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Citations de Serge Bouchard (243)


Elle peut respirer le fleuve, à deux pas d’ici. Et, fermant les yeux, ressentir le même vertige qu’à l’automne 1681 lorsque, toute jeune femme, elle était descendue d’une grande barque, son enfant dans les bras; elle avait fait le voyage depuis Québec, avec ses parents et ses frères, épuisée déjà d’avoir traversé l’Atlantique. Et quelle traversée! Le capitaine du navire marchand avait dit au départ que la course allait être rude. Il prétendait que ses cheveux gris, il les devait à ses sept voyages au Canada.
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Tout être amoureux doit confesser son impuissance face à cet attrait. Je me définit ainsi. conscient d'en donner beaucoup et d'en recevoir tout autant, mais conscient surtout de tenir à l'amour comme on tient à la vie. Ce qui s'oppose à l'amour, ce qui le tue, c'est le calcul, c'est l'intérêt, le petit moi qui s'avantage et se protège. Je crois que nous vivons dans un monde adverse à l'amour véritable.
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Pour lui, le monde est catholique ou il n'est rien. Pourtant, même s'il est resté durant toute sa vie un homme du dix-neuvième siècle de par sa fidélité aux principes les plus traditionalistes de son temps, Guinard écrit ses mémoires sur un ton qui intrigue. En réalité, puisque c'est un prêtre de faible envergure, son rôle aurait dû être, en admettant qu'il ait eu le goût d'écrire (ce qui n'était pas le cas), de se poser en énergique propagandiste de la vie saine et heureuse dans les régions frontières, au difficile pays de la colonisation.
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L’accouchement du «nous» sera aussi torturé que celui du «je». Nous resterons assis «le cul entre deux chaises», nous changerons notre «nationalité canadienne-française» pour endosser la «nationalité québécoise-française», comme le chante Claude Gauthier dans le film.
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« S’il est vrai que les histoires nationales sont des mensonges énormes, s’il est vrai que chacun y va de son mythe déformant, alors autant choisir les fables et les choisir avec soin, autant retenir les plus belles, les plus grandes, »

(Lux, p.15)
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Moi, jeune anthropologue, jeune homme du même âge que Georges, j’écoutais. J’avais tout à apprendre, je faisais mes premiers pas sur le terrain. J’observais, j’admirais, naïf jusqu’à l’âme. Je m’installais au portail d’un espace mental très différent du mien, moi l’urbain, le Montréalais, le Canadien français. Mais le mystère est grand : j’étais attiré comme un poisson par le courant de la rivière. J’avais tout à apprendre, mais c’était comme si je savais déjà. Ce monde m’était familier, comme si j’avais une partie de cet univers en moi.
— Georges, pourquoi n’écoutes-tu pas ton père quand il parle?
— Tous les vieux marmonnent ces histoires depuis toujours. Mon père se raconte à lui-même. Mais il sait que nous l’entendons, comme dans la tente…
— Que dit-il?
— Il raconte sa vie, la vie des Anciens, il raconte des choses, des légendes, c’est toujours le même disque…
— Nous devrions l’enregistrer…
— Oui, ce serait une bonne idée… et mon père serait content…
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La grande vieillesse, comme la jeunesse, nous écarte du temps, ce sont des terrains protégés où le temps suspend bel et bien son vol, ces temps bénis qui s’écoulent à la poésie et à la rêverie.
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Dans les montagnes blanches, il y a des arbres noirs. Le Grand Esprit des Caribous fait la loi sur ces immensités stériles. Il donne la vie, il la retire aussi. L’Esprit dit : nourris le bon chasseur, punis le mauvais. J’ai le pouvoir d’encourager la bonne compagnie, celui de sanctionner la mauvaise. Tout repose sur moi, le caribou des bois, le caribou de la toundra. Je suis au cœur du vivant pour qui veut vivre, je suis l’énergie de la taïga. Qui dit caribou dit viande, peau, moelle, os, graisse, omoplate, sang, estomac. Nul ne gaspille la moindre partie de moi, c’est Paspakatshi, notre maître, qui l’a dit. Caribou a force de loi.
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Je suis le caribou, celui qui donne la force aux hommes, celui qui donne la force aux loups, le garde-manger des meutes et des familles. Mon œil noir réfléchit une étincelle subtile, toute la mémoire du monde tient dans ce clin de lumière, des monts Torngat du Labrador jusqu’en Abitibi, de la
Coppermine à la Porcupine, je suis la vie sur quatre pattes, le petit père des petits peuples du Nord, l’Atik des Innus, la fale à l’air, la fale toute blanche, l’inépuisable marcheur.
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La nordicité n’a cure des latitudes et des lignes droites. L’univers boréal est vaste et il prend des proportions considérables lorsqu’on réunit la taïga et la toundra canadiennes. La province de Québec est peut-être l’endroit sur la planète où la forêt boréale descend le plus au sud.
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Tout comme la foi chrétienne, la spiritualité amérindienne apporte son lot de superstitions: à chaque campement, au grand dam de Champlain qui a toute cette «sorcellerie» en horreur, on consulte le pilotois, c’est-à-dire le chaman, pour savoir si les esprits sont favorables. Nu à l’intérieur de sa hutte, invoquant le Diable, le pilotois entre en transe; après maintes convulsions et élucubrations dans une langue inintelligible, il annonce à son peuple – «assis sur leur cul comme des singes»; vraiment, Champlain n’apprécie pas cette pratique! – s’ils trouveront ou non leurs ennemis et s’ils en tueront beaucoup.
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Marcher et songer correspond à ce qu'il y a de plus profond chez les errants que nous sommes. Car enfin, peut-on passer sa vie sur terre sans y laisser quelques empreintes ? Je ne suis pas un piéton, je suis un promeneur, ne vous souciez pas de mon itinéraire, c'est celui d'un rêveur. J'entends marcher jusqu'au bout des années-lumières afin de retrouver à l'autre bout de l'univers la trace de mes propres pas. D'où l'importance d'éviter la bonne direction, d'où l'inutilité des allées piétonnières.
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Comme l'eau, j'aimerais fuir, m'ennuager, monter au ciel pour voyager, devenir noir et orageux, puis retomber sur la chaussée, passer d'un pneu à ton pare-brise, te voir un instant au volant, et sur ta glace vite essuyée redisparaitre dans le luisant anonymat d'une grande flaque sur le pavé. Si j'étais eau, je serais bruine et grand créateur d'atmosphères. Je ferais le climat romantique, une longue pluie belge ou hollandaise, sur un trottoir ou sur un quai ; je flotterais longtemps dans l'air à la recherche d'une femme, et puis après l'avoir trouvée, je viendrais sur son visage tout doucement me déposer.
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Les douches font reluire les machines éreintées, elles sont de grandes absolutions. Confessionnal de l'eau, ondée privée, recoin humide, refuge primal, c'est la tanière du blessé. Nul n'entre ta douche s'il n'y est invité. Les misérables peuvent y pleurer sans se faire remarquer, sans que personne vienne les y rejoindre pour les encourager. Est-ce de l'eau, sont-ce des larmes ? Nul ne le sait.
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Je crois que les épinettes noires surveillent l’éternité.
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Nous sommes devant un champ de ruines, nos vieilles granges s’effondrent comme le signal d’un naufrage. Il est grand temps de remettre la beauté au programme politique d’une société à créer.

Rappelons-nous : l’état des lieux est un état d’âme.
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L’épinette noire, gloire de la préhistoire, est une antenne qui nous relie à l’éternité. Elle nous insuffle une sagesse morose, une mélancolie du long cours. C’est l’arbre sur lequel je m’appuie, là où je repose mon esprit, mon dos brisé, mes jambes mortes. L’arbre sous lequel je bois ma tasse de thé, résolu, fatigué, heureux devant le petit feu qui sent si bon.
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Mais qui oserait se lancer en politique en proposant que le professeur devrait avoir autant sinon plus de prestige que le médecin? Nous devrions honorer l’enseignant, doubler son salaire, surveiller et célébrer son travail, reconnaître en lui l’architecte de la société de demain. Ici, commence le déniaisement, dirait mon Jankélévitch.
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Le sage sait que c'est dans la routine, la tranquillité et le monotone, autrement dit la vie ordinaire, que se cachent les instants bénis.
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Notre avenir est un grand vide indéterminé que nous comblons en étant. Seulement cela, être.
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