Citations de Raluca Antonescu (14)
Maintenant, dans ma vie, j'ai deux fauteuils. Ma vie sociale s'est rétrécie au point de tenir en équilibre dans ces deux espaces minuscules. Lorsque je me laisse choir dans le fauteuil d'Ada, autour de moi, ça grogne, ça feule, ça bave, ça lèche, ça renifle, ça pue. Je m'en extrais avec des traces de terre, de mucus et un nombre inimaginable de poils collés à mes habits. Le fauteuil dans le jardin de mon beau-père grince lorsque je bouge. Ce qui m'oblige à rester le plus immobile possible, le grincement étant come un rappel de mouvements inutiles. François s'affaire autour de moi. Un tourbillon qui coupe, arrache, cisaille, creuse, tasse, enfonce, redresse, attache. Et moi, à part vaguement observer ses gestes, je ne fais rien. Je suis comme une de ses plantes, une vie immobile qui se laisse agiter par les éléments extérieurs.
L'ennui est un état très confortable.
(page 167)
"Le secret, le voilà: le faire c'est bien. Le faire savoir, c'est mieux. Si tu piges ça, tu piges tout ma belle."
Lorsqu'il s'agit de ton enfant, ce n'est pas que tu acceptes de faire des concessions, il n'y a pas de concessions, simplement. Tu peux trahir ton âme, tes valeurs, le monde en entier. Tu es prêtes à tout pour protéger ton enfant. C'est ainsi.
Moi aussi je rêve d'une vie extraordinaire, comme tout le monde.
-Tu ne plantes pas seulement pour toi ou pour moi. Tu plantes pour les suivants et ceux d'après encore. Alors vas-y,il y a bien du travail.
-C'est qui Eveline ? demanda Catherine
-Eveline est d'une beauté exubérante. D'un pourpre sombre, elle est veinée de bleu clair et rehaussée de pistils orange. C'est une fleur avec beaucoup de contraste. Elle est aussi très grande avec des sépales ondulés et veloutés.
-Je croyais que tu parlais d'une vraie personne, fit Catherine
-Mais c'est le cas. (p209)
Comme si le gouffre, enfin, se repliait sur lui-même, emportant encore plus profondément dans sa panse malsaine les erreurs du passé. Alors les eux se détournent, soulagés, débarrassés d'une honte si ancienne qu'elle ne les concerne plus. (p248)
Quelque chose qui se nourrissait de tant d'éléments disparates, qu'elle ne put les démêler tous distinctement. Elle pensa à une inflorescence, un petit élément indissociable d'un tout, et nécessaire à l'enchevêtrement de l'ensemble. (p107)
Les odeurs véhiculent une charge émotionnelle très forte. L'odorat est le sens le plus puissant en matière de souvenir.
Aline avait vieilli depuis la dernière fois. Cela lui apparut de façon frappante, et elle en ressentit une pointe de joie mauvaise. Sa soeur aussi vieillissait...Pourquoi fallait-il toujours qu'elle la croie au-dessus de tout ?
Il enlève son casque et ses gants. Et maintenant quoi ?
Bien sûr qu'il en peut pas se souvenir de l'endroit. Il n'y a rien qui ressemble plus à un bout d'autoroute qu'un autre bout d'autoroute. Il s'attendait à quoi ? A des marques dans le bitume ? Des traces de pneus...
Quinze ans qu'ils sont morts et voilà ce qu'il reste : rien. Et il s'en fout. Les morts sont morts. Fin de l'histoire.
"Vous êtes un modèle d'intégration parfaitement réussie" lui avait- on dit. En ressentait-elle de la fierté ? Certainement. Mais elle n'était pas stupide, elle savait reconnaître une admiration feinte, une autre façon de lui dire "tu n'es pas d'ici".
Le mot "juste" est un mot qu'elle emploie copieusement, il tourne sur sa langue avec délice...Jamais elle ne le dit à la légère, elle respecte ce mot plus que nul autre et elle ne l'étalerait pas sans qu'il soit parfaitement approprié. Ses nombreuses années de militantisme l'ont confrontée à des désillusions, des erreurs, des aveuglements et tant de luttes de pouvoir. Mais toutes ces années lui ont aussi appris qu'il était nécessaire, encore et toujours, de se révolter. Et la conscience de cette nécessité était nichée profondément dans son histoire.
"Didi..." commença-t-il enfin, utilisant son surnom de petite fille. Mais la douceur de sa voix ne la rassura pas. Cette douceur était une entourloupe, un serpent qui s'enroulait lentement autour de son cou. D'un coup, elle eut très peur, comme si elle savait déjà que ce qu'il allait lui demander serait impossible...
Elle se mit à pleurer...
Vous allez fuir, toi et Alina. C'est une chance inespérée...
- Si tu reviens, je te tue de mes propres mains, dit-il dans un souffle...