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Citations de Svetlana Alexievitch (925)


On voit ressurgir [en Russie dans les années 2010] des idées démodées : celles de "notre grand empire", d'une "main de fer", de la "spécificité de la voie russe"... On a rétabli l'hymne soviétique, nous avons des komsomols [Jeunesses communistes en URSS], seulement maintenant, ils s'appellent Nachi ("Les Nôtres"), il y a le Parti du pouvoir, qui est une copie du Parti communiste. Le président a autant de pouvoir qu'un secrétaire général. Un pouvoir absolu. Et au lieu du marxisme-léninisme, nous avons l'orthodoxie...
Avant la révolution de 1917, Alexandre Grine avait écrit : "On dirait que l'avenir a cessé d'occuper la place qui lui revient". Cent ans ont passé, et voilà que de nouveau l'avenir n'est plus à sa place. Nous sommes entrés dans une époque "de seconde main".

(p. 28)
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Nouvelles règles du jeu : si tu as de l'argent, tu es quelqu'un, si tu n'en a pas tu es personne. Qui ça intéresse que tu ai lu Hegel ? Un "littéraire", cela sonnait comme le diagnostic d'une maladie.
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Visiblement, les radiations étaient telles que tous les équipements brûlaient, mais les petits soldats en combinaison et gants de caoutchouc couraient dans tous les sens.
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J'ai compris qu'une femme, elle, peut raconter ses humiliations, mais pas un homme. Il est plus facile pour une femme d'avouer ce genre de choses, parce qu'au plus profond d'elle-même, elle est préparée à la violence, même l'acte sexuel, en soi, est une violence...
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Au-dessus de la centrale, la fumée n’était ni noire ni jaune. Elle était bleue. Mais personne ne nous disait rien… C’était, semblait-il, l’effet de l’éducation. La notion de danger était uniquement associée à la guerre, alors que là, il s’agissait d’un incendie ordinaire, combattu par des pompiers ordinaires…
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Un événement raconté par une seule personne est son destin. Raconté par plusieurs, il devient l’Histoire. Voilà le plus difficile : concilier les deux vérités, la personnelle et la générale. Et l’homme d’aujourd’hui se trouve à la fracture de deux époques…
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L'homme est plus grand que la guerre. Je retiens précisément les moments où il est plus grand qu'elle. C'est quand il y est gouverné par quelque chose de plus fort que I'Histoire. Il me faut embrasser plus large : écrire la vérité sur la vie et la mort en général, et non pas seulement la vérité sur la guerre. lI ne fait aucun doute que le mal est séduisant : il nous hypnotise par sa provision d'inhumanité profondément enfouie en l'homme. J'ai toujours été curieuse de savoir combien il y avait d'humain en l'homme, et comment l'homme pouvait défendre cette humanité en lui. Mais pourquoi alors un tel intérêt pour le mal ? Peut-être pour savoir quels dangers nous menacent et comment les éviter ? Je m'enfonce de plus en plus loin dans le monde infini de la guerre, tout le reste a légèrement terni, est devenu plus ordinaire qu'à l'ordinaire. C'est un monde trop envahissant, trop puissant. Je comprends à présent la solitude de l'individu qui en revient. C est comme s'il revenait d'une autre planète ou bien de l'autre monde. Il possède un savoir que les autres n'ont pas, et qu'on ne peut acquérir que là-bas, au contact de la mort. Quand il essaie d'en transmettre quelque chose par des mots, il a le sentiment d'une catastrophe. Il devient muet, Il voudrait bien raconter, les autres voudraient bien savoir, mais tous sont impuissants.
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Je ne cherche pas à produire un document mais à sculpter l'image d'une époque. C'est pourquoi je mets entre entre sept et dix ans pour rédiger chaque livre. J'enregistre des centaines de personnes. Je reviens voir la même personne plusieurs fois. Il faut d'abord, en effet, la libérer de la banalité qu'elle a en elle. Au début, nous avons tous tendance à répéter ce que nous avons lu dans les journaux ou les livres. Mais, peu à peu, on va vers le fond de soi-même et on prononce des phrases tirées de notre expérience vivante et singulière. Finalement, sur cinquante ou soixante-dix pages, je ne garde souvent qu' une demi-page, cinq au plus. Bien sûr, je nettoie un peu ce qu'on me dit, je supprime les répétitions. Mais je ne stylise pas et je tâche de conserver la langue qu'emploient les gens. Et si l'on a l'impression qu'ils parlent bien, c'est que je guette le moment où ils sont en état de choc, quand ils évoquent la mort ou l'amour. Alors leur pensée s aiguise, ils sont tout entiers mobilisés. Et le résultat est souvent magnifique. N'oublions pas que l'art de la parole est une tradition russe. Les Italiens ont la grande peinture, les Allemands la grande musique. Les Russes, eux, ont développé une culture logocentrique, qui exalte le verbe. Je ne suis donc pas journaliste. Je ne reste pas au niveau de l'information, mais j'explore la vie des gens, ce qu'ils ont compris de l'existence. Je ne fais pas non plus un travail d historien, car tout commence pour moi à l'endroit même où se termine la tâche de l'historien : que se passe-t-il dans la tête des gens apres la bataille de Stalingrad ou après l'explosion de Tchernobyl ? Je n'écris pas l'histoire des faits mais celle des âmes.
Entretien avec Svetlana Alexievitch dans l'Introduction
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Mon principe est de chercher à comprendre la vie humaine. Dénoncer le mensonge du systeme soviétique ou du poutinisme me demeure secondaire. Les choses ne m'intéressent pas lorsqu'elles se situent sur le plan idéologique, qui reste pour moi superficiel. Mais le résultat est que ces livres détruisent tout de même les mythes, soviétiques ou postsoviétiques.
Entretien avec Svetlana Alexievitch en Introduction
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“Sur les cent millions de personnes qui peuplent la Russie soviétique, nous devons en entraîner derrière nous quatre-vingt-dix millions. Les autres, on ne peut pas discuter avec eux, il faut les anéantir.” (Zinoviev, 1918.)
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Un communiste, c’est quelqu’un qui a lu Marx, et un anticommuniste, c’est quelqu’un qui l’a compris…
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Et puis une grue soulève la maison et la dépose dans la fosse...Les poupées, les livres, les bocaux de verre gisent par terre...Une pelleteuse repousse tout dans le trou, puis on le comble avec du sable, de l'argile et l'on dame la surface. A la place du village, il n'y a plus qu'un champ. Et dessus, on a semé de l'orge. Notre maison est enterrée là-bas.
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« C'est grâce à ça que je vis maintenant. Grâce à l'aumône des souvenirs. »
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Nous vivons dans un pays de pouvoir et non un pays d’êtres humains. L’État bénéficie d’une priorité absolue. Et la valeur de la vie humaine est réduite à zéro. On aurait pourtant bien pu trouver des moyens d’agir ! Sans rien annoncer et sans semer la panique... Simplement en introduisant des préparations à l’iode dans les réservoirs d’eau potable, en les ajoutant dans le lait. Les gens auraient peut-être senti que l’eau et le lait avaient un goût légèrement différent, mais cela se serait arrêté là. La ville était en possession de sept cents kilogrammes de ces préparations qui sont restées dans les entrepôts... Nos responsables avaient plus peur de la colère de leurs supérieurs que de l’atome
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Les instructions disaient que la cabine du tracteur qui creusait les sillons de drainage devait être hermétiquement fermée et protégée contre les radiations. J’ai vu l’un de ces tracteurs. La cabine était en effet hermétique, mais l’engin était à l’arrêt et son conducteur couché dans l’herbe. Il se reposait.
— Êtes-vous fou ? Ne vous a-t-on pas averti ?
— Mais je me suis couvert la tête avec mon gilet molletonné.
Les gens ne comprenaient pas. On les préparait à une guerre nucléaire, mais pas à Tchernobyl...
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Le sol était contaminé de manière inégale. Dans le même kolkhoze, il y avait des champs “propres” et des champs “sales”. Ceux qui travaillaient dans les champs “sales” étaient mieux payés et tout le monde voulait y aller... Les gens refusaient d’aller dans les champs “propres”...
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Le président d’un kolkhoze apportait une caisse de bouteilles aux dosimétristes pour qu’ils n’inscrivent pas son village sur la liste des lieux interdits, alors que son collègue d’un autre patelin apportait une caisse semblable, justement pour obtenir l’évacuation, parce qu’on lui avait déjà promis un trois pièces à Minsk. Personne ne contrôlait les mesures de radiation. Le bordel russe habituel.
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Nous sommes retournés chez nous. J’ai enlevé tous les vêtements que je portais et les ai jetés dans le vide-ordures. Mais j’ai donné mon calot à mon fils. Il me l’a tellement demandé. Il le portait continuellement. Deux ans plus tard, on a établi qu’il souffrait d’une tumeur au cerveau... Vous pouvez deviner la suite vous-même. Je ne veux plus en parler.
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“Est-ce qu’on peut manger des pommes de Tchernobyl ?” Réponse : “Bien sûr que l’on peut, mais il faut enterrer profondément les trognons.”
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J’ai lu qu’on avait attrapé, près de Tchernobyl, un soldat évadé. Il s’était construit une hutte et est parvenu à vivre toute une année près du réacteur. Il se nourrissait de ce qu’il trouvait dans les maisons abandonnées : un peu de lard, une boîte de cornichons. Il posait des collets. Il a déserté parce que les “anciens” le battaient à mort. Il a préféré Tchernobyl aux sévices...
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