Citations de Richard Hoskins (11)
Je suis bien obligé de me rappeler que le monde dans lequel je travaille n'est pas défini par la race, la culture, l'âge ou le genre. On a beau tenter de mettre sur le compte de la tradition, d'une responsabilité atténuée ou de la folie les actes atroces commis au nom de pratiques rituelles et d'un fondamentalisme absurde pour tenter de soustraire leurs auteurs à la loi, ce n'en sont pas moins des crimes contre les autres. Il est inutile de chercher à se rassurer en essayant de croire que ces horreurs sont le propre de contrées lointaines, d'un horizon qui n'est pas le nôtre. Tout cela est en germe dans le monde dans lequel nous vivons, et en chacun de nous.
Au matin de l'ouverture du procès, le ciel était couvert et bruineux. Pour me rendre au tribunal, j'ai choisi d'emprunter le pont, afin d'éviter les journalistes. Levant les yeux vers le dôme de l'édifice, j'ai aperçu la silhouette dorée de la Justice, son glaive dans la main droite tendue vers le ciel, la balance dans la main gauche. Au fronton de l'entrée figurait l'inscription suivante: Défendre les enfants des pauvres et punir les malfaiteurs.
Ce livre retrace l'histoire d'une enquête sur laquelle j'ai travaillé pendant plus de dix ans et évoque d'autres affaires qui se sont déroulées parallèlement. Pendant ce temps, j'ai dû affronter ma propre tragédie africaine.
La pluie tombe plus fort à présent. Je serre un peu plus ma veste sur mon torse en repensant au visage innocent et souriant de cet enfant victime d'un sacrifice inimaginable, ici, au cœur de notre capitale.
Quelques secondes après notre atterrissage, des enfants sont sortis des herbes hautes pour nous souhaiter la bienvenue avec des cris et des rires.
Mais si leurs sourires étaient radieux, leurs vêtements étaient déchirés et crasseux, leurs ventres gonflés par leur malnutrition, leur peau couverte de lésions et de taches de dépigmentation; la plupart d'entre eux étaient pieds nus.
Comme une mer noircie de sang: partout on noie les saints élans de l'innocence.
Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires se gonflent de l'ardeur des passions mauvaises (...)
W.B Yeats, 'La Seconde Venue'
— Cela fait trois jours qu’elle n’a rien bu ni mangé. Elle est atteinte de kindoki. Nous la préparons afin de la délivrer de ce mauvais sort.
C’en était trop pour Ronke. Elle a explosé. Elle lui a servi en anglais une de ces tirades dont les Africains ont le secret, l’accusant de maltraitances. Pendant qu’elle parlait, j’ai vu un autre homme s’approcher. Il portait un costume bleu clair en tissu moiré visiblement taillé sur mesure. Sa monture de lunettes, ses bracelets et sa montre semblaient en or véritable. J’ai jeté un œil à ses chaussures : c’était de la peau de crocodile de la meilleure qualité.
Le pasteur venait d’arriver.
Sa nonchalance affichée était insupportable. Une petite fille hagarde qui n’avait rien bu ni mangé depuis trois jours était assise sur un banc, à quelques centimètres de nous, et cet homme qui se présentait comme le représentant du Christ sur terre nous a expliqué le plus naturellement du monde que, à cause du terrible kindoki qui l’habitait, elle devait jeûner afin d’être prête pour la délivrance.
Je frissonnais à l’idée de ce qui pouvait bien se cacher derrière ce mot. Nous devions faire quelque chose.
La police n’a pas lésiné sur les moyens pour mener cette enquête qui a duré dix ans. Les gens qui avaient emmené Ikpomwosa en Grande-Bretagne, comme des dizaines d’autres enfants, ont été mis sous les verrous, mais aucun n’a été jugé responsable de son meurtre. Sa mort me hante encore, et je sais que je ne suis pas le seul.
J`ai expliqué a la cour comment les chrétiens fondamentalistes avaient récupéré ces croyances ancestrales pour créer un monstre. Dans l`esprit de ces pasteurs et de leurs fideles, le kindoki n`était plus une force extérieure que les ngangas pouvaient controler, comme ils le faisaient depuis des milliers d`années. Pour eux, le kindoki était un pouvoir intérieur qui possédait les gens, en particulier les enfants, et dont seul un exorcisme était a meme de les libérer. [...] J`ai également souligné que les pasteurs se basaient sur une interprétation libérale de la Bible pour affamer les enfants prétendument possédés.
La police francaise avait refusé de donner suite a des accusations parmi lesquelles figuraient le viol sur mineurs, la séquestration, le trafic d`etres humains et l`esclavage sexuel. Partout en France, dans les communautés migrantes, il semblait courant de confier a des jeunes filles de douze ou treize ans la responsabilité de toutes les taches domestiques quand leur mere était enceinte. Ce qui pouvait inclure différentes formes de services sexuels. Étonnamment, les services sociaux francais ont assuré n`avoir jamais entendu parler de sorcellerie et ont dit ignorer de quoi il s`agissait. Ni la police ni les services de Newham n`ont pu les convaincre d`essayer d`enqueter en ce sens. De toute évidence, la communauté congolaise ne les intéressait pas.
Je ne pensais pas que l`Europe traversait une simple phase de fondamentalisme religieux. Quelque chose de bien plus grave pointait sous l`ignorance grotesque et la superficialité d`un continent qui se voulait multiculturel. On s`y livrait au trafic de mineurs, on se servait des enfants pour frauder les aides sociales, on les vendait comme esclaves sexuels, on les soumettait a des maltraitances physiques et morales. Des frontieres nationales poreuses, des Églises éclatées, des liens familiaux brisés et un manque fondamental de compréhension et de communication au sein des autorités compétentes avaient généré une litanie d`horreurs.