Samir Machado de Machado est né en 1981 à Porto Alegre, Brésil. Ce n’est donc peut-être pas un hasard si Tupinilândia commence à Porto Alegre, en 1981.
Ça m’arrive encore de temps en temps, c’est la couverture qui m’a irrésistiblement attirée ainsi que, pauvre de moi j’aurais presque honte, le bandeau fort alléchant.
La 4ème de couverture a fini de me convaincre et elle est très largement en dessous du contenu du roman.
Ce superbe livre de plus de 500 pages est une mine d’enseignements, un divertissement de haut niveau, un conte, une métaphore, un manuel d’histoire.
Cette histoire se découpe en fait en trois parties toutes aussi travaillées, différentes, intéressantes, prenantes les unes que les autres.
La première nous parle de Joao Amadeus, héritier d’un empire du BTP brésilien, très riche et fan de Walt Disney. Il est interviewé par Tiago, jeune journaliste, sur la construction en cours d’un immense parc d’attraction au cœur de la forêt amazonienne et fortement inspiré par les parcs Disney et les films avec Indiana Jones. Joao raconte son pays, la dictature menée par l’armée, le passé nazi du pays. Il décrit aussi la misère et les rêves d’enfants qu’il a gardés. L’auteur revient ainsi sans fard sur l’Histoire du Brésil du XXème siècle, sans rancœur ni colère mais plus dans l’acceptation ou l’aveu. Il nous décrit une paranoïa issue de la guerre froide envers le communisme, vu alors comme un danger et qui doit être combattu avec force. Pour ceux, comme moi, qui ne connaissent ni le pays, ni son histoire, c’est réellement très intéressant même si on aura tendance à penser que l’histoire, soit n’est pas terminée, soit se répète avec le gouvernement en place aujourd’hui. Cette première partie nous mène jusqu’au jour prévu de l’inauguration du parc Tupinilandia où on s’émerveille devant les attractions, les enclos à thèmes, les automates, les comédiens et la visite de la grande tour de contrôle truffée des technologies les plus modernes dans les années 80. Nous aussi, comme dès qu’on passe l’arche de l’entrée de DisneyLand, on redevient des gamins.
La deuxième partie change radicalement d’ambiance puisque lors de cette inauguration, les invités et leurs familles, ainsi que tous les employés, sont attaquées par une faction armée d’extrême droite et séquestrés dans le parc au prétexte qu’ils sont tous communistes. Or, c’est bien une débauche capitaliste que représente ce parc où tout fonctionne à l’aide de billets à l’effigie du par cet dont on doit faire le change à l’arrivée. Produits dérivés, gadgets, peluches, figurines, nourriture, casquettes et autres articles textiles, tout est fait pour que les futurs visiteurs achètent et le plus possible. Est-ce une manière de dire que ces factions d’extrême droite sont formées d’idiots ? oui, on peut dire que l’auteur en profite un peu (beaucoup) pour se moquer de ces militaires qui ont plus de muscles que de neurones. Mais l’intérêt aussi de cette deuxième partie c’est qu’elle est quand même bourrée d’action et d’effets spéciaux (littéraires). Le bandeau ne ment pas, on est en plein dans un Jurassic Parc à la mode Disney avec des enfants audacieux et futés, et des adultes parfois un peu patauds qui les suivent. Ça mitraille et ça castagne jusqu’à la toute fin de cette deuxième partie.
Vous ferez ensuite un bond de trente ans pour vous retrouver au présent avec un archéologue, Arthur, qui a entendu parler d’un parc d’attraction abandonné en plein milieu de la forêt amazonienne. Il rencontre alors Beto et Helena, les enfants de Joao, décédé depuis, ainsi que de Tiago. Tous trois lui racontent ce qu’il s’est passé trente ans auparavant et Arthur décide de partir en excursion pour visiter et faire une reconstruction virtuelle du parc avec deux de ses étudiants, dont sa fille Lara. Arrivés là-bas, ils vont avoir la surprise de découvrir une vraie colonie qui a vécu enfermée pendant ces trois décennies dans le parc. Persuadés qu’au dehors tout a sombré dans le chao du communisme, idée entretenue par le groupe qui dirige telle une mini dictature en autarcie complète, à coup de messages via des haut-parleurs et des écrans télé, où tout est contrôlé depuis le centre informatique du parc, où il n’y a plus aucune loi hormis celles édictée par le Général Kruel, chef suprême du camp. Là encore, le bandeau ne nous trompe pas et Orwell est partout présent dans cette dernière partie qui tendra à démontrer également qu’un régime dictatorial ne peut pas fonctionner et combien, aussi, il est facile de manipuler les esprits à l’aide de médias truqués.
Je pourrais parler des heures sur ce livre que j’ai trouvé hors normes et en dehors de tout code, impossible à classifier : politique, aventure, grand spectacle, il est tout ça et bien plus encore.
Lien :
http://www.evadez-moi.com/ar..