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Citations de S. J. Parris (141)


Palais de Richmond, sud-ouest de Londres
Le 21 septembre de l’an de grâce 1583

« Une mort violente, m’a dit le messager. » Walsingham doit hausser la voix pour couvrir le bruit des rames, que ses serviteurs manient à un rythme soutenu afin de guider la petite embarcation à contre-courant. Le vent souffle de côté et projette des gouttelettes sur nos visages. De jour, nous mettrions moitié moins de temps à couvrir à cheval la distance de Barn Elms au palais de Richmond, en coupant par la réserve de chasse, mais de nuit le fleuve est plus sûr, même s’il sinue paresseusement autour du promontoire.
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« On m’appelle au palais de Richmond pour une affaire d’une extrême gravité, Bruno, et je veux que vous m’accompagniez. Mieux vaut ne pas troubler les célébrations. Nous partirons discrètement, sans attirer l’attention – le messager est parti prévenir les serviteurs de préparer un bateau. Je vous dirai ce que je sais en chemin. »
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— Nous vivons une époque de turbulences sans précédent, voilà qui est certain, me répond-il brusquement. Néanmoins, Sa Majesté a déjà assez à craindre sans que Dee vienne en plus lui souffler à l’oreille des prévisions apocalyptiques, simplement parce qu’il veut se rendre indispensable. Comme nous le faisons tous, je suppose, à notre manière, concède-t-il en soupirant. Mais son influence se fait ressentir jusqu’à la chambre du Conseil privé, et tout à coup elle a commencé à refuser de prendre des décisions sans consulter d’abord une carte du ciel. Cela complique la tâche de gouverner. D’ailleurs, ajoute-t-il un ton plus bas, j’ai la conviction que Dieu a écrit dans le Livre de la Nature des secrets que nous ne sommes pas censés découvrir.
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J’étais arrivé en Angleterre six mois plus tôt, au début du printemps. Le roi de France, mon protecteur, m’avait envoyé chez son ambassadeur à Londres afin de me soustraire momentanément à l’attention des fanatiques catholiques qui ralliaient des soutiens à Paris, sous la houlette du duc de Guise. Je n’étais pas encore depuis quinze jours à Londres quand Walsingham a demandé à me rencontrer, mes rapports conflictuels avec Rome et ma position privilégiée à l’ambassade de France faisant de moi un candidat idéal pour lui rendre service. Ces derniers mois, j’en suis venu à éprouver à la fois un profond respect et une certaine crainte à l’égard de Walsingham.
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Cet homme, secrétaire d’État de la reine Élisabeth Tudor, quoiqu’il ne paraisse pas forcément imposant au premier abord, tient la sécurité du royaume d’Angleterre entre ses mains. Walsingham a créé un réseau d’espions et d’informateurs qui s’étend à travers l’Europe entière jusqu’à la terre des Turcs en Orient et aux colonies du Nouveau Monde à l’ouest, et les renseignements qu’ils lui rapportent constituent la première défense de la reine face aux catholiques qui conspirent contre elle. Plus remarquable encore, il semble conserver l’ensemble de ces faits dans son esprit et être capable de mobiliser à volonté toute information dont il a besoin.
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Le comte de Leicester est l’un des hommes les plus importants d’Angleterre, nul n’a plus d’influence que lui sur la reine Élisabeth. Je relève la tête et croise son regard. Je le sens qui m’évalue. La rumeur veut que, dans sa jeunesse, il ait été l’amant de la reine, et qu’aujourd’hui encore leur longue amitié soit plus intime que bien des mariages. Il sourit, il y a de la chaleur dans ses manières.
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« Giordano Bruno ! Qu’est-ce que je vois là ? Le grand philosophe a retiré sa robe d’érudit et lève la jambe avec la fine fleur de la cour de Sa Majesté ? C’est au monastère qu’on vous a appris à danser ? Vos talents cachés ne cessent pas de m’étonner, amico mio. »
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« Alors c’est un moment capital dans le ciel ?
— Plus que capital, dis-je en m’immisçant dans la conversation. L’irruption du Trigone de Feu annonce l’aube d’une nouvelle époque. C’est la septième fois seulement que cette conjonction a lieu depuis la création du monde, et chacune de ses occurrences a jusque-là été caractérisée par des bouleversements qui ont ébranlé ce dernier : le déluge de Noé, la naissance du Christ, la venue de Charlemagne – tous ces événements coïncident avec le retour du Trigone de Feu.
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« Tous les vingt ans, professe-t-il en levant l’index comme un maître d’école, les deux plus puissantes planètes de notre cosmos, Jupiter et Saturne, s’alignent l’une avec l’autre en passant chaque fois par les douze signes du zodiaque. Tous les deux cents ans, à quelque chose près, cette conjonction entre dans un nouveau Trigone – ce sont les groupes de trois signes qui correspondent à chacun des quatre éléments. Et tous les neuf cent soixante ans, l’alignement achève le cycle qui le voit traverser les quatre Trigones, et il revient au début, au Feu. Au cours des deux derniers siècles, les planètes étaient alignées dans les signes du Trigone d’Eau. Mais aujourd’hui, mon cher Ned, cette année, en l’an de grâce 1583, Jupiter et Saturne vont s’unir de nouveau dans le signe du Bélier, le premier signe du Trigone de Feu, la plus puissante de toutes les conjonctions, comme cela n’est plus arrivé depuis presque mille ans. »
Il marque une pause pour accentuer l’effet dramatique ; Kelley l’écoute, bouche bée.
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« La prophétie, Bruno ! À quoi cela ressemble-t-il, sinon à la prophétie de la Grande Conjonction, la fin de l’ancien monde ? Vous le comprenez aussi bien que moi, mon ami – par les bons offices de maître Kelley, les seigneurs du temps ont choisi de nous parler de la venue du Trigone Ardent, quand l’ordre ancien sera renversé et que le monde sera remodelé à l’image de l’antique vérité.
— Il évoque en effet des sujets lourds de sens », dis-je tranquillement.
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« L’Enfer lui-même se lasse de la Terre. Alors adviendra un homme qu’on appellera l’Enfant de Perdition, le Maître de l’Erreur, le Prince des Ténèbres, et il en trompera beaucoup par sa magie. Du ciel rouge sang s’abattra un déluge de feu. Empires, royaumes, principautés et États seront renversés, les pères se tourneront contre les fils et les frères contre les frères, les peuples de la Terre seront jetés dans le tumulte et dans les rues des villes couleront des flots de sang. Vous saurez alors que sont venus les derniers jours de l’ordre ancien. »
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« Que dit-il ? le presse Dee.
— Il tend un livre, répond Kelley.
— Quel genre de livre ?
— Un livre ancien, avec une couverture abîmée et des pages en or battu. »
Kelley se rapproche de la boule.
« Attendez ! Il écrit dedans avec son index. Ce sont des lettres de sang qu’il trace. »
J’ai envie de demander ce qu’il a fait de son épée pendant qu’il écrit – l’a-t-il calée sous son bras, par exemple ? –, mais Dee m’en voudrait de prendre cette affaire à la légère. Je l’entends à côté de moi qui retient son souffle, impatient de savoir ce qu’écrit l’esprit.
« XV », annonce Kelley au bout d’un moment. Il se tourne pour nous regarder, s’attendant peut-être que Dee interprète ces signes.
« Quinze, Bruno », me susurre Dee en cherchant visiblement mon approbation.

Je hoche la tête. Le quinzième livre perdu d’Hermès Trismégiste, le livre que je suis venu chercher en Angleterre, le livre dont je sais désormais que Dee l’a possédé il y a quelques années avant de se le faire dérober. Le livre qui s’est de nouveau perdu. Est-ce possible ? Je m’avise que Kelley doit être au courant de l’obsession de son maître pour le quinzième livre.
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Dee tourne la tête vers moi et m’agrippe le bras en me dévisageant ; je dois avoir l’air aussi sidéré que lui. Il a reconnu cette description, comme moi : l’être que Kelley voit dans le cristal correspond à la première figure du signe du Bélier, tel que l’a décrit l’ancien philosophe Hermès Trismégiste. Il existe trente-six figures de cette sorte, il s’agit des seigneurs égyptiens du temps qui régissent les divisions du zodiaque et que certains appellent « les démons stellaires ». Peu de savants dans toute la chrétienté seraient en mesure d’identifier ainsi la figure que voit Kelley, mais deux d’entre eux se trouvent dans ce cabinet à Mortlake. Toute la question, bien sûr, est de savoir si Kelley la voit vraiment. Je préfère me taire.
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— Qui ? demande Dee, les yeux brillants d’excitation. Qui est-ce ? »
Kelley ne répond pas aussitôt. Ses sourcils s’arquent tandis qu’il concentre son regard sur la boule.
« Un homme au-dessus du commun des mortels, avec une peau aussi noire que de l’acajou poli. Il est vêtu de blanc des pieds à la tête, et dans ses yeux couve un feu rougeoyant. Il tient une épée dans sa main droite. »
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Sans prévenir, toutes les chandelles de la pièce vacillent et s’éteignent, comme si une rafale soudaine venait de les souffler, quoique l’air soit totalement immobile. Au même moment, les poils de mes bras se hérissent et je frissonne ; un air glacé nous enveloppe, dehors c’est le crépuscule. Je jette un coup d’œil en coin au docteur Dee ; il se tient aussi raide qu’une statue de marbre, les mains jointes, on dirait qu’il prie, ses pouces pressés avec anxiété contre ses lèvres – du moins, ce qu’on en voit sous la barbe grisonnante qu’il taille en pointe jusqu’à la poitrine, pour imiter Merlin, dont secrètement il s’estime l’héritier. Le voyant, Ned Kelley, à genoux devant la table, nous tourne le dos. Il a les yeux braqués sur la boule de cristal translucide, de la taille d’un œuf d’oie, montée sur une armature en bronze elle-même posée sur un carré de soie rouge. Les contrevents en bois du cabinet sont fermés ; l’entreprise doit être conduite dans l’obscurité, à la lumière des bougies. Kelley inspire profondément, tel un acteur sur le point d’entamer son monologue, puis il lève ses deux bras en les écartant, dans la posture de la crucifixion.
« Oui… dit-il finalement à voix basse, presque en murmurant. Il est ici. Il me fait signe.
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Les coudes sur la table, les yeux bouffis, je me passe la main dans les cheveux en relisant mon texte. Soixante feuillets qui pourraient détruire l’Église chrétienne, anéantir la doctrine du salut. Seize siècles d’ouvrages religieux succédant aux Évangiles balayés d’un seul coup. J’ai la vision de toutes ces pages d’écriture disparaissant, se défaisant, remontant dans les encriers et ne laissant pour finir que des feuilles vierges, prêtes à recevoir une nouvelle théologie. Je caresse le manuscrit de Judas avec révérence. Ce doit être un apocryphe, me souffle la voix de la sagesse. Mais alors, pourquoi le Vatican l’a-t-il fait mettre sous clé dans sa bibliothèque ? Pourquoi le jeune jésuite l’a-t-il volé et a-t-il tenté de l’emporter à l’autre bout du monde ? La raison en est simple : parce qu’ils le jugeaient dévastateur. Et si le manuscrit est authentique, ils n’avaient pas tort.

Chapitre 18
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Quand je repose la plume et me frotte les yeux, l’aube pointe à l’horizon. Judas Iscariote – ou celui qui se prétend tel – clôt son Évangile par un témoignage direct sur les amis et disciples du Christ sortant le corps du sépulcre à la faveur de la nuit. Ils vont l’enterrer dans une tombe anonyme, de crainte qu’elle ne soit profanée par ses ennemis. C’est cette absence de tombe qui aurait donné naissance au mythe du Christ vainqueur de la mort et dont l’enveloppe corporelle aurait quitté le sépulcre. Une légende que ses fidèles n’auraient été que trop heureux d’entretenir, chacun racontant ses rencontres et ses conversations avec le défunt. Et cette légende a persisté au cours des siècles, étayée par des centaines de milliers de fidèles.

Chapitre 18
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Je lui récite un poème que j’ai composé il y a des années de cela. Je ferme les yeux et, tandis que les vers me reviennent en mémoire, ils me ramènent à des sommets neigeux se détachant sur un ciel violet, à des cols étroits, des nuits glacées, à la faim et l’épuisement, à la crainte d’avancer tout en sachant qu’il est impossible de revenir en arrière. Quand j’ai fini, elle pousse un profond soupir. (...)

Cela s’adresse à un moineau solitaire. Je le conjure de s’envoler vers une destinée plus noble et de renaître ailleurs.

Chapitre 18
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Ce talent que je possède, et qui aurait pu me servir dans les intrigues politiques de la vie religieuse, m’est très utile dans l’étrange existence que je mène.

Chapitre 18
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J’espérais que vous auriez quelques lumières qui nous étaient refusées, (...).

Chapitre 14
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