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Le lac du ciel : De Sin-Kiang au Tibet de Vikram Seth
Un vieil homme à barbe blanche qui a installé son lit en travers du trottoir m'invite à m'y asseoir. Nous bavardons un moment en chinois tout en buvant du thé vert. La conversation passe aux signes qui surmontent les portes des boutiques autour de nous. Les caractères ne sont pas seulement chinois, mais arabes et romains. "C'est de l'ouïgour, dit le vieil homme. - Mais je croyais que l'ouïgour s'écrivait en caractères arabes. - Autrefois. Quand j'apprenais à lire et à écrire. Je ne peux pas lire ce qui est écrit en caractères romains." Il s'interrompt. "Mais on a changé l'écriture. Et mon fils a appris l'alphabet romain." Je sirote mon thé pensivement. "ça doit être triste de savoir que votre façon d'écrire est en train de disparaître. - Oui. Mais elle ne disparaît pas. Ils ont encore changé l'écriture. Et mon petit-fils apprend les caractères arabes à l'école. - Mais pourquoi ont-ils changé la première fois ? - Je crois que le gouvernement avait peur que trop de gens ne lisent les publications russes en ouïgour ... elles sont en caractères arabes. Alors, en passant à l'alphabet romain, le gouvernement chinois était sûr que la nouvelle génération ne comprendrait pas les livres que les Russes publient pour leur population ouïgour. - Et pourquoi sont-ils revenus aux caractères arabes ? - Je ne sais pas, dit le vieil homme. C'est la nouvelle politique des minorités." Il réfléchit. "L'alphabet romain n'a pas marché. Les gens ne s'y sont pas faits. - Mais il y a des gens qui ont appris l'alphabet romain, non ?" Je pense à Akbar, qui savait tout juste signer son nom en arabe. Une pensée horrible me traverse. "Vous pouvez échanger des mots ou des lettres avec votre petit-fils, mais votre fils ne peut écrire ni à l'un ni à l'autre? - Exactement. C'est exactement ça", dit le vieux, tout content. + Lire la suite |