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Citations de Tayeb Salih (42)


- Avez-vous provoqué le suicide d'Ann Hammond?
- Je ne sais pas.
- Et Sheila Greenwood?
- Je ne sais pas.
- Et Isabella Seymour?
- Je ne sais pas.
- Avez-vous tué Jean Morris?
- Oui.
- Intentionnellement?
- Oui.
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Point d'abri face au soleil, s'élevant à pas lents, lançant ses rayons de feu sur terre, comme pour accomplir une ancienne vindicte. Point d'abri sinon la torride cabine, ombre qui ne protège pas. Éreintante route qui montait, descendait: et rien qui séduise l'oeil. Arbustes éparpillés dans le désert, tout épines, sans feuilles, végétation misérable, ni vivante, ni morte. On pouvait rouler pendant des heures sans rencontrer âme qui vive. Puis un troupeau de chameaux maigres, efflanqués, se profilait avant de disparaître. Pas un nuage, promesse d'ombre, dans ce ciel de feu, couvercle de l'enfer. Le jour ne compte pas ici: c'est une torture que subit l'être vivant, dans l'attente de la nuit salvatrice.
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La ville se métamorphose en femme étrange dont les appels mystérieux provoquaient mon désir à mort. Ma chambre à coucher était source de deuil, virus ravageur. Telles femmes en étaient contaminées depuis mille ans. Et j’avais provoqué les insondables profondeurs du mal juqu’a Faire du meurtre une cérémonie.
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Ce n’est ni meilleur ni pire ici que là-bas. Mais je suis pareil au palmier dans notre cour, originaire de cet endroit. Et le fait que ceux de là-bas soient venus chez nous doit-il empoisonner notre présent et notre avenir? Pareils à d’autres envahisseurs à travers l’Histoire, ils devaient, tôt ou tard, s’en aller. ....... Et nous parlons maintenant leur langue sans culpabilité ni reconnaissance. Nous sommes tels que nous sommes des gens ordinaires. Et s’il devait y avoir mensonge, il serait notre œuvre !
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Le soleil, voilà l'ennemi. Il était maintenant au zénith, battant au cœur du ciel, comme disent les Arabes. Un cœur incandescent. Qui semblerait immobile durant des heures jusqu'à entendre les pierres gémir, les arbres pleurer, le fer implorer.
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Nulle offense à ce que, parfois, les mirages nous trompent, nos têtes fébriles sous la tyrannie de la chaleur et de la soif succombant à l'illusion. Les spectres qui habitent la nuit se dissipent à l'aube, et la fièvre du jour tombe à la faveur de la brise nocturne.
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Soudain ma terreur s'est dissipée comme se dissipe un nuage. Je me suis dit qu'un démon affamé était chose inconcevable. Ou bien c'était un piètre démon, ou bien il était aussi humain que toi et moi. Je me suis mis à rire et j'ai entendu mon rire voyager jusqu'à l'autre rive et revenir. Je lui ai dit - et à nouveau j'étais Hasab Rasoul Wad Mukhtâr, et l'aube à Wad Hâmid allait se lever:
- Un démon affamé? Dieu te garde, tu n'es qu'un humain comme moi.
Il était sorti de l'eau et je le regardais - là, debout, devant moi, en chair et en os, la peau blanche, grand, avec des yeux verts que je voyais à la lumière de mon feu. C'était un homme comme toi et moi. Il m'a dit:
- Imbécile! Est-ce que les démons ont l'habitude de circuler sur le Nil? Je suis un homme fatigué et qui a faim. Voilà des jours et des nuits que je n'ai goûté ni sommeil ni nourriture.
- Bienvenue, lui ai-je dit. Bienvenue et mille saluts à l'hôte étranger qui nous arrive des contrées de Dieu. Tu es tombé sur quelqu'un qui sait restaurer ses invités, procurer repos aux fatigués.
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Abdul Samad répondit: "Son excellence le proviseur a tout à fait raison. C'est en effet une année extraordinaire. Des femmes résignées à ne plus enfanter enfantent. Des vaches et des brebis mettent bas jumeaux et triplés..."
Hajj Abdul Samad continua avec la liste des miracles qui avaient eu lieu pendant l'année: "Les dattes de nos palmiers étaient si abondantes qu'on n'avait plus assez de sacs pour les mettre dedans et les emporter. Et il a neigé. Comment y croire? De la neige tombant du ciel sur un village du désert comme le nôtre!"
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Nous partîmes. Je la sentais, près de moi comme un halo de bronze, vivante et mystérieuse, une ville de volupté et de mystère. Heureux de la voir rire si facilement. On rencontre en Europe fréquemment ce genre de femme intrépide, gaie et curieuse de tout. Et moi, j'étais un désert de soif, plein de désirs fous. Comme nous prenions le thé, elle m'interrogea sur le Soudan. Je lui racontai des histoires invraisemblables de déserts aux sables d'or, de forêts vierges retentissant aux cris d'animaux imaginaires, de capitales fabuleuses dont les rues s'animaient au passage de lions et d'éléphants et où les crocodiles sortaient à l'heure de la sieste. Elle m'écoutait à moitié crédule. Elle riait, fermait les yeux, les pommettes colorées. Par moments elle m'écoutait religieusement, ayant aux yeux une compassion chrétienne. Je devins pour elle une créature primitive et nue de la jungle, armée de flèches et l'arc à la main, guettant lions et éléphants. Parfait: la curiosité changea en connivence, puis en compassion. Et quand j'agiterais la dormante mare des profondeurs, je transmuerais la compassion en désir. J'allais pouvoir jouer d'elle à ma guise, comme d'un instrument de musique accordé à ma façon.
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Cet homme d'Afrique est un des nôtres ! Il a pris femme chez nous, il travaille d'égal à égal avec nous : ce genre d'Européens ne sont pas moins coupables, si vous saviez, que les fous qui croient à la supériorité de l'homme blanc en Afrique du Sud ou aux Etats-Unis. Le même extrémisme idéologique est partagé à droite comme à gauche. Si Moustafa Saïd s'était consacré exclusivement à la science, il aurait gagné des amis véritables dans toutes les races, et vous auriez entendu parler de lui. Il aurait pu rendre service à son pays encore dominé par les superstitions. Et voilà que vous faites crédit à d'autres superstitions : l'industrialisation, les nationalisations, l'unité arabe, l'unité africaine. Vous êtes comme des enfants croyant découvrir par miracle un trésor en creusant la terre. Vous pensez ainsi résoudre vos problèmes et instaurer le paradis. Chimères et rêves éveillés !
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Je suis un mensonge.
En étais-je un également ? La réalité n'est-elle pas, pour moi, dans ce village ? J'ai vécu parmi des étrangers, mais superficiellement : sans les aimer ni les haïr. Mes pensées secrètes étaient pour le village qui ne quittait point mon imagination, où que je me tournais. A Londres, en été, après l'orage, je pouvais sentir l'odeur de mon village. Dans des instants dérobés, juste avant le crépuscule, tel village s'imposait à ma vision. Des bruits étrangers, des voix, les soirs de fatigue ou bien au petit matin, me parvenaient comme des voix familières. Je suis sûrement de la race des oiseaux sédentaires. Et d'avoir étudié la poésie ne signifie rien, le génie, l'agronomie ou la médecine sont autant de gagne-pain. Les visages, là-bas, je les imaginais bruns ou noirs, et je reconnaissais en eux les miens. Ce n'est ni meilleur, ni pire ici que là-bas. Mais je suis, pareil au palmier dans notre cour, originaire de cet endroit. Et le fait que ceux de là-bas soient venus chez nous doit-il empoisonner notre présent et notre avenir ?
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Ainsi ne suis-je pas plume au vent, mais créature, pareille à ce palmier, de haut lignage et de sûre destinée.
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Halima la marchande de lait s’adressa à Amna qui était venue, comme d’habitude, avant le lever du soleil. Tout en lui versant la valeur d’une piastre, elle lui demanda :
– As-tu entendu la nouvelle ? Zeyn va se marier.
Le pot faillit tomber des mains d’Amna, ce qui permit à Halima de tricher un peu sur la quantité de lait qu’elle lui donnait.
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— J'admirais longuement ses deux cuisses blanches écartées que je caressais des yeux avant de glisser le regard vers la surface douce et lisse pour enfin contempler le dépôt des secrets, là où naissent le bien et le mal. [...] Je mis la pointe de la lame entre ses seins, et de ses jambes elle m'entoura le dos. Lentement, je pressai le poignard. Lentement. Elle ouvrit les yeux, extatiques. Elle me parut plus belle que tous les êtres. Elle dit, endolorie : « Mon cher, je pensais que jamais tu n'oserais. J'ai faillis désespérer de toi. » Je pressai le poignard avec ma propre poitrine jusqu'à ce qu'il disparaisse entier entre ses seins. Et je sentis son sang chaud exploser hors de son torse. Je me mis à frotter ma poitrine contre la sienne tandis qu'elle hurlait suppliante : « Viens avec moi, viens, ne me laisse pas partir seule... »
Et elle me dit : « Je t'aime. » Et je la crus. Et je lui dis : « Je t'aime. » — et j'étais sincère. Nous étions torche enflammée, les bords du lit s'embrasèrent dans le feu infernal, et mon nez reconnut l'odeur de la fumée pendant qu'elle disait : « Je t'aime, ô mon amant », et que je répondais : « Je t'aime, ô mon aimée. » Et l'univers et les catégories du temps, passé, présent, futur, se concentrèrent en un point unique qui n'avait pas d'avant, ni d'après.
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Non, je n'étais point un caillou lancé dans l'eau, mais une graine jetée dans le sillon.
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Peut-être parce qu'un jour, il l'avait vue sortir de sa maison, vêtue d'une robe blanche, et s'était trouvé face à face avec elle. Sa beauté l'avait surpris.
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Je pensais qu'à mourir maintenant je serais mort comme j'étais né, sans que je l'eusse voulu. Tout le long de ma vie, je n'avais jamais choisi, ni décidé. Mais je décide désormais de choisir la vie. Je vivrai car il y a de rares personnes avec qui je voudrais rester le plus longtemps possible. J'ai aussi des devoirs que je dois accomplir. Il ne m'intéresse pas de savoir si la vie a un sens ou pas.
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Comment dire à Mahjoub que dans ce décor somptueux, dans un verbeux discours, un ministre déclarait, accueilli par une tempête d'applaudissements : " Il faut empêcher la contradiction entre la connaissance livresque et la réalité populaire de se nouer. Tous les étudiants de nos jours aspirent au confort, veulent climatiser leur bureau et leur villa, circuler dans de vastes voitures américaines. Il faut s'attaquer aux racines du mal faute de quoi il se formera chez nous une classe d'intellectuels bourgeois coupés de la vie réelle. Et pour l'Afrique, c'est là un danger plus grave que le colonialisme même. " Dirais-je à Mahjoub que ce ministre aux déclarations si péremptoires passe les vacances d'été dans sa villa sur les bords du lac de Locarno, que sa femme s'approvisionne à Londres, par avion spécial, que les membres de sa délégation déclarent à qui veut l'entendre que leur ministre est corrompu et vénal, enrichi par le négoce et l'investissement dans l'immobilier, que sa fortune repose sur une exploitation scandaleuse de son peuple ? Ces gens-là ne pensent que ventre et bas-ventre. Il n'y a justice ni équité dans ce monde.
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- Si le père de cette femme et ses frères sont d'accord, il n'y a rien à redire.
- Pourtant, dis-je, si elle ne veut pas se marier ?
Mahjoub me coupa la parole :
- Tu sais comment les choses se passent ici. La femme est à l'homme, et l'homme reste homme, quand même il deviendrait vieillard décrépit.
- Pourtant, insinuai-je, le monde a évolué. De telles coutumes ne conviennent pas à notre époque.
- Le monde n'a pas changé à ce point. Seulement certaines choses ont changé. Des pompes à la place des norias. Des charrues en acier à la place des araires en bois. Nous envoyons nos filles à l'école. Il y a la radio, les automobiles. Nous avons appris à boire le whisky et la bière au lieu de l'arak et de la marissa. Mais tout le reste demeure tel qu'il fut.
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Nous évoquions parfois notre enfance et il me disait :
- Compare un peu nos deux chemins. Tu es devenu haut fonctionnaire tandis que je suis resté paysan dans un pays perdu.
- Mais c'est toi qui as réussi, parce que tu agis sur la vie réelle du pays. Nous autres, fonctionnaires, ne changeons rien à rien, tandis que les gens comme toi sont les héritiers légitimes du pouvoir.
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