Citations de Tania de Montaigne (85)
— Vous êtes si beaux, si intelligents, nous vous soutenons, nous voudrions faire des tee-shirts, des brassards, des mugs avec vos visages, ceux de vos parents, de vos arrière-grands-parents. Nous voudrions faire des escarpins couleur « amande caramélisée ».
La famille répondit :
— Nous ne voulons pas de vos tee-shirts, de vos brassards, de vos mugs ni de vos escarpins.
Nous ne voulons pas que vous nous trouviez beaux, nous avons des amis pour ça. Nous voulons des juges, pas des amis.
- Et si on supprimait la fiction, la fiction est un RISQUE. Il vaut mieux se concentrer sur les essais ou l'autofiction. L'histoire d'un auteur n'est pas contestable, alors qu'une histoire inventée comportera toujours une zone que nous ne maîtrisons pas.
- Super! Parlons-en en réunion.
- Peut-être que la littérature est un risque? avait répondu l'auteure.
- C'est-à-dire?
- Il me semble que la littérature comme tous les arts est un des rares espaces où l'on peut voyager dans l'Autre, être quelqu'un ou quelque chose qu'on n'est pas dans la vie réelle. Ce qui, en soi, est un risque. Non?
L'oubli permet juste de rester à tourner dans la même roue.
On a toujours le choix de ne pas lire un livre. C'est l'inverse qui est bizarre. Pourquoi tu choisirais de t'infliger une lecture qui te met mal à l'aise ou te fait de la peine alors qu'il suffirait de ne pas le faire pour aller mieux ?
Un livre Feel Good devait forcément être sans RISQUE pour le lecteur et sans RISQUE pour l’auteur.
- Qui a lancé ça ?
- Quelqu'un.
- Quelqu'un qui s'y connaît en étymologie ?
- Ça n'est pas le problème.
"Ne blesser personne, satisfaire tout le monde", article 14, extrait de la charte Feel Good.
Quelle est l'utilité de remettre cette injure sur le devant de la scène alors qu'elle pourrait blesser des gens ?
Pour qu'on sache, qu'on connaisse l'Histoire, dit l'éditeur.
Il était l'homme à abattre, non pas pour avoir tué, torturé, trafiqué, violé ou exterminé, mais parce qu'il avait écrit un livre, un roman, une fiction sur Dieu. À ce titre, on pouvait le condamner à mort et dire "J'appelle à l'exécuter où qu'il se trouve". Elle se souviendrait plus tard avoir pensé: chez Feel Good, une chose pareille n'arrivera pas, je ferai en sorte que nos lecteurs soient heureux et calmes.
Elle en avait donc conclu que les filles Bien n'ont jamais d'ennui. Ce qui, par effet de balancier, lui confirmait à quel point sa propre mère ne devait pas en être une.
Être noir, contrairement à ce que l'on imagine, ça n'est pas une question de peau, c'est une question de regard, de ressenti.
Il n'y a plus d'esclavage, mais on fait le nécessaire pour que rien ne bouge. Tout est en place pour que, sous couvert de légalité, règne l'arbitraire et la terreur la plus grande, rendant tout blanc, juge et partie, faisant de tout noir un coupable idéal. Pour que le droit règne, il fait pouvoir se plaindre, et à qui peut se plaindre un noir, si ce n'est à un blanc ? Pas de légalité sans égalité, pas d'égalité sans légalité, Jump Jim Crow.
- Et vous, en tant que Noire, qu'est-ce que vous en pensez ?
Ah, les Noirs et l'Afrique ! Je suis française, et pourtant, souvent, on me propose de de retourner chez moi. J'ai même eu le cas, lors d'un entretien d'embauche, d'un recruteur qui me conseillait gentiment de postuler plutôt dans "mon pays" car j'y aurais, selon lui, "beaucoup plus de chance". "Mon pays". Mais quel est ce pays ?
Comme le Père Noël, les Noirs (et tous ceux dont on peut parler en ayant l’illusion qu’en mettant une majuscule on a tout dit d’eux, les Juifs, les Musulmans, les Roms, les…), sont rassurants, parce qu’ils donnent l’impression qu’au moins, cet aspect du monde est maîtrisé. Ils mettent de l’évidence là où personne n’est sûr de rien. Comme le Père Noël, les Noirs et tous les êtres en majuscules sont toujours comme on croit qu’ils sont. Il permettent d’oublier que le rapport à l’Autre est incertain, inmaîtrisé, inmaîtrisable. Alors, si aujourd’hui vous êtes parvenus à ne plus croire au Père Noël, si vous avez réussi à vous remettre de cette désillusion enfantine, nul doute que vous pourrez faire face, haut la main, à ce nouveau défi : cesser de croire que les Noirs, et tous les êtres en majuscules, existent.
Des agresseurs de toutes les couleurs, toutes les religions, mais avec un point commun : tous croient à la Race. La Race est la mort de l’autre par essence, elle implique la destruction, l’élimination. Si l’autre est un objet, le tuer n’est plus un problème.
Réfléchissez à la dernière fois que quelqu’un vous a dit « J’adore la musique Blanche ! » Vous ne trouvez pas ? C’est normal, ça n’est jamais arrivé. La musique Blanche, c’est comme la littérature Masculine, ça n’existe pas. On parle de musique ou de littérature sans adjectif. […]
La musique Noire, c’est comme la littérature Féminine, c’est une évidence pour tout le monde. Les Noirs jouent avec leur peau et les Femmes écrivent avec leur vagin. C’est simple.
Voilà, notre château hanté. Voilà les fantômes qui nous habitent. Ils parlent à travers nous, ventriloques invisibles
"Oui, mais qu'est-ce qu'une Noire? "