L'homme qui raconte cette histoire attend. C'est la nuit et ses assassins ne vont pas tarder à arriver. Il a réussi à leur échapper quelques temps mais il sait qu'ils vont venir au petit matin, ils arrivent toujours au petit matin. Mais avant, il faut qu'il raconte son histoire, il faut que tout le monde sache : comment la communauté d'où il vient avait le rêve d'un petit paradis de perfection et comment ce paradis, à force de pureté et d'intransigeance est devenu un enfer...
Dès sa plus tendre enfance, au sein d'une communauté himalayenne séparée du monde, le narrateur apprend à renoncer à son individualité, à effacer ses envies, à bannir tout attachement. On lui enseigne qu'il ne peut vivre que pur et sans émotion que les hommes "vivaient pour posséder, tuaient pour posséder. Leur espèce était la seule à se rebeller contre l'ordre des choses. Les plantes, les animaux et les les insectes vivaient comme ils étaient censés le faire, mais les hommes ne cessaient de dévier de leur cours, poussés par leur avidité de pouvoir, de richesses, de femmes. Ils étaient déloyaux envers eux-mêmes, ne respectaient aucune règle et faisaient de leur inconstance une constante." (Albin Michel - p.78). En cela, les hommes sont haïssables alors que les membres de la communauté, éclairés par la sagesse d'Aum et ne vivant que pour la vérité sont bénis par la nature. En quête de perfection, le narrateur s'élève peu à peu dans la hiérarchie particulière de la communauté jusqu'à ce qu'une femme lui ouvre les portes du doute...
Après avoir beaucoup aimé Loin de Chandigarh et Histoire de mes assassins de cet auteur, j'attendais beaucoup de cette lecture. Et si j'ai laissé passer quelques mois avant de me plonger dans ce roman, ce n'était que pour attendre que les critiques plus élogieuses les unes que les autres arrêtent de pleuvoir et s'effacent de ma mémoire afin de savourer "en solo" cette lecture. Mais il faut croire que cela n'a pas suffit parce que j'ai été incroyablement déçue par ce récit. Beaucoup (trop) de choses m'ont déplu ou profondément agacée/heurtée pour que je puisse pleinement adhérer à l'histoire, à commencer par le sort des femmes de cette communauté qui sont réduites à être, au choix, les prostituées forcées des "purs", des poules pondeuses ou des nounous !
Et pourtant, je reconnais que ce roman avait de nombreux atouts pour me plaire : une critique acerbe du totalitarisme, une fustigation bienvenue de l'extrémisme religieux, une ode aux petits plaisirs de l'existence - la lecture (!), le rire, le bruit des trains, la musique, etc. - et une apologie du doute à cultiver. De plus l'écriture est fluide, souvent poétique et la construction en flash back du récit est très intéressante. Mais cela n'a malheureusement pas suffit à faire de ce roman un incontournable de ma bibliothèque.
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