Above All Things Book Trailer by Tanis Rideout
C'était en 1922, il venait de rentrer de sa deuxième expédition. Moins d'un an après la première. Comment s'en arrangeait Ruth ? Ces dernières années, il avait passé plus de temps avec l'Everest - à y aller et à en revenir, à préparer l'expédition et à y penser - qu'avec sa femme. Quel genre de mari cela faisait-il de lui ?
Ici et là marchaient des femmes en saris aux couleurs de pierres précieuses - des verts et des roses qu'aucune Anglaise n'aurait osé porter.
Les bleus et les égratignures étaient le lot de toute ascension. Quand il rentrait, elle en dressait l'inventaire, réclamait des histoires - "Comment tu t'es fait celui-là ? Tu as eu mal ?" La plupart du temps, il ne s'en souvenait pas. Elle comptait ses doigts et ses orteils en riant. Ses mains se promenaient sur lui, douces et fraîches. Il aurait pu rester là une éternité.
Être en montagne semblait exiger de rendre des comptes. Chacun devait savoir où il se tenait et où se tenaient les autres.
Ils avaient renoncé aux conversations mondaines depuis des semaines. C'était un des aspects de l'alpinisme qu'il adorait. Les espaces confinés, les longues heures passées ensemble leur donnaient la liberté de parler de choses essentielles
"- Vous l'avez vu ?
- Quoi ?
- Venez par ici."
George l'emmena au bout du col, à l'endroit où le sentier redescendait de l'autre côté.
"Là-bas ! dit-il d'un ton impérieux. Sur la gauche. Le plus haut. C'est lui. C'est là qu'on va."
Le sommet dominait les cimes environnantes. Sandy sourit. Ses lèvres gercées par le vent et le soleil se craquelèrent. Il s'en fichait. Pourquoi s'en serait-il soucié ?
Il allait à l'endroit le plus haut de la terre.
Mon père recommande toujours un whisky − irlandais dans les moments de chagrin, écossais dans les moments de joie.
Quand j'étais petite, j'imaginais l'amour comme quelque chose de rassurant, quelque chose qui n'avait aucun angle aigu, seulement les courbes douces et enveloppantes de la romance et du bonheur. Mais il n'en est rien. [...] Partout il y a des angles, et ils coupent.
"Un jour un porteur..."
ll grimaça de douleur.
"C'était en 1922. Non, en 1921. Il a perdu ses deux mains. Elles ont gelé. On a beau l'entendre raconter, je ne croyais pas qu'un corps humain pouvait geler pour de bon. Il avait mal fermé la porte de la tente. Au matin, ses mains n'étaient plus que deux morceaux de chair blanche. [...]
Et ensuite, les mains du coolie ont fondu. Je ne sais pas ce qui était le pire, qu'elles gèlent ou qu'elles dégèlent..."
Les deux étaient le rappel sinistre que le corps n'est rien d'autre que de la viande, facile à éclater et à briser, à congeler et à décongeler. Le pire c'était ça : savoir qu'un corps humain pouvait être détruit de mille façons.
Tu attends trop, lui avait dit Ruth après l'avoir convaincu de l'accompagner à la messe. La foi ne vient pas comme ça, elle ne te tombe pas dessus... C'est une ouverture. Il suffit de s'ouvrir à elle.