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Citations de Tatiana Arfel (72)


Giacomo
[...]Mon père faisait de son Auguste un bloc de maladresse et d'hilarité, toujours prêt à faire rire de lui, à plaisanter. Je voyais, quant à moi, mon clown comme un personnage parfois drôle, parfois tragique; plus que le rire, déjà petit, c'était la poésie des gestes et des mots qui m'intéressait.

Mlle B.
[...] Le blanc brillant se retira peu à peu durant les jours qui suivirent, et il m'était égal le petit filet de salive qui coulait de ma bouche que je ne savais pas fermer, égales aussi les remarques de la maîtresse pour que je regarde ses yeux quand elle m'interrogeait, égales les moqueries des enfants parce que je n'y arrivais pas. Se rend-on compte de la violence qu'on inflige à quelqu'un, en le forçant à vous regarder, à entrer en contact, frontalement, avec vos yeux, votre visage, alors que depuis des années on l'a enjoint de n'en rien faire, alors qu'il n'a jamais pu comprendre qu'il avait aussi un visage ?

Le môme
[...] La lumière se verse peu à peu sur le terrain vague. Il attend toute la journée. Il ne s'abrite pas quand les gouttes d'eau arrivent du ciel, il n'ouvre pas la bouche pour les boire comme il fait d'habitude. Il est assis sans rien faire, l'oeil fixe, le ventre tordu, la peau hérissée. La nuit à son tour dégouline tout autour de lui.

-Première Partie-Un plus un plus un-
-Chap 2- p.25+28+34-
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J'ai compris la détresse des parents quand leur enfant grandit et s'éloigne : cela signe avec certitude votre arrêt de mort. L'enfant qui naît de vous est celui qui vous enterrera. Son entrée au monde vous signifie que votre temps est passé et qu'il faut se préparer à quitter la scène. Vous vous éloignez alors peu à peu du centre et, lorsque ce même enfant atteint l'âge adulte, vous n'êtes plus qu'à un pas du noir des coulisses, où personne ne sera là pour vous accueillir. Qu'elle est courte cette scène, qu'on ne traverse qu'une fois, qu'elle est aveuglante, la lumière qui vous y poursuit, et comme la salle est obscure, à tel point qu'on pense souvent qu'il n'y a personne ! Et n'essayez pas de rester sur scène plus que de raison, car quand vous vous retournerez votre enfant s'y trouvera à votre place, lui aussi aveugle aux coulisses de droite, et oublieux des coulisses de gauche desquelles il est pourtant né.
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Giacomo
[...] Qu'il est fat, celui qui pense agir pour le bien des autres ! Bien sûr, la femme crayeuse avait besoin d'assistance, son corps entier frôlait l'asphyxie. Bien sûr, l'enfant n'avait pas eu de mère, pas de famille, et moi, qui était sa seule ancre dans le monde, j'allais bientôt définitivement casser ma chaîne. Mais qui me disait que l'enfant souffrait de l'absence de mère ?

Mlle B.
[...] Quel coup prenait-on lorsqu'on découvrait sur l'écran le travail des années prévu d'avance par un ensemble de circuits électriques ? L'ordinateur dessinait-il une tombe lorsqu'on était destiné à mourir rapidement ? Un hôpital psychiatrique lorsqu'on allait devenir fou ? Et s'il sortait exactement le même visage, cela voulait-il dire qu'on était déjà mort ?

Le môme
[...] Le môme a enfin souri, il avait rencontré une princesse aux nattes blanches et ça c'était bien passé, elle était contente de son portrait, il en était sûr. Et puis il avait réussi que ce soit bien elle, mais pas elle la vieille sur le fauteuil, elle la princesse du dedans, avec la plume d'or cachée dans un repli du coeur.

-Troisième partie- Trois -
-Chap20- p277 + 282+ 288 -
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Giacomo
[...] Quand il a écarté ses doigts, ma peine a coulé entre eux comme une fine pluie dorée, et elle s'est écrasée au sol en souriant. Sur la terre qui l'a bue, le lendemain, ont fleuri trois coquelicots.

Mlle B
[...] Chaque nuit, des yeux cloués de peau revenaient, comme dans mon adolescence, rôder dans ma chambre. C'était cette fois de tout petits yeux qui finissaient par s'entrouvrir, sans que je ne voie leur couleur, pour verser quelques larmes de sang.

Le môme
[...] le môme se remplit d'odeurs très fortes, qui se mangent ou qui font juste plaisir au nez, chocolat, herbe mouillée, odeurs violettes, bleues, argentées, terre humide, arbres d'hiver, fleurs rouges qu'il aime tant. Maintenant tous les gens sont debout, ils crient quelque chose qu'il ne comprend pas.

-Deuxième partie- Deux plus un -
-Chap 13 - p.181- 184 - 191-
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Je n’arrive pas à comprendre. C’est bien, ça, essayez de comprendre, activation corticale maximale. Comprendre comment on peut aujourd’hui à la fois exalter l’individualisme, isoler chaque travailleur, tout en le rendant paradoxalement chaque jour plus anonyme, plus… Impersonnel… Interchangeable… Une collection de pantins aux têtes vides tournant en rond au pas dans des boîtes invisibles mais étanches, voilà ce qui se profile…
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Il a ajouté vous avez remarqué comme on marche plus lentement dans un quartier historique ? C’est qu’on respecte le temps des vieilles pierres, montées une à une, alors que dans un quartier de bureaux béton on accélère instinctivement, cavalant aussi vite que les murs ont été érigés, à la chaîne. On ne flânera jamais, à la Défense ou à Bercy.
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Il m’a vu pleurer. Il a pris ma main dans les siennes, sans la griffer. L’enfant m’a consolé de sa souffrance à lui. Depuis la mort de ma mère personne ne m’a consolé de la vie, des douleurs, des écorchures du Sort. Près de quarante ans après elle, il y avait quelqu’un qui prenait ma peine dans ses mains. J’ai eu à nouveau dix ans et un chapiteau de tendresse m’abritait.

Quand il a écarté ses doigts, ma peine a coulé entre eux comme une fine pluie dorée, et elle s’est écrasée au sol en souriant. Sur la terre qui l’a bue, le lendemain, ont fleuri trois coquelicots…

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Car l’important pour moi, pour mes parents, pour nous tous peuples nomades, ce n’est pas l’endroit d’où l’on part, ni celui où l’on arrive, non ce qui compte c’est le trajet, la route, ses tournants, sa poussière qui couvre la peau même sous les vêtements, et surtout le mouvement, le crissement des routes, l’incertitude. Nous vivons en exilés sans point de départ ni d’arrivée, avec pour seul appui cette ligne de diamants tendue au-dessus du vide, la route, que nous parcourons en acrobates.
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On ne propose pas grand-chose aux gens pour rêver aujourd’hui. Les enfants déjà ils ont l’école et dès qu’ils sont libres on les colle dans dix activités différentes, quand on a de l’argent, et devant la télé, quand on n’en a pas. On ne leur permet jamais de s’ennuyer, d’éprouver leur solitude et de la peupler peu à peu. Et tu vois, disait Stéphane, le conte c’est ça, peupler l’intérieur. D’abord, il y a l’abandon, les gens aiment revenir à quand les parents leur racontaient quelque chose pour les endormir – et plus encore si leurs parents ne l’ont jamais fait, en vrai. Ensuite, il y a le rythme : je raconte lentement, je laisse l’imaginaire faire le relais entre les mots. Je fais des pauses. Comme c’est important, une pause… Un silence en musique… L’espace blanc dans une aquarelle ou tout autour d’une calligraphie… C’est du souffle, tout ça ! Pendant ce temps les gens rêvent et imaginent la suite de l’histoire, qui vaut autant que la suite que je m’apprête, moi à conter.
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Ces petits tracas ne cessaient plus, et je connus ce moment où l'on s'aperçoit que la vieillesse est vraiment là, que ce n'est que ça : non pas une douleur fulgurante qui vous affaisserait d'un grand coup, mais une succession de petites douleurs qui font que le corps a, tous les jours, mal quelque part.
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Je ne peux pas dire avec des mots ce que ce fut pour moi de perdre ma mère. Ma mère, la douceur parfumée de ses cheveux, ses chansons étranges pour m’endormir. Ses mains toutes petites, couleur pêche blanche, qui me lavaient chaque soir de la fatigue et de l’énervement de la journée. Son silence quand elle ne chantait pas et son sérieux appliqué quand elle m’écoutait….--- toute cette couverture douce autour de moi se retirait d’un coup, laissant derrière elle l’étreinte glacée du monde à affronter encore des années durant. ---- Au lieu de quoi, elle est morte au sol, misérablement, comme un oiseau tiré en plein vol. Elle aurait dû mourir en s’envolant simplement du haut du chapiteau vers les étoiles, et chaque fois que j’aurais regardé le ciel, je l’aurais vue danser entre les constellations
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Le môme est mis une fois dehors dans un petit abri où la bête bleu clair rentre aussi. Le môme qui a levé la tête s'aperçoit qu'elle s'est séparée en deux : deux grandes ombres devant lui. L'abri se met à avancer doucement tout seul, le môme ne comprend pas, il voit le dehors bouger : à gauche le mur du terrain vague, à droite les maisons, et puis d'un coup le mur a disparu, l'abri a tourné, c'est un autre endroit, d'autres maisons, des bruits inconnus, des lumières blanches, rouges, vertes. Le môme est si fasciné par les lumières de couleur qu'il lâche son poing qu'il mordait pour se calmer, il regarde. Il a peur encore, mais il avale toutes les images pour quand il pourra rentrer à son abri. Il ne sait pas ce qu'on veut de lui.
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Il y a Giacomo
..mon premier souvenir, celui du monde clos, se prolongeait à l’infini dans cette communauté d’hommes et de femmes qui, chaque jour, tendaient à redonner un peu de couleurs à notre monde si fade et si hurlant à la fois.
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Partout l’odeur du sucre, des rangées de sucre d’orge multicolores flottant sur chaque gradin, des enfants impatients...
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vous ne verrez jamais un animal faire souffrir sa proie pour sa seule satisfaction. Le pire dans l'homme c'est toujours l'homme.
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Il est bon d'avoir avant, après vous,comme au long d'une cordelette d'argent, des êtres qui vous préparent et vous continuent.sans quoi, vous êtes tout simplement rejeté hors du temps, comme une unité sans lien, une branche qui ne portera jamais de bourgeon: vous êtes une monstrueuse impasse.
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« Mes amis, à partir du moment où vous pointez, votre temps ne vous appartient plus. Considérez que ce temps vous le louez contre salaire. C'est bien le cas, n'est-ce pas ? C'est comme une maison : si vous la louez à des gens alors que vous partez en vacances, vous n'allez pas y repasser quand vous voulez, non ? Chez HT, c'est pareil. Ce temps n'est pas votre temps. Lorsque vous travaillez, vous ne pouvez pas en avoir jouissance. Gardez bien cela en tête, nous en reparlerons lors de la réunion de rationalisation des pensées. Une fois arrivés ici, c'est HT qui occupe votre maison, qui vous paye pour cela, ce n'est plus vous. C'est signé dans votre contrat de travail, lu et approuvé par vous-même. Le soir, après avoir pointé en bas, une fois dans la rue, vous pouvez réintégrer votre maison. HT n'est pas esclavagiste. »
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Il y a le Môme
Il y a de l’étranger dans son coeur. Ça fait mal, mais pas de froid ou de faim. Ça brûle et ça pique mais on ne peut pas l’arrêter en mangeant ou en dormant. Ça vient du dedans, il n’y a rien a faire
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Il posa sa main sur la mienne et je fis grand effort pour ne pas la retirer. Il m'a appela ma petite et me parla longtemps. Je regardais ses yeux gentils, sa bouche amincie par l'âge qui disait des paroles bienveillantes, et chaque parole me forait le coeur, je ne pouvais pas supporter tant de douceur d'un coup. On ne peut gaver un homme qui a longtemps été sous-alimenté, sans le tuer.
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Ainsi donc mon mariage n'en est pas un, mes enfants ont toujours été loin, je n'ai pas de vie privée. Pas de loisirs non plus, seulement des occupations pour tuer le temps qui résiste, le monstre, l'éternel triomphant. Quant au travail, il n'y a rien à extraire là non plus. Un simple lest de plomb retenant les lambeaux obscurs de mon cerveau. Un simulacre massif, jeu de rôle de toute une vie, sans changement de niveau. Que me reste-il? Je vis seul dans mes heures désertes et je fais maintenant face au pire. A l'arrivée massive, sonnez trompettes, soldats dociles, sortez les baïonnettes, de la pensée la plus effroyable qui soit. La conviction intime que je n'ai pas de joie. [...] Si la joie n'existe pas, pour personne, comment avons-nous pu en concevoir l'idée?

[...]

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