À vrai dire, je n'ai pas lu le livre à proprement parler. Mais comme le livre, que j'ai fini par acheter, contient le texte presque mot pour mot du documentaire en quatre épisodes diffusé sur Arte cette semaine, je me crois autorisé à rédiger sur lui ce petit paragraphe.
Quel choc ! le documentaire, et donc le livre qui en est tiré, s'attache à remettre en cause la vision strictement occidentale du monde. Il expose comment l'homme blanc européen, au long des cinq ou six derniers siècles, à partir de théories racistes, suprémacistes établissant des hiérarchies entre les peuples, s'est construit une légitimité morale pour déporter, asservir et massacrer des dizaines de millions de personnes. On est loin des jolis contes, pleins de gloire et d'esprit de joyeuse conquête, d'aventuriers héroïques gentiment civilisateurs, de penseurs des Lumières inventant les Droits de l'Homme, qui font les récits fondateurs de nos nations européennes.
Ainsi, tout, y compris "naïvement" dans nos manuels scolaires actuels, semble participer de près ou de loin de ce mécanisme de légitimation à se croire "de la race supérieure". Jusqu'à ce terme employé ordinairement de "découverte" de l'Amérique. Mais, ainsi que le rappelle le réalisateur, l'Amérique a été découverte voici près de 20 000 ans, elle est peuplée depuis longtemps ! Et les hommes et les femmes qui y ont vécu et qui y vivent encore ont une histoire valant la nôtre, et qui commence bien avant l'arrivée de Colomb ! Autrement dit, ils n'ont certainement pas attendu l'arrivée de l'homme blanc pour entrer dans la grande histoire de l'espèce humaine ! Ce que l'expression "découverte" semble leur nier...
Documentaire véritablement passionnant, même s'il est souvent très dur. Il existe des chocs nécessaires. Raoul Peck citant Javier Marias : "Il y a des choses si mauvaises que le simple fait qu'elles aient eu lieu doit suffire. On n'a pas besoin de leur donner une deuxième vie en les racontant. (...) En tout cas, il y a des jours où je le pense. Et d'autres où je pense le contraire. le passé a un avenir imprévisible."
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Exterminer toutes ses brutes .
Vu hier soir sur Arte ...
une œuvre colossale sur la suprématie blanche .
Dans cette série documentaire (à voir depuis le 25 janvier sur Arte.tv, à partir du 1er février sur Arte), le cinéaste haïtien Raoul Peck retrace d’un point de vue non occidental l’histoire du colonialisme et de l’esclavagisme. Il offre au passage une saisissante réflexion sur la nature de la vérité, applaudie aux États-Unis par les titres de presse les plus renommés.
“L’existence même de ce film est un miracle”, déclare Raoul Peck dans le quatrième et dernier épisode d’Exterminez toutes ces brutes, la minisérie documentaire qu’il a écrite, réalisée et dont il assure la narration en voix off (en anglais comme en français). Reprenant la citation du réalisateur haïtien, le site d’information américain The Intercept acquiesce : “C’est 100 % vrai.”
Aux États-Unis, où Exterminez toutes ces brutes a été diffusée en avril dernier sur la chaîne câblée HBO (dix mois avant sa programmation en France sur Arte*), plusieurs publications ont ainsi donné raison à Raoul Peck.
La série est un réquisitoire implacable contre le racisme, le génocide, le colonialisme, les déprédations du capitalisme impérialiste et post-impérialiste”, résume The Nation .
C'est à voir en replay sur Arte , Franchement ne louper pas ces 4 épisodes , c'est juste incroyable ....Mais vrai .
Je fais une critique pour pouvoir prévenir les gens que c'est à voir à la tv , mais je vais acheter ce livre .
NE LOUPEZ PAS CA ...
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Sven Lindqvist frappe fort avec ce livre.
Mélange entre essai et récit de voyage, "Exterminez toutes ces brutes" évoque le principe génocidaire avant même que le mot "génocide" n'ait été inventé. Tout le monde a déjà entendu parler de la Shoah, de l'Holocauste, et c'est souvent cet épisode abominable qui est considéré comme le premier génocide. Or ; peut-être n'est-il qu'une continuation de mentalités et de pratiques nauséabondes qui se sont perpétuées pendant tout le XIXe siècle.
A travers le colonialisme et l'impérialisme, divers États ont massacré sans vergogne des populations entières jugées "inférieures". Même les espèces animales et végétales en ont fait les frais. Chaque nation européenne s'offusquait des massacres des autres, tout en justifiant le sang qu'elle avait sur les mains. L'auteur suédois s'appuie sur différentes sources pour le démontrer et nous glace le sang de tant de barbarie chez des gens qui se prétendait hautement civilisés.
J'ai trouvé son livre incroyablement pertinent. Il révèle les mécanismes psychologiques, sociaux et historiques qui entraînent de tels drames. J'ai un peu décroché sur les parties où il décrit son voyage en Afrique qui, pour moi, coupent sa démonstration et sont un peu soporifiques. Sans cela, c'est un travail éclairant sur l'Histoire de nos sociétés et sur les conflits qui les déchirent encore.
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le suédois Sven Lindqvist, inspiré par la phrase : « Exterminez toutes ces brutes » écrite à la fin du rapport de Kurtz dans le roman de Conrad, Au coeur des ténèbres, analyse les crimes de la colonisation européenne en Afrique.
Sven Lindqvist dénonce le racisme primaire des colons qui qualifient les Africains de brutes, leur retirent de fait toute humanité et justifient leur extermination. Des massacres, connus de la Belgique et de l'Angleterre, largement indifférentes, pour une conquête réalisée uniquement grâce à une supériorité militaire. Une brutalité issue d'une idéologie plus largement développée par les nazis allemands pour motiver le génocide des «races inférieures» dont les Européens, anglais surtout, comme le montre Lindqvist, ont été les précurseurs.
Exterminez toutes ces brutes est une réflexion remarquable et indispensable sur l'idéologie de la colonisation européenne et ses conséquences.
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Dans cet essai doublé d'un récit de voyage, dont le titre vient d’une phrase d’un roman de Conrad, Lindqvist, sans colère, montre que cette injonction résume la position de l’Européen sur l’Africain depuis l’esclavage et que cette sentence a des effets jusqu’au XXe, y compris dans les guerres et massacres européens. A avilir l’Autre, nous nous sommes déshumanisés nous-mêmes.
F.L
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