Citations de Stéphane Heuet (72)
Notre menu reflétait un peu le rythme des saisons et des épisodes de la vie car, au fond permanent d'oeufs, de côtelettes, de pommes de terre, de confitures, de biscuits, qu'elle ne nous annonçait même plus, Françoise ajoutait, selon les travaux des champs et des vergers, le fruit de la marée, les hasards du commerce, les politesses des voisins et son propre génie...
Ma seule consolation, quand je montais me coucher, était que Maman viendrait m’embrasser quand je serais dans mon lit.
...Et comme dans ce jeu où les Japonais s'amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d'eau, de petits morceaux de papier jusque là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés, s'étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l'église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé.
Les bourgeois d’alors se faisaient de la société une idée un peu hindoue, et la considéraient comme composée de castes fermées où chacun, dès sa naissance, se trouvait placé dans le rang qu’occupaient ses parents et d’où rien ne pouvait vous tirer ...
Ce qui manque ici, ce sont les moyens de commotion.
J’essayais de trouver la beauté là où je ne m’étais jamais figuré qu’elle fût, dans les choses les plus usuelles, dans la vie profonde des « natures mortes ».
… Je sais qu’il y a des jeunes gens à qui leur précepteurs ont enseigné la noblesse de l’esprit et l’élégance morale mais ce sont de pauvres esprits, descendants sans force de doctrinaires, et de qui la sagesse est stérile.
… On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même.
Il n’y a pas d’homme, si sage qu’il soit, qui n’ait à telle époque de sa jeunesse prononcé des paroles, ou même mené une vie, dont le souvenir ne lui soit désagréable et qu’il souhaiterait être aboli…
Faute d’une société supportable, il vivait dans un isolement, avec une sauvagerie, que les gens du monde appelaient de la pose et de la mauvaise éducation, les pouvoirs publics un mauvais esprit, ses voisins de la folie, sa famille de l’égoïsme et de l’orgueil.
"Il n'y a pas d'homme, si sage qu'il soit, qui n'ait à telle époque de sa jeunesse prononcé des paroles, ou même mené une vie, dont le souvenir ne lui soit désagréable et qu'il souhaiterait être aboli..."
"Je ne pus admirer combien la bourgeoisie française était un atelier merveilleux de la sculpture la plus généreuse et la plus variée."
"Il n'y a pas eu d'époque où tout le monde a du génie, tout ça c'est des blagues, ça serait plus fort que l'âge d'or."
En voie d'extinction eux aussi dans ce monde cruellement matériel, les poètes sont de nos jours encore semblables aux princes des nuées.
Mais s'ils se font rares, il restera toujours des poètes que la mer inspirera, des lecteurs pour aimer leurs textes - et pour certains, devenir marins.
Je me souviens encore de mon premier quart de nuit après le passage de la Ligne.
Je suis monté sur la passerelle supérieure. La brise était chaude, pas un nuage ne masquait la voûte céleste. Au-dessus de moi, l'univers était inconnu. Je découvrais le ciel de l'hémisphère Sud.
Et par-delà les années, j'entendais rouler la voix de mon instituteur de l'école Jean-Macé, tout là-haut en Europe, et la musique d'Heredia qui jouait tout bas :
"... Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles."
Les différentes périodes de notre vie se chevauchent ainsi l'une l'autre. On refuse dédaigneusement à cause de ce qu'on aime et qui vous sera un jour si égal, de voir ce qui vous est égal aujourd'hui, qu on aimera demain, qu'on aurait peut-être pu, si on avait consenti à le voir, aimer plus tôt, et qui eut ainsi abrégé vos souffrances actuelles, pour les remplacer, il est vrai, par d'autres.
Quand on aime, l'amour irradie vers la personne aimée, rencontre en elle une surtace qui l'arrête, le force à revenir vers son point de départ ; et c'est ce choc en retour que nous appelons les sentiments de l'autre et qui nous charme plus qu'à l'aller, parce que nous ne reconnaissons pas qu'elle vient de nous.
Et elle continuait à parler tout le temps du ministère comme si ç'avait été l'Olympe.
Comme des feux arrachès par un grand coloriste à l'instabilité de l'atmosphère et du soleil, lls m'invitaient, ces chryeanthèmes, à goûter avidement pendant cette heure du thé les plaisirs sl courts de novembre dont ils faisaient flamber près de mol la splendeur intime et mystérieuse.
Ce n’est jamais qu’à cause d’un état d’esprit qui n’est pas destiné à durer qu’on prend des résolutions définitives.
Longtemps je me suis couché de bonne heure... et quand je m’éveillais au milieu de la nuit, comme j'ignorais ou je me trouvais, je ne savais même pas au premier instant qui j'étais;