Thérèse Delpech

La puissance, surtout quand elle se présente sous une forme aussi impressionnante que la puissance américaine, produit toujours les effets décrits dans La Comédie humaine, qu'il s'agisse d'une société particulière ou de l'ensemble du globe : envie, compétition, ressentiment.

s'il n'est plus possible de suivre le fil du dialogue entre l'homme et l'histoire, c'est que les deux interlocuteurs sont non seulement décalés mais profondément perturbés. C'est un dialogue de sourds comme on en surprend entre intimes, quand l'angoisse interdit d'entendre autre chose que les voix intérieures. Ils continuent à parler, à la recherche d'un sens qui leur échappe et qui ne peut que leur échapper, parce qu'ils ne savent plus distinguer le juste de l'injuste, le beau du laid, ou le bien du mal.

Le chaos intellectuel et spirituel partout perceptible a ses racines dans la fébrilité de sociétés sans repères, dans l'ennui qui en résulte, dans la destruction de l'espoir en l'avenir, mais surtout dans la ruine de la confiance en l'esprit.

La mémoire et l'imagination n'étaient pas au rendez-vous. Et après quarante ans d'une guerre qui n'avait jamais éclaté, la volonté n'y était pas davantage. De la formule célèbre de Raymond Aron : « guerre improbable, paix impossible », on a choisi de retenir la première partie sans s'interroger sur le sens de la seconde, qui indiquait pourtant à quel point la paix était - pour l'essentiel - une illusion

La violence idéologique et sociale qui caractérise la crise du monde contemporain serait partout. C'est une façon commode d'exonérer le crime et de le justifier

L'histoire, la véritable histoire, est imprévisible, et c'est bien ce qui explique l'attirance que l'on éprouve dans les chancelleries pour la stabilité, maître mot des relations internationales, surtout dans les périodes où les événements alimentent la crainte de l'imprévu.