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EAN : 9782253107538
320 pages
Le Livre de Poche (24/08/2022)
4.45/5   10 notes
Résumé :
Prenez une profonde inspiration, soufflez, désormais vous êtes Claudette Colvin, quinze ans, une adolescente noire de l’Alabama, qui, le 2 mars 1955, neuf mois avant Rosa Parks, refuse de céder son siège à une passagère blanche dans un bus.
Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin est l’histoire de cette héroïne oubliée et le portrait d’une ville légendaire, Montgomery, où se croisent Martin Luther King, jeune pasteur, et Rosa Parks, pas encore mère du mouv... >Voir plus
Que lire après Noire (suivi de) L'AssignationVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
NOIRE - L'histoire méconnue de Claudette Colvin
On a beaucoup parlé de Rosa Parks, mais la première et la première fois, Rosa était descendue du bus sans faire d'histoire après que le chauffeur s'était offusqué qu'elle entre par l'entrée des Blancs. Elle s'était "juste" mise à militer ensuite et avait boycotté à titre individuel le bus quand elle voyait que le chauffeur avec lequel elle avait vécu sa mésaventure conduisait. C'est quand Claudette Colvin, adolescente, a réellement refusé de se lever d'une place à l'intérieur du bus jusqu'à ce que le chauffeur la fasse évacuer par deux policiers et qu'elle est ensuite allée alerter l'association où était Rosa Parks, que la situation a réellement commencé à parler aux militantes. le féminin du mot "noire" prend alors tout son sens. Ce sont les femmes militantes qui ont mis le détonateur légal, ont pétitionné, écrit au directeur de la compagnie des autobus de Montgomery, puis au maire. Notamment une certaine Jo Ann Gibson Robinson, qui a écrit certains des documents dont Tania de Montaigne, ancienne élève de l'École des hautes études internationales et politiques, nourrit sa bibliographie et qui a fait un travail énorme, invisibilisé aussi, en amont de ce qui sera l'affaire Rosa Parks.

J'ai aimé la manière dont l'autrice choisit de marquer par des italiques le moment où les militants ou les personnes impliquées dans cette affaire deviendront des personnages, des icônes, qu'elle pourra alors nommer en italiques. Ainsi, quand le moment sera venu de faire éclater l'affaire... non, ça ne sera pas le moment où la pauvre Claudette Colvin passera en jugement, ni pour son appel ; enceinte, disqualifiée pour le titre d'icône de la cause, qu'il faut pure et sans reproche, on l'oublie. le moment viendra quand Rosa Parks montera par inadvertance dans le même bus conduit par le même chauffeur que la première fois et qu'on inventera cette histoire de pieds douloureux, regrettable bémol à un désir d'égalité légitime à lui seul pour ne pas se lever... Bref, on la repeint en pauvre créature usée, effacée, douce mais ferme et voilà Rosa Parks, protégée (entrée des hommes, plutôt conservateurs et peu tentés jusque-là de risquer une rupture du dialogue avec l'autorité blanche ségrégationniste, et au contraire occupés à donner des gages de soumission) par un jeune pasteur nouvellement arrivé à Montgomery, Martin Luther King Jr. Il n'a pas encore ses italiques, on attendra que l'affaire devienne fédérale puis nationale.

Le récit est magistralement rapporté, sa construction est séduisante ; traiter la manière dont ce boycott aboutit ne détourne pas Tania de Montaigne de sa mission de désinvisibilisation des femmes en général, de Claudette Colvin en particulier, notamment même de sa réhabilitation car elle fut très largement calomniée et, pour finir, méconnue. A lire, vraiment.

L'épilogue à lui tout seul mériterait d'être cité : allez donc le lire ! après avoir lu ce qui le précède

L'ASSIGNATION - Les Noirs n'existent pas
L'Assignation porte sur des questions qui m'interrogent depuis plusieurs années. Avec Je suis noir et je n'aime pas le manioc, Gaston Kelman m'avait déjà fait prendre conscience de la désobligeance d'origine raciste de certaines curiosités de bonne foi comme de demander à quelqu'un quelle est son origine du fait qu'il appartienne aux "minorités visibles"... Je dis cela mais en réalité, je ne m'y suis jamais risquée personnellement. C'est assigner quelqu'un, parfois, souvent à tort, à un statut d'étranger du fait de sa couleur de peau, c'est presque aussi intrusif et d'un sang-gêne de mauvais aloi, que de demander à toucher les cheveux crépus d'une personne "d'origine". L'expression "afro-américain", "afro-européen", eurafricain", etc. n'est-elle pas aussi (alors là, j'en tombe à la renverse) une autre manière de vous sortir de France ? Alors que "noir, noire" sans le N, peut bien être chez lui, chez elle, ici !

L'autrice aborde aussi d'autres questions, certaines auxquelles j'avais déjà réfléchi, d'autres moins, très intéressantes (l'assignation à certaines valeurs du fait d'être noire, les stéréotypes racistes, le soi-disant humour racialisé/raciste...) et que je ne vais pas déflorer ici. J'aimerais juste souligner la contribution de cette oeuvre à une question qui me laissait perplexe : l'appropriation culturelle.
(...)
Je suis donc très contente d'en savoir plus sur le sujet de la part de quelqu'un qui ne fait par ailleurs - et j'en suis heureuse - aucune concession d'aucune sorte au racisme et au colonialisme.
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N'ayant pas pu accéder à l'exposition immersive du Centre Pompidou, je me suis rabattu sur le livre qui l'a inspirée et j'ai découvert une écriture très originale, prenante et palpitante. Pourquoi l'histoire de Claudette Colvin n'a-t-elle pas marqué l'histoire ? Comment Rosa Parks a-t-elle été choisie pour incarner la lutte pour les droits civiques alors que Claudette Colvin avait vécu la même chose et s'était rebellée dans un bus bien avant ? La lecture de ce livre répond à ces questions.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Chez les noirs, beaucoup, résignés, jugent sûrement [l']attitude [de Claudette] dérisoire et infantile. Ils voudraient qu'elle comprenne que tout ça ne fait que les retarder, pour rien, que tout ça ne fait que les rendre visibles alors que c'est l'invisibilité qui les protège. Pour eux, ne pas faire de vagues est encore le meilleur moyen de s'en sortir. (...) "Ça n'est pas bon pour "nous"." Qui est ce "nous" ? Nous n'en savons rien mais nous pensons désormais qu'il faut en tenir compte. Nous ne "nous" envisageons que parfaits et irréprochables. Ça y est, nous avons intégré la pensée raciste, elle modifie notre regard comme une paire de lunettes aux verres déformants.
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Dans les années 1950, ce que les adolescentes savent des hommes et de la sexualité est proche du néant, mélange de fantasmes hollywoodiens et de superstition religieuse. Il faut être une sainte, pas une pute, c'est à peu près tout ce qu'on en sait. De ce point de vue, les choses ont-elles vraiment changé ?
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A l'autre bout de la ville, Martin Luther King pèse le pour et le contre avec sa jeune épouse Coretta (...). Il est vrai qu'à ce moment, il y a plus à perdre qu'à gagner. Martin Luther King a vingt-six ans, nommé depuis seulement un an à la Dexter Avenue Baptist Church, son premier poste, il vient d'être père, sa fille n'a même pas un mois, et le risque de se faire tuer est bien réel. On ne meurt pas pour une couturière de Montgomery qui a fait sécession dans un bus, pas encore. Pourtant, il accepte.
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Je ne sais plus comment j'ai appris que vous étiez en vie, mais je me souviens m'être dit alors que, quelque part aux États-Unis, vous parliez, riiez, arpentiez les rayons d'un supermarché Walmart un Caddie à la main, comme n'importe qui, comme tout le monde. (...) Lorsque j'ai voulu vous parler, vous voir peut-être, vous m'avez fait répondre que vous ne souhaitiez plus être dérangée, que tout avait été dit, et qu'à présent, vous comptiez retourner dans le silence qui vous avait toujours accompagnée.
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Il n'y a plus d'esclavage, mais on fait le nécessaire pour que rien ne bouge. Tout est en place pour que, sous couvert de légalité, règne l'arbitraire et la terreur la plus grande, rendant tout blanc, juge et partie, faisant de tout noir un coupable idéal. Pour que le droit règne, il fait pouvoir se plaindre, et à qui peut se plaindre un noir, si ce n'est à un blanc ? Pas de légalité sans égalité, pas d'égalité sans légalité, Jump Jim Crow.
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Vidéo de Tania de Montaigne
Quelques questions à l'occasion d'une rencontre sur un événement littéraire.
Ici, Tania de Montaigne sur le festival itinérant Au Fil des Ailes, dans le Grand Est, porté par Interbibly.
Merci à Emma Andrews pour le montage
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