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Critiques de Robert Merle (1113)
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Week-end à Zuydcoote

Comme son nom l'indique, ce roman de Robert Merle nous emmène pour un week-end à Zuydcoote... Mais pas n'importe quand, ni avec n'importe qui !



Robert Merle nous plonge en pleine débâcle militaire. Seconde guerre mondiale, les Allemands arrivent, les troupes sont évacuées par bateau. Les anglaises, du moins, car ni à Dunkerque, ni à Bray-Dunes on n'embarque les français, qui n'ont plus qu'à attendre patiemment de se retrouver prisonniers de guerre.



Au cours de ce long et pénible week-end, (enfin, long pour les protagonistes, pas pour les lecteurs, vu que le roman fait moins de 250 pages !), Robert Merle nous fait partager le quotidien de Julien Maillat, soldat français, dans ses pérégrinations, ses rencontres, et ses échanges avec ses frères d'armes, ses amis, à la popote : Alexandre, Dhéry, Pierson, le curé, et puis aussi Pinot, qui se joindra à eux quelques heures après avoir croisé Julien dans un garage... Deux jours intenses pour Julien Maillat et ses comparses.



Honnêtement, j'ai bien accroché avec ce roman, MAIS... Mais la fin m'a gâché toute l'histoire à vrai dire. A partir du moment où Julien rejoint Jeanne chez elle à Bray-Dunes pour la troisième fois, Robert Merle m'a perdue. Dommage, tout le reste était très bien raconté et très crédible aussi, mais là, à partir de ce moment jusqu'à la chute, j'ai trouvé ça, comment dire ? Tiré par les cheveux en fait, non pas tant en termes d'événements, plutôt en ce qui concerne l'évolution de la relation entre les personnages. Bizarre et incompréhensible pour moi. Bref, vraiment dommage.
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Week-end à Zuydcoote

Le réalisme des préoccupations de la petite bande de potes dont le séjour forcé sur la plage est décrit remet une couche sur la débilité de la guerre.

Robert MERLE insiste assez peu dessus même si parfois les personnages l'évoquent dans leurs discussions. Les héros sont jeunes, ont eu la malchance de vivre à la mauvaise époque.

Ils nous sont sympathiques. On aurait presque envie de partager leur petite tambouille du midi et du soir, leur moment de retrouvailles, de participer à leur discussions futiles, de trouver nous aussi une tête de turc à chambrer gentiment, de boire nous aussi quelques whiskys de trop...s'il ne s'était pas agi de boire pour oublier que de toute façon la messe est dite.

Robert MERLE insiste peu sur le fait que nos soldats sont pris en tenaille entre les boches et la mer. Mais la mort rôde, et chacun des héros occupe son temps à sa manière.

J'ai ressenti de l'affection pour ces personnages à la place desquels j'aurais pu me retrouver.

J'ai ressenti de la tristesse pour eux aussi.

On tente de partir avec les anglais ? Pas possible. Les français restent à quai.

On trouve une place par miracle sur un bateau ? On est à la merci de l'aviation allemande et on se retrouve dans un barbecue humain.

On traîne dans les maisons restées debout et on y fait la rencontre d'une très belle fille ? Bof, quel intérêt. De toute façon...

On retourne sur la plage retrouver nos potes pour partager la viande de singe ? Encore faut il pouvoir aller chercher de l'eau au puits sans se faire décapiter par un obus.

Et si on allait attendre la mort en bonne compagnie ?
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Week-end à Zuydcoote

Prix Goncourt 1949, « Week-end à Zuydcoote » de Robert Merle est un roman d’inspiration autobiographique. L’auteur, prisonnier de guerre à l’occasion de l’évènement qu’il décrit (la débâcle de Dunkerque), en offre un témoignage de première main malgré sa part de fiction embarquée.



La « Drôle de Guerre » a pris fin à la mi-mai 1940. Une semaine et demi plus tard, sous la poussée irrésistible du Blitzkrieg, les troupes anglaises et françaises en déroute sont acculées à la Manche dans « la Poche de Dunkerque ».



« C’est un petit bout de France qui trempe dans la flotte et qui rétrécit au lavage »



Les troupes alliées, tant bien que mal, rembarquent pour l’Angleterre sur des rafiots de fortune réquisitionnés. « Anglais à droite, Français à gauche ». Pris au piège, des milliers de Tommies et plus encore de soldats français vont trouver la mort dans les dunes, en mer (à moins de 18 kms à vol d’oiseau des côtes anglaises), dans les jolies villas de la station balnéaire de Bray-Dunes ... Priorité à la survie sous les obus crachés par l’artillerie ennemie de plus en plus proche. La mort surgit sous les torpilles et la mitraille lâchées par les Stukas qui, en vrilles savantes contre l’azur du ciel, ciblent les flancs des cargos et leurs ponts surpeuplés, le sanatorium et ses brancards de fortune, l’enfilade des plages où les soldats se jettent face contre terre n’espérant que la chance d’y réchapper une fois de plus.



Des milliers d’hommes, la vie, la mort, à pile ou face … Les seules alternatives étant l’embarquement pour Albion ou se constituer prisonniers quand les allemands seront là.

Robert Merle suit les destins parallèles et croisés de quelques soldats français perdus dans la tourmente, le temps d’un court week-end de printemps ensoleillé et chaud. Welcome in Zuydcoote, le soleil est de la party, isn’t, ironisent les Tommies tout humour british dehors, froid et détaché. La Manche est calme et belle, propice aux bains de mer (carte postale idyllique) … si ce n’est qu’elle recrache les morts de la crête écumeuse des vagues vers les plages. Noyés, blessés, brûlés, étripés, décapités, agonisants, chairs déchirées, regards hébétés… Les dunes de sable blond se teintent d’écarlate. Les soldats meurent sans combattre, les yeux ouverts, rivés sur un ciel sans nuages. Le titre du roman, « Week-end à Zuydcoote », est trompeur (voire ironique) ; derrière des promesses édéniques d’affiche touristique, se dessine un enfer truffé de plomb, de poudre et de feu, de sang et de vies gâchées.



Le paysage proposé est digne de J.G. Ballard. C’est un gigantesque cimetière d’engins militaires immobilisés, inutiles, abandonnés, ensablés, incendiés, figés dans une attente vaine. « Il … [leur] … manquait une roue, quelquefois deux. Les petites Austin n’en avaient plus du tout. Elles gisaient sur le dos comme des scarabées kaki qu’un enfant se serait amusé à retourner du plat de la main ». Les événements décrits cousinent avec les apocalypses lentes que l’auteur anglais affectionnera.

Des villas en ruines, pillées, laissées en l’état par des vies effacées ou en fuite côtoient un sanatorium inutilement bombardé et des dunes trompeusement protectrices. Dans ce décor, il y a peu touristique et enchanteur, apocalyptique désormais, errent des hommes en promesse de trépas éclair ou en survie chanceuse. Ils sont tous en perte de repères, si ce n’est ceux nouveaux, éphémères et instables qu’impose une situation qu’ils ne maitrisent plus. Les règles changent, les hommes s’adaptent, espèrent ou se résignent :



Dhery, combinard, débrouillard et opportuniste, entrevoit un « après Dunkerque » lucratif pour peu d’y survivre, un marché noir peu ragoûtant mais florissant ; il pressent la collusion dans l’air du temps à venir, se place par anticipation sous le vent mauvais d’une Occupation en approche rapide ; son cas préfigure la Collaboration et ses heures sombres. Robert Merle tisse du soldat un portrait qui se veut débonnaire, presque amical ; mais sous le vernis d’écriture, l’auteur se fait critique acerbe d’un homme qui ne voit en l’amitié qu’un levier à ses ambitions. C’est l’antipathique de sortie…



Pierson, prêtre aux armées, questionne sa foi à l’épreuve de la guerre et de ses ambigüités, la confronte à l’anticléricalisme d’Alexandre et à l’agnosticisme de Julien Maillat, s’y accroche tant bien que mal, prie pour le salut des hommes mais enterre son arme dans le sable. Les dialogues, si présents et si habiles au cœur de l’ouvrage, se prêtent au jeu des conceptions différentes de la vie, dévoilent des antagonismes qui sauront, plus tard, se muer en fraternité pour qu’enfin se dénoue le conflit.



Pinot (« … un des gars de Bezons ..! ») soupçonne l’infidélité de son épouse (là-bas, dans un autre monde, celui civil et maintenant si lointain) ; en contrepartie à sa frustration, il mitraille de son FM les Stukas en piqués (« Aussi sec .. ! »). Silhouette haute en couleurs, forte personnalité, propos taillés dans un parler populaire brut, il est une des figures inoubliables du récit.



Jeanne, qui ne se résigne pas à abandonner sa maison sous les bombes, qui a l’impression que sa demeure résistera tant qu’elle sera là pour la protéger, qui joue un drôle de jeu avec Julien Maillat, entre amour et intérêt. C’est la part féminine du récit, mais aussi celle par qui les évènements se précipitent.



Alexandre attend l’arrivée des allemands pour, fataliste, se rendre. Il tient la popotte dans les dunes, un fourgon-ambulance, où en mère-poule pour ses amis il organise un semblant de quotidien retrouvé, trompeur, fragile mais rassurant, presque intemporel. Pour lui, l’amitié n’est pas un vain mot ; il prend le rôle du sacrifié.



Et puis il y a Julien Maillat. Sans doute un autoportrait de l’écrivain. C’est un électron libre, de pensées et d’actes. Un être énigmatique, détaché de lui-même et des autres, empathique ou pas rien n’est sûr, capable néanmoins de s’insérer dans le huis-clos de l’ambulance. Il est parti en guerre plutôt qu’en désertion, porte sur l’absurdité de la guerre et de ses acteurs un regard désabusé et fataliste. Forcé et contraint, c’est l’élément survivaliste du groupe, non pas tant pour continuer à se battre ailleurs que pour simplement ne pas mourir. Il jette aux autres des réparties sèches mais bienveillantes, teintées d’humour distant et froid. C’est le personnage le plus fouillé, disséqué, raclé jusqu’à l’os dans ses hésitations, ses faiblesses et ses forces.



J’avais jadis été séduit par le regard porté par Henri Verneuil, en 1964, sur la Poche de Dunkerque, via l’adaptation ciné qu’il fit du roman. Le cinémascope alors à la mode (lire le 16/9ème) se prêtait au grand spectacle de la guerre, offrait des scènes dantesques pour le moins réalistes. Le long métrage est très fidèle au texte (Merle eut son mot à dire), des scènes surajoutées émergent néanmoins de ci-delà mais restent dans la logique de l’histoire écrite. A noter que les épilogues divergent du lu au vu sans, qu’à mon sens, il me soit possible d’en privilégier l’une ou l’autre.



« Week End à Zuidcoote » est, après « La mort est mon métier » mon second Robert Merle lu. De nouveau le fond et la forme s’unissent pour rendre la lecture faussement aisée au service d’une réflexion acérée sur certains questionnements qu’apporte la guerre.



A lire et à voir. Absolument.


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Week-end à Zuydcoote

Dans ce bref et terrible roman, son premier, écrit en 1949 et prix Goncourt, Robert Merle raconte 48 heures dans la vie de Julien Maillat et de ses compagnons, alors qu'en 1940 l'armée franco-britannique est refoulée jusqu'à la Mer du Nord par les «Fritz». Sous les bombes, les Britanniques organisent l'évacuation par la voie des mers, tandis que les Français attendent d'être faits prisonniers... L'écriture de Robert Merle est très immersive, le rythme est lent, et l'on éprouve avec Maillat la peur, l'impuissance, l'horreur qu'ont vécues ces hommes ordinaires exposés à la souffrance, la mort violente et à ces bombardements terrifiants. J'ai réalisé après ma lecture que l'auteur a lui-même vécu cet épisode douloureux et je comprends d'autant mieux pourquoi ses descriptions sonnent aussi juste. J'ai aussi une pensée pour les Ukrainiens sous les bombes en ces jours sombres.
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Week-end à Zuydcoote

Alexandre le chic type, Dhéry le matérialiste bien en chair, Pierson le curé, et Maillat, Julien Maillat, que ses copains trouvent drôle on ne sait trop pourquoi, et qu’on ne cesse de suivre, dans les rues et sur la plage, avec une curiosité d’anthropologue… Un homme cultivé et généreux, sombre et fataliste. Quidam, cartésien, philosophe, héros, salaud, fantôme.

Ils sont là tous les quatre, à faire popote à la roulotte, leur maison pour quelques jours, les fesses dans le sable, prenant racine en attendant d’être cueillis par les Fritz.



Juin 1940, le soleil du nord de la France. L’enfer aux allures de vacances.



Week-end à Zuydcoote est le premier roman de cet écrivain trop sous-estimé qu’est Robert Merle. Une plume de génie d’une humilité fabuleuse. Goncourt 1949.



C’est le roman de la vie, des dialogues nourris, du singe et du whisky, des rires et des moqueries.

C’est tout autant le roman de la mort, qu’on nous présente par petites touches, au détour d’un trottoir, derrière un muret, presque pudique, avant qu’elle n’envahisse tout. Les airs, le sol, la mer.

C’est un roman mosaïque, où ceux qui se débattent croisent ceux qui se résignent, où ceux qui se souviennent se mêlent à ceux qui se projettent, où ceux qui aident font la surprise de ceux qui ne pensent qu’à eux, où ceux qui sauvent sont aussi ceux qui tuent.



Pour tous finalement, le banal hasard des bombes qui frappent comme la foudre, les traumatismes latents ou patents…

Pour nous, la sidération, le choc du texte si subtilement brut. On ne revient pas indemne de ces quatre demi-journées à Zuydcoote.
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Week-end à Zuydcoote

Quatre soldats français en 1940 se retrouvent à camper sur la plage de Zuydcoote, près de Dunkerque, en pleine débâcle, alors que l’armée s’apprête à embarquer pour l’Angleterre. Problème : seuls les soldats anglais sont habilités à monter sur les bateaux. Concentré sur deux jours, ce roman nous fait suivre le jeune soldat Maillat, avec ses compagnons d’infortune : le cuisinier Alexandre, anticlérical et réfractaire à tout changement, le curé Pierson, grand connaisseur de la chose militaire et Dhéry, homme cupide qui prépare déjà les affaires à venir. Quant à Maillat, dont on ne saura guère, il erre sur la plage, espérant monter sur un bateau malgré tout, faisant des rencontres surprenantes, durant deux journées rythmées par les repas avec ses amis, l’ennui et les bombardements. Arrivés au bord de la mer, les quatre hommes qui ont fait la guerre ensemble sont bien conscients qu’ils sont arrivés au bout du chemin.

Robert Merle, dont c’est ici le premier roman, livre ici un récit résolument pacifiste sur l’absurdité de la guerre, influencé par une expérience personnelle puisqu’il fut lui-même fait prisonnier près de Dunkerque.

Ce roman lui valut le Goncourt et un film fut adapté du livre. Et c’est le principal écueil de cette histoire : oublier la tête de notre Bébel national dans le rôle du personnage principal, Maillat ! Car pour le reste, l’histoire est passionnante, les personnages complexes et attachants, les dialogues incisifs et un final explosif.

Coup d’essai, coup de maître.
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Week-end à Zuydcoote

Le roman prend place lors de la retraite des Français et des Anglais en 1940, acculés sur la plage de Zuydcoote.

On vit ces deux journées au rythme des cafés, pipes et cigarettes de quatre français réunis autour d'une "popote".

L'amitié, la solidarité sont là; elle transpirent lors des dialogues même anodins.

Maillat, le personnage principal, s'avère détaché de tout et petit à petit se fatigue à essayer de comprendre l'absurdité de la situation de guerre et de la retraite.

Il a quelques sursauts d'humanité: s'embarquer avec les Anglais, sauver une jeune fille d'un viol.

Mais rien n'y fait: il est définitivement las. Il cessera de lutter pour survivre et comprendre.

C'est un roman qui va crescendo dans l'intensité dramatique et j'avoue que j'aurai aimé ressentir cette intensité dès le début.

Cela reste un grand roman profondément humain.
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Week-end à Zuydcoote

Dans les premières années qui suivirent la Seconde guerre mondiale, les écrivains français se trouvèrent devant deux choix : tourner la page et parler d’autre chose (même si, en filigrane, ou de façon subliminaire, la guerre était toujours là), ou bien évoquer le conflit dans toutes ses manifestations, à titre de témoignage, de justification, de dénonciation, ou encore pour en démontrer l’absurdité et l’inhumanité. Les écrivains qui optent pour la première option se réfugient dans le fantastique poétique (« L’écume des jours » de Boris Vian – 1946, « Le pays où on n’arrive jamais » de André Dhôtel - 1955), les sagas historiques et/ou familiales (« Les Boussardel » de Philippe Hériat – 1939-1968, « Les Grandes familles » de Maurice Druon – 1948-1951, « Tant que la terre durera » de Henri Troyat – 1947-1950, on peut citer également Jean Hougron ou Paul Vialar), ou le roman traditionnel (Colette, Giono, Genevoix, etc.) C’est également dans ces années-là que se forgent les romans policiers et d’espionnage, avec l’essor de collections-phare comme Fleuve-Noir ou les Presses de la Cité…

Les écrivains que la guerre a inspirés, sont nombreux, et abordent le conflit sous tous ses angles : les épisodes militaires (« La Vallée heureuse » de Jules Roy - 1946, « Week-end à Zuydcoote » de Robert Merle – 1949), l’Occupation (« Les Forêts de la nuit » de Jean-Louis Curtis – 1947, « Mon village à l’heure allemande » de Jean-Louis Bory – 1945, « Au bon beurre » de Jean Dutourd – 1952), la Résistance, passive ou active (« Le Silence de la mer » de Vercors – 1942, « L’Armée des ombres » de Joseph Kessel – 1943, « Drôle de jeu » de Roger Vailland – 1945) sans parler des vicissitudes des populations persécutées (« Les eaux mêlées » de Roger Ikor – 1955, « Le dernier des Justes » d’André Schwartz-Bart – 1959, « L’Education européenne » de Romain Gary – 1945), pour ne citer que quelques titres parmi des dizaines d’autres…

« Week-end à Zuydcoote » raconte les aventures d’un groupe de français perdus dans la tragédie de la guerre. Si vous voulez, c’est un peu la 7ème compagnie, mais en version tragique et en dérisoire. Nous sommes en 1940. Dans la poche de Dunkerque des centaines de soldats français sont bloqués et attendent pour passer en Angleterre. Quatre soldats du 110ème RI, Julien Maillat, sergent, Pierson, aumônier catholique, Alexandre, ingénieur dans le civil, et Dhéry, roi du système D, survivent au quotidien entre les bombardements, les moments de saine camaraderie, les drames, les exploits personnels, l’illusion de bonheur éphémère…

Robert Merle, dont c’est le premier roman – et un coup de maître, est-il nécessaire de le souligner -, nous livre ici un tableau magistral : tout y est à l’image du titre : « Week-end à Zuydcoote », on se croirait parti sur la plage pour une bronzette avant un plongeon dans la grande bleue. Le plongeon, on l’a, oui, mais c’est dans les trous d’obus, dans la boue et dans le sang. Tout est paradoxal ici : entre ce que l’on désire et ce que l’on a, entre ce qui nous tend les bras et ce que de toute évidence on n’aura jamais, entre le déploiement de tout ce qui est mis en place et le résultat dérisoire qui en découle, la guerre est dépeinte dans toute son absurdité : nos héros (ou anti-héros, si, héros quand même) sont des fourmis sur cette plage, leur existence propre, si complète, si riche qu’elle soit, est soumise au pied qui va les écraser, et qui ne le sait même pas. Robert Merle n’est pas très loin d’Albert Camus, sur ce point (ils sont nés en Algérie tous les deux, est-ce que ça joue ?)

En 1964, Henri Verneuil a tiré du roman un film remarquable, avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle de Julien Maillat. A visionner en complément du livre…

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Week-end à Zuydcoote



« Week-end à Zuydcoote » de Robert Merle.

Un film célèbre a été tiré de ce roman. L’auteur part de son expérience personnelle pour écrire ce livre qui décrochera le prix Goncourt.

C’est l’histoire de la fameuse poche de Dunkerque. En 1940, c’est la débâcle des armées françaises et anglaises lors de l’avancée fulgurante de l’armée allemande. Des troupes alliées se retrouvent complètement encerclées dans un espace restreint sur la côte d’Opale. La seule possibilité d’en réchapper est par la mer. Mais même s’ils parviennent à embarquer, nombre d’entre eux vont être pilonnés par les troupes ennemies et mourront à quelques encablures de la côte sous les yeux de ceux qui restent.

L’auteur, lui-même, n’embarquera pas et sera fait prisonnier puis restera en captivité une bonne partie de la guerre.

Robert Merle est connu pour ses romans historiques. J’ai beaucoup aimé La mort est mon métier pour ne citer que celui-ci et moins celui-là.
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Week-end à Zuydcoote

Juin 1940. La drôle de guerre se termine en drame. Refluant vers les côtes de la Manche, les soldats britanniques et français cherchent à trouver un refuge en Angleterre. Un soleil d'été ferait presque croire à des vacances balnéaires. Dans le ciel, les cris des mouettes sont cependant remplacés par les vrombissements des stukas allemands, qui bombardent au hasard campements de la soldatesque, maisons désertées et cargos britanniques. Pris dans la grande tourmente historique, Julien Maillat, un sergent de l'armée française, attend avec trois compagnons d'être ou bien évacué par les Anglais, ou bien fait prisonnier par les Allemands. Week-end à Zuydcoote conte ces deux jours qui sont comme le symbole de la débâcle française, et sans doute aussi le moment le plus tragiquement absurde de la guerre. Primé par le Goncourt en 1949, largement nourri par l'expérience personnelle de Robert Merle, le roman entre aussi brutalement en collision avec le courant existentialiste qui fait florès après la Seconde Guerre mondiale. La guerre est absurde, certes, mais avant tout, elle est tragique.



Cela commence par une promenade. Les rues de Zuydcoote, ou est-ce Bray-Dunes, sont emplies de voitures garées le long des trottoirs. Maillat marche, croise un homme qui, dans une brouette, transporte le corps d'une jeune femme morte. C'est la première irruption de la guerre - qui intervient tôt - dans le récit. Maillat retrouve ses compagnons : Alexandre, bon comme une mère, attentif au confort des trois autres ; Dhéry, qui court la ville à la recherche de toute opportunité ; Pierson enfin, le prêtre, étonnamment doux dans sa parole relativement au contexte. Leur popote, comme ils l'appellent, est adossée au sanatorium, façon de se croire du bon côté de la barrière, première des absurdités, la plus bénigne. Car c'est bien l'absurde qui semble planer au-dessus de ces brefs événements, et à travers lequel Robert Merle observe la guerre. De là le roman semble prendre deux directions, deux tons opposés, la légèreté et la pesanteur, séparés par la nuit qui distingue samedi et dimanche, éloignés l'un de l'autre comme les marins britanniques le sont de la terre refuge, que la côte soit française ou anglaise. La guerre est absurde, répète Maillat, et toutes ses actions sont en accord avec sa parole.



Drôle de guerre : un nom absurde pour désigner un affrontement armé entre nations. Avec son titre, Week-end à Zuydcoote, Merle poursuit dans la même veine. Cela résonne comme une sortie bucolique, un bol d'air balnéaire, alors que la mort attend la plupart des soldats qui attend là, et la privation de liberté pendant de longues années pour les plus chanceux. Mais après tout, pourquoi pas ? Maillat a là ses copains et son temps libre. On boit le canon de mauvais vin, on trinque même au whisky, et le singe français, quand on parvient à en dégoter, a certes meilleur goût que son homologue anglais. Après sa promenade matinale, conclue par la nouvelle que livre Pierson, que seules les unités constituées et britanniques de préférence embarqueront pour les côtes de la Perfide Albion, Maillat s'en va en ville. Quoi ? Il parle anglais, lui, et peut-être pourra-t-on lui offrir une place sur l'un de ces cargos de transport. Maillat se perd un peu, rencontre deux jeunes filles dans une maison qui est encore tenue, puis s'en va sur la plage pour voir si quelque officier anglais ne peut pas le sortir de là. Pour le moment, la guerre a quelque chose de tranquille. Les événéments, alors, semblent se souvenir du contexte. Les stukas allemands reviennent, embrasent le cargo de Maillat ; le jeune soldat français saute à la mer tandis que les Britanniques, de façon incompréhensible, hésitent, semblent comparer le feu et l'eau, l'asphyxie ou le choc d'une chute, et dans l'air pur de ce printemps finissant, résonnent les plaintes des condamnés. Absurde, tout cela : le chargement extrêmement lent des troupes, les soldats qui ne sautent pas et restent dans les flammes, les bottes volées tandis que Maillat tente encore de sauver quelque compère.



Avec l'échec de l'évacuation par bateau, c'est le tragique de la guerre qui surgit. Il prendra plus d'ampleur encore, au matin du dimanche, dans la maison de Jeanne, seize ans, que des brutes vont vouloir violer. Plus d'ampleur, car, soudain, la guerre s'impose à Maillat. Pourtant, il l'a dit à Pierson, il n'y croit pas. La guerre ne mène à rien, est illogique, car elle n'engendre jamais de vainqueur durable : on tuera toujours. Même les prétendus vainqueurs sont des vaincus. La guerre est un paradoxe. Elle est humaine, car ce sont bien des hommes qui la décident, et des hommes qui la font. Elle est inhumaine, car elle bouleverse la nature humaine et provoque les comportements les plus amoraux, les plus vils. Pour la faire, pourtant, il n'y a rien de plus simple : il suffit d'y croire. Comme on croit à un Dieu, à son arme, à un foyer, à l'argent, la guerre est une forme de passion. Maillat s'y refuse, n'y croit pas, et pourtant il fait cette guerre. L'existentialiste Pierson l'affirme, lui : s'il la fait, cette guerre, c'est qu'il y croit, Maillat, qu'il la veut, en tout cas. Mais le roman de Merle semble bien montrer - ou vouloir démontrer - les limites d'un existentialisme qui fait de l'homme en tant que sujet le seul décideur de sa propre destinée, oubliant là les structures, historiques, sociales, politiques, qui contraignent largement les actions. Il y a, dans ce Week-end à Zuydcoote, quelque chose d'éminemment tragique, au sens où Maillat, comme les autres soldats coincés là, sur le littoral dunkerquois, est bientôt broyé par les événements, dépossédés par eux de sa volonté propre. On le voit bien, le dimanche, perdre contact avec la réalité à plusieurs reprises, lorsqu'il tue les deux brutes, lorsque lui-même s'impose à Jeanne, lorsqu'enfin il n'esquisse pas un mouvement pendant le bombardement du quartier. Même une simple brique - celle qui le fait trébucher, et envoie Alexandre au puits comme il aurait été envoyé à la mort - s'impose à sa volonté et l'empêche d'agir en homme libre. La guerre est absurde, la guerre est inhumaine, précisément parce qu'on ne saurait librement et totalement la comprendre - les paradoxes qui la définissent nous en empêche - et parce qu'elle finit par nous absorber, et par nous déshumaniser (à considérer que le libre-arbitre est une qualité propre de l'Homme). Maillat n'a pas le temps de le comprendre. La mort le prend, et laisse Merle nous dire ce qu'il a vu.
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Week-end à Zuydcoote

En octobre, les classiques c’est fantastique donnait le choix de lire soit un prix Nobel, soir un prix Goncourt. J’avais jeté mon dévolu sur un roman qui traînait depuis des années sur une étagère de ma bibliothèque, à cent pages de la fin je me suis aperçue que l’auteur n’avait jamais reçu le Nobel, ce qui est fort dommage. En catastrophe j’ai du choisir une autre lecture et c’est « Weekend à Zuydcoote » de Robert Merle qui a eu la préférence. Le roman paraît en 1949 et emporte le prix Goncourt de la même année.



Les armées allemandes ont contourné la Ligne Maginot pour déferler sur les armées alliées par la Belgique. De reculade en reculade, une grande partie des forces franco-britanniques se retrouvent acculées dans la poche de Dunkerque, dos à la mer, sans d’autres choix que ceux de se rendre ou de tenter une fuite vers l’Angleterre pour sauver ce qui peut l’être.



Dunkerque, Bray-dunes, Zuydcoote et leurs plages infinies, leur bord de mer agréable, joyeux, leurs villas somptueuses ou biscornues, les souvenirs de pêche à pied, de bains de mer quand le monde était encore insouciant. Maintenant, ces villes balnéaires sont devenues muettes et désertes dans l’attente d’un déferlement ennemi. On suit d’abord Maillat, un sergent français, et ses déambulations dans une ville morte, encombrée de véhicules inutiles. Il règne un étrange calme, un presque silence angoissant brisé par les explosions erratiques d’obus allemands et les raids aériens des stukas. Puis on fait connaissance avec ses compagnons d’infortune, Pierson, Alexandre, Dhéry puis Pinot et son fusil mitrailleur. Pendant deux jours, les quatre hommes vivront un quotidien chaotique avec un point de repère important : la popote, une ambulance transformée en bivouac et lieu de vie.



Robert Merle met en scène le quotidien, presque surréaliste, des soldats acculés sur les plages : entre les tâches ménagères et les rencontres macabres, entre des scènes hallucinantes telle que la répartition par nationalité des soldats sur les plages ou encore le ballet aérien des avions meurtriers semblant se délecter de l’attente insoutenable de la mort ou de la délivrance subie par les soldats, le lecteur est immergé dans la folie humaine. La tension du récit monte avec régularité, entre chaque focus sur un élément ordinaire. Arrive, ensuite, ce qui dévoile l’horreur permanente et amène chacun à vouloir quitter l’enfer d’un été balayé par l’invasion allemande : qui recherche des habits civils, qui espère pouvoir embarquer, qui se résigne à être un prisonnier en devenir. Le week-end est long, s’étire interminablement sous la plume extraordinaire de Robert Merle dont les personnages sont bien incarnés, et ancrés dans leur complexité d’être humains, au cœur du contexte historique dans lequel ils évoluent. La gouaille du sergent Maillat scande ses moments de faiblesse et des actes de courage, d’empathie et de solidarité … l’écriture de l’auteur fait que j’étais en immersion totale.



« Week-end à Zuydcoote » est le premier roman de Robert Merle et augure une maîtrise narratrice qui s’épanouira au fil de ses publications. Un classique de la littérature d’après-guerre qui vaut le détour.
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Week-end à Zuydcoote

Sous un titre qui fleure bon le sable chaud se cache un roman sur la guerre en général, dans le cadre de la débâcle franco-anglaise dans la poche de Dunkerque en mai et juin 1940. Bombardements, ripostes, chaos, civils et militaires dans le même enfer, débrouille fataliste, liens et rencontres, le tableau est noir, complet, et riche d'une accumulation de petites histoires, au coeur de la grande (Histoire), dans les pas d'un sergent un peu lunaire - présent et détaché à la fois, en plein traumatisme, analyserait-on aujourd'hui.

On sent une écriture qui date de cette époque (premier roman de Robert Merle, en 1949 ! c'était contemporain ...) par le vocabulaire et les attitudes des personnages les uns par rapport aux autres, mais le rythme et le déroulé m'ont emportée dans ce voyage dont on ne sort pas totalement indemne.
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Week-end à Zuydcoote

Robert Merle nous raconte ici l’histoire d’une révolte. Il s’est inspiré pour son roman d’une histoire réel, celle des révoltés du Bounty. J’avais 13 ans lorsque je découvris ce roman illustré dans les pages du Sélection du Reader Digest. Plus attiré par le large que la littérature les illustrations colorées du livre ont participé à l’engouement que j’eus à le lire.

Je me suis pris dans ce roman à naviguer avec un groupe de marin à proximité de Tahiti qui se révoltent contre les humiliations et l’autoritarisme du capitaine Burt. J’y ai assisté, sans bronché, à son crime, tournant les pages comme on visionne un film. Pour échapper à la justice, les mutins se réfugient sur une île desserte afin d’échapper à la pendaison après avoir sabordé le navire. Coupés du monde, leur vie en société va décliner. Passée l’euphorie des premiers jours sur l’île, des divergences surviennent.
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Roman historique lauréat du prix Goncourt publié en 1949 racontant la retraite d'un groupe de soldats français lors de la défaite franco-britannique lors de la seconde guerre mondiale. Mon titre est "week-end

chez ma mère'
à Deauville'
à Zuydcoote'
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