Citations de Pierre Mac Orlan (173)
Il estimait peu la vie des autres et la sienne. Mais il respectait le sommeil, la faim et la soif qui rendent l'homme aussi simple, aussi violent et aussi pur qu'un animal quelconque.
Mais la sottise des hommes est toujours parée d'un je ne sais quoi de subtil qui réjouit le cœur et s'en va grossir le dépôt sacré des traditions du régiment et du corps.
Cette civilisation sportive, qui prit naissance à l'époque où Lautrec en éliminait adroitement les éléments vulgaires, me paraît assez dangereuse. Toutes les époques où l'équilibre de l'intelligence sociale a été rompu au profit des jeux du cirque ont été, non seulement des époques de décadence, ce qui donne une certaine liberté de penser, mais des époques vouées à des catastrophes variées. L'Empire romain ne fut pas sauvé par ses lutteurs chéris ; cependant Pétrone, bourgeois intelligent, valait moins pour son temps qu'un affranchi quelconque, champion de sa catégorie et naturellement admiré des belles patriciennes et de leurs époux.
Chacun des portraits qu'il peignit équivaut, tout au moins, à la valeur matérielle d'une nouvelle de cent cinquante pages.
Et Lucas chanta :
-- Dans cette bouteille encore pleine,
Peinent et gémissent les âmes
D'Angela de Cordoue et de Pilar l'Aragonaise
Et celle d'Aïscha la Mauresque.
J'ai bu le mélange pour libérer mon cœur.
Et maintenant, ces charognes d'enfer
Se battent dans mon estomac.
On dit que l'argent n'a pas d'odeur. le pétrole est là pour le démentir.
Un homme quel qu’il soit, ayant toujours suivi l’impulsion de ses instincts, ne peut connaître les remords. Le cannibale ne peut concevoir un doute sur le régime alimentaire qu’il a suivi toute son existence.
Fernando Lucas s’émerveillait de constater que cette longue année d’aventures violentes et sentimentales laissait peu de traces dans sa mémoire.
Les camions s'arrêtèrent au milieu d'un nuage de poussière. Quand celle-ci fut un peu dissipée, on aperçut leur longue file annelée. Guettés sévèrement par les innombrables yeux secrets d'un paysage nu et invraisemblable, ils ressemblaient à une tribu de pachydermes bonasses, couleur du sol, couleur de cette poussière irritante qui donnait à la nature une teinte unique.
Z
Cette lettre foudroyante
De l'alphabet montre la queue.
Souliers à pointes d'Atalante
Sur les piste du Bas-Meudon.
X
Damien est couché en croix sur son lit Louis XV.
Il chante sans remuer, jour et nuit.
À sa porte, le soldat des Gardes-Françaises
Supplie le ciel pour qu'il se taise…qu'il se taise.
T
Jésus en croix à côté du larron.
Et voici l'ami du larron
Qui pleure son copain décédé
Devant les Saintes Femmes qui l'agacent.
S
Le serpent dans son bazar
De poisons se fait le marchand.
Il collectionne en s'endormant.
Les comparaisons les plus rares.
H
Les maisons à cinquante étages
Vibrent comme un accordéon :
Cent vingt basses à la main gauche
Et, dans l'ascenceur, la chanson.
I
Extrait 2
La soupe est cuite, ô la Manouche !
Et le hérisson sent le thym
Vive Marie Salomé !
Vive Marie Jacobi !
Le Niglo fume dans l'écuelle.
Vice Marie-Madeleine, Marie-Marjolaine !
Et je cogne sur les volets
D'une roulotte de Rabouine
Je viens pour la bonne ferte
Et je me fous bien des gadjos.
Entends-tu mon gag qui hennit ?
On se mariera, vagabonde
Et nous ferons le tour du monde
En sautant les buissons fleuris
Avant de rompre le pain bis
Dans la verdine de ton père
Au petit jour de la chanson.
Écrire pour gagner sa vie, c'est bien le plus dur des métiers, sans excepter celui de laboureur. Écrire afin de libérer son âme, c'est tout autre chose. On éprouve dans le travail l'enthousiasme fébrile de celui qui sauve sa vie. Pomper de l'eau pour épuiser l'eau qui s'engouffre dans le navire en perdition peut se comparer au travail littéraire quand la vie de l'écrivain est en jeu, c'est-à-dire quand il sent que la société va se refermer sur sa tête ses griffes inexorables.
On écrit avec la joie de l'aéronaute qui jette du lest et reprend sa liberté après avoir contemplé, d'un oeil de professionnel exercé, un point d'atterissage nettement mortel.
Francess, et sa charmante figure fripée comme une nippe par l'étuve des prisons ou des hôpitaux, n'était cependant pas désinfectée. Il rayonnait d'elle une lueur véritable par quoi elle dorait la vie médiocre que nous avions adoptée. Cent poètes de classe dangereuse qui s'ignoraient avaient peut-être contribué à créer Francess qui n'était pas seulement une femme bonne conductrice de l'aventure, mais un aspect clandestin de notre âme de nuit.
Un homme, quel qu'il soit, ayant toujours suivi l'impulsion de ses instincts ne peut connaître les remords.
L'érotisme n'est pas dans les mots, mais dans l'atmosphère du roman, qualité indéfinissable, qui, à elle seule, donne au livre une valeur d'art.
L'heure du crime n'a aucune importance dans un roman d'aventures. Ce détail ne peut intéresser que les maniaques de l'horlogerie.