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Citations de Reif Larsen (154)


C’est une tâche ardue que de déchiffrer les expressions de mon père. J’avais essayé (sans succès) de dresser une carte de son visage qui capturât avec précision tout ce qui s’y jouait. Il avait les sourcils en pétard, un peu trop longs et broussailleux pour des sourcils, mais semblables, quand on les regardait de près, à autant d’arbres miniatures dressés par le vent sur son front, comme les témoins d’une longue chevauchée au galop dans les collines. Sa moustache poivre et sel était nette et fringante, mais ni assez nette ni assez fringante pour qu’on risque de la confondre avec celle d’un mirliflore ou d’un péquenaud : elle lui donnait à la fois l’air émerveillé et confiant de celui qui se tourne vers l’horizon infini de la prairie au crépuscule. Son menton était marqué d’une cicatrice de la taille et de la forme d’un trombone déplié , petit v de peau blanche juste assez visible pour attester de son indéfectible résistance, mais qui suggérait aussi que, malgré la fermeté avec laquelle sa main tenait le pommeau de sa selle, il était conscient de ses faiblesses : de celle de son auriculaire droit, par exemple, qu’il avait fracturé un jour en plantant un piquet de clôture. L’ensemble de cette physionomie était maintenu en place par un réseau de fines ridules qui bordaient son visage depuis ses yeux jusqu’au bas de ses joues, attirant moins l’attention sur son âge que sur son souci du travail bien fait et sur l’existence de cette barrière qu’il avait passé sa vie à ouvrir et à refermer. Tout cela, on le percevait en un instant lorsqu’on voyait mon père en chair et en os, et je craignais, sans doute à juste titre, qu’un dessin ne sût pas le rendre.
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"La police avait fermé toute la zone du Capitole. L'énorme dôme recevait un éclairage spectaculaire ; on aurait cru un vaisseau spatial dans un film, et je me suis demandé s'il serait difficile de le transformer pour qu'il puisse vraiment s'envoler dans l'espace en cas de guerre."
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"Quand on dessinait une carte de quelque chose, ce quelque chose devenait vrai, du moins dans le monde de la carte. Mais n'était-il pas évident que le monde de la carte n'était jamais le vrai monde ? Rien de ce qui était vrai sur une carte ne pouvait donc être vrai de vrai. Mon métier était donc voué à l'échec. Je crois que je le savais, et que c'était justement ce qui m'attirait dans ce métier. Tout au fond de mon coeur, j'éprouvais un certain réconfort à l'idée que je ne pouvais pas réussir."
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"Il saignait, et il avait la tête tournée, mais je sentais que ce n'était plus mon frère. Ce n'était plus personne. Je me rendais compte rien qu'au bruit de ma respiration que nous avions été deux et que maintenant j'étais tout seul."
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"Quand je suis descendu dîner, Gracie m'a hurlé dessus en me disant que je ressemblais à un malade mental échappé d'un asile. Sur cette nouvelle confirmation de ma place en ce monde, j'ai rangé le treillis dans mon placard et ne l'en ai jamais ressorti."
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"Ce lieu mélancolique, corseté par l'homme, et qui portait les marques de son audace délétère, (…). Au début, j'avais cligné des yeux, croyant me trouver devant une vision qu'un simple battement de paupières pouvait suffire à dissiper. Puis une solitude mêlée de fatalisme s'était insinuée en moi : la réalité insistante de ce gouffre, de ce canal, et de l'eau telle qu'elle se présentait au regard, non point mer imaginaire mais eau véritable capable de me submerger, de m'envelopper, de me noyer -la réalité de cette eau invraisemblable me mettait face aux choix sur lesquels était bâtie ma civilisation, et me forçait à les accepter comme les miens."
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"(…), ces souvenirs étaient réels, ils n'étaient pas le fruit de mon imagination. Et pourtant, je restais partagé face à eux, je ne savais qu'en faire : j'avais en même temps envie de les rejeter pour me concentrer exclusivement sur mon présent, et envie de m'y plonger tout entier en oubliant ce que je vivais."
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"Où passait donc toute cette curiosité ? Plus tard, Emma songerait que, peut-être, elle s'évaporait, s'échappait par la fenêtre entrouverte, flottait vers les arbres, vers les champs, et se déposait dans l'herbe comme un voile de rosée."
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"Le menton sur la table, les paupières lourdes, j'ai plaqué ma paume sur les dés et je les ai fait tourner, en écoutant le frottement de leurs surfaces polies contre le bois. Les lettres bleu vif étaient étonnamment nettes, elles ne doutaient de rien et surtout pas de leur existence, elles n'avaient pas l'air de savoir qu'elles étaient cernées de concurrentes. Chaque fois que je retournais un dé, une nouvelle lettre apparaissait et enveloppait mon monde, effaçant la précédente."
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"C'est à l'automne que le cycle des saisons se révèle à nous avec le plus d'évidence, dit M. Englethorpe. On sent presque la terre s'incliner, détourner légèrement sa face des rayons du soleil, et les arbres, percevant ce glissement, initient à leur tour un procédé chimique extraordinaire, qui demeure par certains aspects une énigme pour la science moderne. Mon jour favori, chaque année, est celui de l'équinoxe d'automne, quand tout est suspendu dans une transition parfaite, comme si l'on avait jeté une balle en l'air (…) et qu'elle se fût immobilisée au sommet exact de sa course; Et comme, bien sûr, la balle de la nature se meut bien plus lentement que celle que nous lançons de notre main, elle nous offre, non pas un instant, mais toute une journée de magie !"
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"Je pense que les enfants ont tendance à imaginer des liens fantaisistes comme celui-là et que, devant l'étendue du savoir à acquérir, ils se préoccupent moins de détails obscurs que de dresser une carte du monde qui ait un sens."
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"J'ai tenté d'empoigner mon appareil assez vite pour photographier la pancarte, mais, comme c'est si souvent le cas, l'image avait disparu avant que je puisse la saisir. Je craignais que mon album ne contienne que des photos prises un instant trop tard. Combien de clichés, dans le monde, sont en fait des clichés de l'instant d'après, et non de l'instant qui poussa le photographe à appuyer sur le déclencheur ? Combien de clichés ne capturent que le vestige, la réaction, le rire, les vagues ?"
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"Sans savoir pourquoi, je me suis mis à pleurer. Je me suis assis sur le canapé jaune canari de ce motor-home sans âme porté par un train de marchandises et j'ai versé mes larmes. Ce n'étaient pas des sanglots, pas des trucs de filles comme ça, juste le lent écoulement de quelque chose de petit et de triste qui était demeuré enfermé dans ma cage thoracique, prisonnier de mes organes spongieux. Je me suis assis et c'est sorti, comme quand on ouvre une fenêtre pour laisser échapper l'air fétide accumulé dans une pièce trop longtemps fermée."
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"Une goutte de sueur a coulé au milieu de mon front le long de mon nez et s'est immobilisée au bout, comme une coccinelle qui hésite à s'envoler. Je pouvais la voir si je louchais, et j'étais dans un tel état d'affolement, tout gonflé d'adrénaline, que je me suis imaginé que si cette goutte tombait, le cogne géant entendrait son "kerplink" et saurait aussitôt où je me trouvais."
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"Cependant, tandis que Lewis et Clarck pouvaient aller où ils voulaient, choisir n'importe quel chemin pour rejoindre, au-delà du divide, l'Océan Pacifique, j'étais pour ma part lié à ces rails, je n'avais pas le choix de mon itinéraire : je suivais une route déjà tracée. Mais peut-être, au fond, me raccrochais-je à cette idée de prédétermination pour me rassurer : peut-être ma route n'était-elle pas tracée et m'étais-je lancé dans une expédition tout aussi hasardeuse que celle des premiers explorateurs, deux cents ans plus tôt."
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"Dehors, il régnait cette clarté particulière d'avant l'aube, quand l'énergie du vivant ne s'est pas encore emparée de la nouvelle journée. L'air n'était pas inondé de conversations, de bulles de pensées, de rires, de regards obliques. Tout le monde dormait ; les idées de chacun, ses espoirs, ses intentions secrètes étaient prises dans le monde des rêves et laissaient ce monde-ci libre, aussi pur, pâle et froid qu'une bouteille de lait au réfrigérateur."
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"J'ai soudain pris conscience de l'étrange danse de survie que nous étions en train d'exécuter, Tupu, le serpent et moi, réunis dans ce ballet triangulaire par les fils croisés du destin . Comment chacun de nous vivait-il ces secondes ? Avions-nous tous trois conscience, au-delà des rôles qui nous étaient assignés -peur, prédation, défense du territoire-, de notre extrême vulnérabilité ?"
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"Au cours des jours étranges qui ont suivi sa mort -avec l'église, la maison vide, la porte de sa chambre qui restait toujours entrouverte- je n'arrêtais pas de penser à cette fresque inachevée : je regrettais que nous n'ayons pas pris un autre après-midi pour la terminer. Cinquante autres après-midi. Ça m'aurait été égal que Layton ne m'aide pas. Si au moins il avait pu s'asseoir à côté de moi et me regarder peindre, ou même dormir. Ça m'aurait suffi."
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"Nous nous faisions face, M. Stenpock et moi, dans la classe, et au lieu du flot d'eau rouge j'ai senti surgir en moi l'un de ces rares éclairs de conscience qui détruisent, peu à peu, les liens fibreux qui nous rattachent à l'enfance. M. Stenpock avions beau, comme tous les hommes, nous sentir invincibles, notre vie ne tenait qu'à un fil : une légère baisse de la température de nos corps, un minuscule changement dans la composition chimique de l'air de la classe, une altération infime des propriétés de l'eau contenue dans nos tissus, la douce pression d'un doigt sur une détente, n'importe lequel de ces évènements pouvait moucher en un instant la flamme de notre conscience, sans roulement de tambour et avec bien moins d'efforts qu'il n'en avait fallu pour l'allumer. Peut-être que quelque part au fond de lui-même, bien que ses gestes et son verbiage arrogant semblassent indiquer le contraire, M. Stenpock avait tout à fait conscience de la fragilité de son existence, et s'enveloppait dans son blouson de cuir comme dans un cocon rassurant qui, espérait-il sans doute, dissimulait la rupture, la désintégration et le recyclage inéluctables de son architecture cellulaire."
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"Le Dr Clair avait levé les yeux.
"Qu'est-ce que c'est toutes ces questions sur le sida, Layton ?
- Je ne sais pas, avait répondu Layton. C'est juste que je veux pas l'attraper
. Angela Ashworth a dit que c'était très dangereux et que je l'avais sûrement."
Le Dr Clair a regardé Layton. Elle tenait au creux de sa main ses pièces d'awalé.
"La prochaine fois qu'Angela Ashworth te dit quelque chose comme ça, réponds-lui que ce n'est pas parce que sa condition de petite fille dans une société qui fait peser sur ses semblables une pression démesurée afin qu'elles se conforment à certains critères physiques, émotionnels et idéologiques - pour la plupart injustifiés, malsains et tenaces- lui ôte toute confiance en elle qu'elle doit reporter sa haine injustifiée d'elle-même sur un gentil garçon comme toi. Tu fais peut-être intrinsèquement partie du problème, mais ça ne veut pas dire que tu n'es pas un gentil garçon avec de bonnes manières, et ça ne veut absolument pas dire que tu as le sida.
- Je suis pas sûr de pouvoir tout me rappeler, avait répondu Layton.
- Alors, dis à Angela que sa mère est une grosse plouc alcoolique de Butte.
- OK", avait dit Layton."
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