Citations de Roger Martin du Gard (296)
"A bas la guerre !" grommela le cafetier. Il avait vu 70 ; il avait fait la Commune. Il secouait rageusement la tête : Il est bien temps de crier : "A bas la guerre !... C'est comme si tu criais : "A bas la pluie !" quand l'orage est là..."
Le vieux qui fumait, les yeux plissés, se fâcha : "n'est jamais trop tard, Charles ! Si tu avais vu ça, entre huit et neuf, sur la place de la République... Serrés ! - t'aurais dit un banc d'anchois !"
- "J'y étais " dit Jacques en se rapprochant.
- "Eh bin, si tu y étais, petit, tu peux le dire comme moi ; on n'a encore rien vu de pareil. Et pourtant les manifestations, j'en ai vu quelques unes ! (...) Ce soir, je vous le dis : si on avait eu du cran, le régime, il était par terre ! On a raté la belle occase... Place de la République, quand on s'est mis en branle, avec les drapeaux, eh bien, bon sang, Charles, si, à ce moment là, on avait eu un type à la hauteur, sais-tu où il nous emmenait tous comme un seul homme ? A l'Elysée, pour y faire la révolution !"
Jacques riait de plaisir :
- "Partie remise ! Ce sera pour demain, grand père !" (IV p 85-86)
Ce n'est pas : "tu ne m'aimes plus", qu'elles devraient dire, mais: "tu n'aimes plus l'homme que tu deviens dès que nous sommes ensemble..."
Une conviction qui commence par admettre la légitimité d'une conviction adverse se condamne à n'être pas agissante.
La pensée ne commence qu'avec le doute.
Si l'on ne fait pas le bien par goût naturel, que ce soit par désespoir; ou du moins pour ne pas faire le mal.
Aucun Dieu n'a jamais répondu aux appels, aux interrogations de l'homme. Ce qu'il prend pour des réponses, c'est seulement l'écho de sa voix.
A propos d'Oscar thibault : « Violence sous pression, qui toujours menace et toujours se contient. » ( p. 163)
« Parler ne devrait être qu’un moyen d’agir… Mais, tant qu’on ne peut pas agir, c’est déjà faire quelque chose que de parler. » (p. 84)
« Associer à l’image paternelle l’idée pourtant quotidienne de cadavre, c’était quelque chose de nouveau, de déroutant. » (p. 321)
« Suis-je encore un enfant ? Ou bien suis-je un homme ? » (p. 356)
Où qu'il soit, où qu'il aille, l'homme continue à penser avec les mots, avec la syntaxe de son pays.
Aucun Dieu n'a jamais répondu aux appels, aux interrogations de l'homme. Ce qu'il prend pour des réponses, c'est seulement l'écho de sa voix.
L’heure avançait. Il consulta sa montre et se leva ; il avait sa contre-visite à passer, vers cinq heures. Il hésitait à prévenir son frère qu’il allait le laisser seul jusqu’au dîner ; mais, contrairement à son attente, Jacques parut presque content de le voir partir.
En effet, resté seul, il se sentit comme allégé. Il eut l’idée de faire le tour de l’appartement. Mais dans l’antichambre, devant les portes closes, il fut pris d’une angoisse inexplicable, revint chez lui et s’enferma. Il avait à peine regardé sa chambre. Il aperçut enfin le bouquet de violettes, la banderolle. Tous les détails de la journée s’enchevêtraient dans sa mémoire, l’accueil du père, la conversation d’Antoine. Il s’allongea sur le canapé, et recommença à pleurer ; sans aucun désespoir : non, il pleurait d’épuisement surtout, et aussi, à cause de sa chambre, des violettes, de cette main que son père avait posé sur sa tête, des attentions d’Antoine, de cette vie nouvelle et inconnue ; il pleurait parce qu’on semblait de toutes parts vouloir l’aimer ; parce qu’on allait maintenant s’occuper de lui, et lui parler, et lui sourire ; parce qu’il lui faudrait répondre à tous, parce que c’en était fini pour lui d’être tranquille.
Attendre le bonheur, n'était-ce pas déjà être heureuse ?
Quand je rencontre deux hommes, l’un âgé et l’autre jeune, qui cheminent côte à côte sans trouver à se dire, je sais que c’est un père et son fils. (p. 437)
Elle n'a qu'une idée, faire un petit magot pour retourner dans sa Bretagne. Que diable veux-tu, c'est son goût ! Les Bretonnes sont toutes comme ça. Une bicoque sur la place de la criée, une coiffe blanche et des processions : la Bretagne, quoi !
cette timidité sans cesse en lutte contre l'orgueil, et qui dégénérait parfois en une susceptibilité extravagante
Être seul, exclu de l’univers. Seul, avec son effroi. Toucher le fond de la solitude absolue
Si seulement, une fois, tu avais bien compris ce que c'est! Rester vivant, aimer encore ce que tu aimes, voir longtemps encore ce soleil là, sur la treille de ta vieille maison... Longtemps encore être assourdi et grisé par ces cloches... Regarde un peu autour de toi, cette lumière, ces arbres, le ciel, le clocher... (Il le secoue par les épaules.) Vivre, Jean!...
Première partie. Chapitre 1
Chapitre II