Citations de Stephen McCauley (193)
A ma connaissance, mon père n'avait pas esquissé un seul sourire depuis vingt-cinq ans, si l'on exclut les ricanements qu'avait pu lui arracher le spectacle du malheur d'autrui.
Comme n'importe quel quidam ayant déjà lu un roman, c'est une option que j'avais également envisagée mais j'avais décidé qu'elle exigeait trop de vigueur intellectuelle. En dépit de son air épuisé, Louise possédait cette vigueur. J'attendais qu'un talent ou une ambition insoupçonnés surgissent et me prennent par la main -la bosse des maths, par exemple, ou le don de jouer du piano d'oreille, ou encore une folle envie de faire du patinage de vitesse en compétition. Si rien de tel ne se présentait, je pourrais toujours me rabattre sur la fac de droit.
Je n'ai jamais compris pourquoi les gens prennent tant de peine à essayer d'avoir des traits parfaits alors que ce sont les imperfections qui rendent un visage attirant et inoubliable -nez bosselé, bouche tordue, yeux mal alignés.
Je m'étais surtout inscrit à l'université pour prendre mes distances avec mon père, partiellement à ses frais, et avais complètement oublié que cela impliquait d'étudier, de suivre des cours et de prétendre m'intéresser à l'avenir.
Après le décès subit de ma mère, il y a de cela quelques années, Agnès et moi avions trouvé parmi ses papiers une boîte à chaussures remplie d'étranges recettes de cuisine, manuscrites, qu'elle avait élaborées dans les derniers mois de son existence. Agnès essayait de les classer dans l'espoir de les faire publier. J'avais lu quelques-unes d'entre elles et y avais trouvé la preuve que, vers sa fin, notre mère était surmenée et mal dans sa peau, voire déséquilibrée sur le plan émotionnel. Quelle autre explication pouvait-on donner à "Sablés au thon", "Pâté en croûte bouilli" ou "Gâteau miracle", une curieuse concoction à base de sirop de chocolat et de tranches de pain blanc aplaties au moyen d'une poêle à frire ?
Quant à ce qu'elle pouvait bien avoir à me raconter au sujet de notre père, eh bien, on avait le choix entre les mauvaises nouvelles et les très mauvaises nouvelles, et comme je ne consommais pas d'antidépresseurs, je ne me sentais d'humeur à entendre ni les unes ni les autres. L'idée m'effleurait parfois de m'y mettre, aux antidépresseurs, mais la malchance veut que j'appartienne à une génération qui ne se sent bien qu'avec des vitamines naturelles ou de la drogue achetée sur le trottoir.
"Je commence à perdre espoir, dit Marcus, tenant sa tasse à hauteur des lèvres.
- Surtout pas, affirmai-je. Tu es trop jeune pour perdre espoir." En réalité, approchant à grandes enjambées de la quarantaine, Marcus avait statistiquement l'âge idéal pour perdre espoir.
L'arrangement selon lequel deux hommes vivent ensemble sans lien sentimental est toujours considéré comme temporaire, à moins qu'ils ne soient frères, auquel cas on peut considérer qu'ils sont fous et que par conséquent l'arrangement est permanent.
"Force moins, lui chuchote t-il. Détends-toi, écoute la musique et laisse les choses venir à leur rythme. ça ne marchera que lorsque tu auras compris que le verrou se trouve à l'intérieur de la cage"
il lui masse un instant les épaules avec les pouces, avant de s'éloigner.
Joni Mitchell succède à Jimi Hendrix. "California" est un des titres de "Blue", l'album préféré de Stéphanie.
Le verrou se trouve à l'intérieur de la cage ?
Qu'at-il voulu dire? Stéphanie bataille une fois de plus pour se hisser dans la posture,et, au moment où elle est sur le point de la stabiliser, elle croit comprendre : ce n'est pas tant la posture elle-même qui lui permettra de rompre ses entraves que son propre désir de s'en libérer.
Car peu importe les jugements dont Rusty Branson l'accable - ils ne pèsent rien comparés à tout ceux dont elle s'accable elle-même.
Joni accompagne à la perfection cette révélation : "Will you take me as i am ? Will you, will you...
Et alors, pour la toute première fois de sa vie peut être, Stephanie se sent faire acte de toute-puissance en décidant qu'elle ne s'acharnera pas sur cette posture là aujourd'hui. Elle est en train d'ouvrir cette immense, encombrante cage symbolique.
Elle se recroqueville dans la position de l'enfant et, tandis que son corps semble s'enfoncer de tout son poids dans le sol, son esprit, lui commence à léviter."
"Ces temps-ci, les nouveaux yogas font un tabac et provoquent un engouement confinant à l'excitation sexuelle, proposent tous des pratiques hybrides.
C'est comme plaisante Lee, du "yoga fusion" : du yoga croisé avec de la danse, l'acrobatie ou la boxe française.
La salsa. La gymnastique. La natation.
On peut faire du discoyoga. Du piloga. Du yogaquatique.
Quel sera le prochain ? Yoga on ice ? A ce qu'a entendu dire Katerine, celui-là existe déjà."
Il ne m'appelait presque plus jamais, et quand il le faisait j'étais encore assez stupide pour trouver ça flatteur. Tony est exactement le genre de braillard de droite contre qui je me sens toujours obligé de prendre position par principe, tout en rêvant secrètement qu'il m'approuve.
Le principe de Peter - cette théorie selon laquelle les employés d'une hiérarchie sont promus jusqu'à leur seuil d'incompétence - peut être ou ne pas être valable dans le monde des affaires, mais une chose est certaine, c'est qu'il s'applique aux relations amoureuses.
Jeffrey avait raison : je voulais une maison, un abri sûr et rassurant contre la chaleur, la maladie et la folie d'un monde qui courait à sa perte. Mais ce que j'étais incapable d'identifier, c'était le prix que j'étais prêt à payer pour cela.
Quoi de plus futile, ou de déplaisant, qu’un chapelet d’excuses ?
Plus les gens en savent sur vous, plus ils détiennent d’informations à utiliser à vos dépens – votre sexualité ou votre passé médical, qui vous fréquentez, les difficultés d’apprentissage de vos enfants, votre passif avec l’alcool ou les médicaments.
Exposer sa vie privée, quelle qu’elle soit, sur la place publique, vous fragilise, et on ne peut jamais prévoir sur quoi portera le coup.
L’année qui vient de passer n’a certainement pas été la plus belle de sa vie, mais elle s’évertue à ne rien laisser filtrer, ce qui est peut-être le meilleur moyen de tourner la page.
ces profs particuliers, qui passent d’un client à l’autre, sont autant de maillons d’un système d’information qui quadrille la ville. D’un côté, c’est pratique : on est au courant de tout ce qui se passe. Le revers de la médaille, c’est que, si un client est grippé, le virus se répandra à la même allure.
On trouve tout sur Internet, quand on sait où chercher.
Certains sentiments sont impossibles à feindre.
En ce moment, mon vice, c’est le café. Je me console en me disant que ça vaut mieux que la cigarette.