Stéphane de Freitas

Au lycée, à force de pratique, je suis devenu de plus en plus à l'aise pour prendre la parole. Je lisais le journal "le Monde" et je surlignais tous les mots que je ne connaissais pas, pour aller vérifier leur signification. J'apprenais le français comme on apprend une langue étrangère.
Plus je lisais, plus je m'améliorais à l'oral et plus je m'améliorais, plus je m'affirmais : c'était un cercle vertueux.
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Prendre la parole ne se résume pas à trouver des idées et à identifier des émotions. C'est, aussi et surtout, un effort de la voix, des mains, de la posture, de la démarche...S'exprimer en public relève de l'exercice physique.
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" Le jury valorise la solidité des connaissances du candidat, sa capacité à argumenter et à relier les savoirs, son esprit critique, la précision de son expression, la clarté de son propos, son engagement dans sa parole, sa force de conviction ."

L'esprit critique consiste à mettre en lumière les erreurs de raisonnement, les arguments fallacieux ou des illustrations qui font appel à nos émotions, notamment celles qui font passer un exemple pour une vérité générale. La capacité à s'interroger sur la réalité ou la probabilité de faits allégués, ou encore sur l’interprétation et l'importance qu'on leur accorde, est devenue un enjeu primordial en ce début de XXIème siècle. C'est pourquoi notre pédagogie s'attache tout particulièrement à développer cette capacité chez les jeunes.
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À voix haute a circulé dans de nombreux établissements scolaires. J'ai été contacté par des professeurs de collège et de lycée, des proviseurs, des animateurs de services jeunesse, des enseignants de centres de formation et d'apprentissage. Ils souhaitaient que leurs élèves ou les jeunes qu'ils encadraient bénéficient des mêmes engagements, afin qu'ils réfléchissent aux individus qu'ils étaient, qu'ils soient mieux outillés face au monde, qu'ils dialoguent plus facilement au quotidien. Cette éducation au savoir-être crée des cercles vertueux capables d'endiguer l'autocensure et la mauvaise estime de soi de nombreux jeunes.

Chez soi, au bureau ou au restaurant, les écrans sont devenus nos meilleurs amis et peuvent nous pousser à couper la communication avec nos entourages proches. La cyberdépendance est devenue un problème sociétal qui enferme de nombreuses personnes dans une « Ultra Moderne Solitude », comme le chantait Alain Souchon.

Alors, l'éloquence aurait-elle déserté le champ de la politique ?
En tout cas, elle s'y fait de plus en plus rare. La forme tend à prévaloir sur le fond et la prise de parole de nos dirigeants vire plus à l'exercice de communication qu'au discours sincère et visionnaire.

La formulation est le prérequis du passage à l'action. Savoir exprimer clairement ses opinions, ses objectifs, ses ambitions, ses rêves, ses envies face à quelqu'un, c'est la première étape, fondamentale, pour qu'ils puissent un jour exister ailleurs que dans son esprit.

L'autonomie de réflexion est structurante. Etre naturellement capable de se forger sa propre opinion et de l'exprimer, c'est être capable de prendre des initiatives en société.

Apprendre la prise de parole revient à apprendre, d'abord et avant tout, à asseoir sa confiance en soi.

Le constat était simple ; pour nous entendre, il nous fallait réapprendre à dialoguer. Au sein d'une société plurielle, si on ne se parle pas, on ne peut pas se comprendre, si on ne peut pas se comprendre, il n'y a plus d'idéal commun et nous ne savons plus ce qui nous relie les uns aux autres. C'est potentiellement la fin du pacte de société et le début du déchirement social.

Au lycée, à force de pratique, je suis devenu de plus en plus à l'aise pour prendre la parole. Je lisais le journal Le Monde et je surlignais tous les mots que je ne connaissais pas, pour aller vérifier leur signification. J'apprenais le français comme on apprend une langue étrangère.
Plus je lisais, plus je m'améliorais à l'oral et plus je m'améliorais, plus je m'affirmais: c'était un cercle vertueux.

En lisant les Oeuvres morales de Plutarque, j'ai enfin compris que si la parole était fondamentale, l'écoute l'était tout autant, si on voulait créer un dialogue et un enrichissement mutuel entre un rhéteur et son assistance [...]. Plutarque y évoque les orateurs qui ne parlent que pour s'écouter parler, se regarder convaincre, sans jamais prêter attention aux autres. Il dénonce ce que l'on pourrait appeler "l'éloquence du nombril", l'éloquence comme simple expression de notre égo. Plutarque déplore que l'art de discourir dans les instances politiques se soit dissocié de son objectif premier, discuter de l'intérêt collectif et s'écouter les uns les autres. Bien qu'il parle de la situation en Grèce antique sous la domination de Rome, ce texte est étonnamment contemporain.

L'éloquence, c'est l'état de grâce d'un discours qui transperce les personnes qui l'écoutent.

Dans une société où les flux d'information abondent en permanence, nous instruisent ou nous manipulent, nous pouvons être pris de vertiges. Nous sommes « ultra-informés», mais le volume d'informations contradictoires n'a jamais été aussi important. Plus que jamais, il est devenu indispensable de faire preuve de discernement, d'esprit critique.

Au fond, ce que l'on appelle le développement de l'esprit critique, c'est la capacité à penser par nous-mêmes, à trier et sélectionner des informations en fonction de ce qui nous semble juste, au plus profond de nous.

Le fait de prendre la parole en public est une des plus grandes peurs des Français. Dans une interview au journal Le Parisien en janvier 2013, le psychiatre Frédéric Fanget estime qu'au moins 60% d'entre eux appréhendent cet exercice. Les raisons de cette crainte varient : anxiété de performance, crainte de ne pas être à la hauteur pour soi, peur du jugement des autres.
Ce chiffre montre bien que prendre la parole ne fait pas partie de notre culture.

Avec l'expérience, je dirais que les discours les plus "éloquents" que j'ai eu à entendre au cours de nos formations sont ceux qui ont été prononcés de la manière la plus authentique. Lorsque la personne qui parle ne triche pas, l'effet sur le public est immédiat, quels que soient son niveau de langue, son milieu social ou son âge.

Un individu qui emploie un niveau de langage inapproprié face à son auditoire court le risque de ne pas être compris, voire déconsidéré.

J'en suis venu à la conclusion que si l'éloquence est la parole qui convainc et provoque de la sympathie pour l'orateur, il n'y a pas une éloquence, mais des éloquences. Il en existe autant qu'il existe d'individus, de personnalités et de convictions. En définitive, elle est à la portée de tous. Si elle se cache parfois dans les discours de personnes inexpérimentées, sans même qu'elles en soient conscientes, c'est bien la pratique régulière de la prise de parole qui permet de la révéler et de la développer.