[...] Des fois, quand quelqu’un meurt et qu’on le respecte pas, y va pas dans l’au-delà. L’univers le refroidit, c’est comme ça qu’ils disent, les anciens. Ces morts-là ont une très bonne oreille, même qu’ils peuvent entendre les renards et les lapins dans les fourrés. Ils sentent plus le froid et leur corps est tout léger, ils sont capables de marcher au sommet des arbres et de franchir une rivière sans se mouiller.
Refroidi par l’univers, c’est comme ça qu’ils disent.
[...] Bien qu’ayant grandi à Anchorage, il était né à Chukchi et, mieux encore, il était entièrement inupiaq. Il avait quitté le village à dix-huit mois quand ses parents adoptifs, des enseignants blancs, avaient choisi de s’installer dans la principale ville d’Alaska parce qu’ils en avaient assez de la cambrousse. Certes, il ne serait jamais revenu à Chukchi si sa hiérarchie ne l’y avait affecté pour son premier poste, et il sauterait dans le premier avion pour Anchorage dès qu’il obtiendrait sa mutation. Malgré tout, voilà deux ans qu’il vivait sur place.