - 3e extrait
7:22 - 4e extrait
Méditations
7:39 - 1er extrait
8:07 - 2e extrait
8:32 - 3e extrait
9:25 - 4e extrait
10:29 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Franz Kafka, Journal intime, suivi de Esquisse d'une autobiographie, Considérations sur le péché, Méditations, traduction par Pierre Klossowski, Paris, Grasset, 1945.
IMAGE D'ILLUSTRATION :
https://www.nytimes.com/2018/10/24/books/review/benjamin-balint-kafkas-last-trial.html
BANDE SONORE ORIGINALE : Hinterheim - i look into the distance
i look into the distance by Hinterheim is licensed under an Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.
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Les dieux ont enseigné aux hommes à se contempler eux-mêmes dans le spectacle comme les dieux se contemplent eux-mêmes dans l'imagination des hommes.
Recherchant son intention dans l'oubli d'elle-même, sa conscience ne discernait plus dans son propos le vain prétexte du vrai motif : tout de même que sa perception s'était confondue avec sa vacuité emplie de l'objet perçu, le prétexte s'était confondu avec le motif ; car venu dans la chapelle maudite pour cacher au Roi tout vestige de crime, ce n'était pas ce souci qui l'avait fait songer à inspecter ce sanctuaire.
incipit :
Le nom de Nietzsche semble irrémédiablement associé à la notion de volonté de puissance ; pas même à la notion de volonté, mais à la puissance pure et simple.L'interprétation la plus courante est d'y voir une sorte de commentaire métaphysique du fait accompli, une morale du coup de force ; et bientôt tout y passe : les laboratoires aux inavouables expériences, la suppression des dégénérés, des aliénés et des vieillards, les fours crématoires, les gangsters autant que les bombardements atomiques, tout et tous peuvent se réclamer du père de l'immoralisme moderne ; le superman standard, qu'il soit capitaine d'industrie, explorateur, grand cardiologue, chimiste, ingénieur, bienfaiteur de l'humanité, passe pour le produit du professeur de l'"énergie vitale". "Qui dont est Nietzsche ?" demande l'innocent, et le Larousse répond : "Ses aphorismes ont eu une grande influence sur les théoriciens du racisme germanique." En vain, semble-t-il, en vain le 377° aphorisme de la Gaya Scienza clame d'une voix lointaine, si lointaine : "Nous autres sans-patrie, nous sommes, quant à la race et à l'origine, trop nuancés, trop mélangés, en tant qu'hommes modernes, et par conséquent trop peu tentés de prendre part à cette débauche et à ce mensonge de l'idolâtrie raciale, qui aujourd'hui s'exhibe en Allemagne en tant que signe distinctif des vertus allemandes et qui, chez le peuple du "sens historique", donne doublement l'impression de la fausseté et de l'inconvenance."
A ces mots, Roberte ne sait si c’est de honte qu’elle frémit parce que la sentence vient s’exécuter, énorme et bouillante, entre ses fesses, ou si c’est de plaisir qu’elle transpire, parce que cette sentence force largement son vacuum ; mais tandis que le sedcontra pénètre l’inspectrice au point de confondre en elle la raideur de l’acquittement et l’élasticité de la peine, Roberte n’a pu prévenir le geste du gantelet qui sur le quidest de l’inspectrice, en monstrueuse érection, enfile l’anneau qu’il vient d’arracher à son doigt ; dans le même temps le sedcontra se retire du vacuum, par où Roberte lâche trois pets.
Le colosse :
« Au reste, si la chair n’est qu’un leurre, la parole n’est que du vent ; elle est donc de l’esprit. »
- Frère Philippe, debout ! Montre-nous où s’est caché ta tête ! Allons cherche !
Le Roi décapité s’éloigne de la table, se retourne et les bras tendus, reprend sa marche hésitante vers le milieu de la salle. Mais comme il s’apprête à tourner le dos au personnage voilé, les Juifs s’avisent de le soutenir et le veulent guider : artisans et marchands là-contre hurlent de plus belle, que toutefois fascine la majesté acéphale qu’ils n’osent approcher.
Nulle satisfaction morale ici, qui ne saurait seulement être requise. Une violence d’un autre ordre naît dans notre condition : elle s’exerce par une totale indifférence. Elle est cette indifférence même : et ne laissant point de trace c’est la pire des violences ! Contre elle il me faut lutter, mes frères, jusqu’à la résurrection des corps.
« - En vérité, je te le dis : quiconque nourrit son oubli de mon lait virginal reçoit l’innocence ; qui s’en est nourri a soif aussitôt de la semence de mon phalle ; mais qui a bu de ma semence, ne songe même plus à m’invoquer ; car il ne craint plus de passer dans les milliers de modifications qui jamais n’épuiseront l’Être.
- O Baphomet ! J’ai faim, j’ai soif de ton lait, de ta semence, ne me laisse pas languir tel le cerf altéré ! »
Toute identité ne repose que sur le savoir d’un pensant en dehors de nous-même – si tant est qu’il y ait un dehors et un dedans – un pensant qui consente du dehors à nous penser en tant que tel. Si c’est Dieu au-dedans comme au-dehors, au sens de la cohérence absolue, notre identité est pure grâce ; si c’est le monde ambiant, où tout commence et finit par la désignation, notre identité n’est que pure plaisanterie grammaticale.
Depuis le milieu du siècle dernier, les anathèmes ont été lancés au nom de la vie affective contre les ravages de la civilisation industrielle.
Imputer aux moyens de production de l'industrie une action pernicieuse sur les affects, c'est, sous prétexte de dénoncer son emprise démoralisante, lui reconnaître une puissance morale considérable. D'où lui vient cette puissance ?
Du seul fait que l'acte même de fabriquer des objets remet en question sa finalité propre : en quoi donc l'usage des objets ustensilaires diffère-t-il de l'usage de ceux que produit l'art, «inutiles» à la subsistance ?
Nul ne songerait à confondre un ustensile avec un simulacre. A moins que ce ne soit qu'en tant que simulacre qu'un objet en est un d'usage nécessaire.
Valentine de Saint-Vit, dame de Palençay, dont les terres avoisinaient celles de la Commanderie du Temple, jetait depuis longtemps un œil de convoitise sur ce domaine prospère.Son grand-oncle paternel Jean, accomplissant un vœu au retour de la dernière croisade, avait fait don des deux tiers de ses terres à l’Ordre du Temple, ce d’autant plus aisément qu’il n’avait point de descendant direct. Comme les clauses de sa donation chargeaient les Frères chevaliers d’assurer la défense du manoir de Saint-Vit, légué à ses nièces, et pour lors dit de Palençay, depuis plus d’un siècle que les Templiers occupaient le fief dominant, cultivé, agrandi, fortifié de leurs mains, toutes les terres attenantes au manoir voisin étaient passées sous la juridiction du Commandeur. Or, le sire de Palençay — pas plus que son beau-père — ne s’étant point soucié de contester ce droit au nom du sien pour n’avoir jamais résidé dans ce domaine dotal —, quand, après la mort de son époux, elle-même y revint, Madame de Palençay s’impatienta comme d’une servitude de cette protection, à ses yeux abusive, que le Temple étendait sur ses terres.