Citations de Thomas Edward Lawrence (111)
Tandis que ma bouche en est encore toute brûlante, je veux consigner que plusieurs de ceux qui, jour après jour, exercent leur autorité sur nous le font par appétit de cruauté. Leurs visages s'illuminent, quand nous haletons, à bout de souffle ; et l'on peut voir à travers leurs vêtements ce roidissement des muscles (une fois au moins, la montée effective de l'excitation sexuelle) qui révèle qu'on ne nous fait pas mal pour notre bien, mais pour assouvir une passion.
Les Juifs ont dit que Dieu fit l'homme à son image, ambition improbable chez un créateur.
Est-ce que ça ne terrifie pas un peu la R.A.F. de re-faire tant d'hommes à son désir ?
La cérémonie s'acheva sans pas de l'oie guindé autour de la cour du quartier. Et nulle tête de mort fracassée ne vint se glisser à côté du drapeau pour nous regarder avec un air de menace. Je passai l'après-midi, couché dans l'herbe, tandis que le soleil dissolvait et m'ôtait, articulation après articulation, les souffrances de la semaine, jusqu'au point où mon être entier rayonna de bien-être.
Il avait étouffé dans l'œuf notre plaisir à combiner un minable mensonge et à subir une punition collective. Nous commençons à vouloir être une unité, non plus des individus.
[...] herbe qui semblait heureuse, drue qu'elle était, bien verte, non coupée, irrégulière, dans le triangle en friche, derrière la boucherie.
Puis vint la retraite ; l'appel du soir ensuite. La stridente beauté de ces appels nocturnes qui mettaient derrière nous les travaux pour huit heures et qui nous donnaient les délices d'une demi-heure au lit avant le sommeil : une demi-heure durant laquelle le corps détendu, libéré de ses vêtements qui grattent et de ses lourdes bottes, s'étale entre les draps suaves, sans qu'on le blâme.
Puis l'extinction des feux - le miracle de chaque nuit qui apportait le silence et l'obscurité avec la lune pâle pour gouverner notre baraque effervescente.
Me faudrait-il à nouveau m'occuper de foutebôle ? Le bruit avait couru de ce criminel supplice : les jeux obligatoires.
Le pis, quand on ment nu, c'est que la rougeur est visible du haut en bas.
Une des raisons par quoi j'ai compris que je n'étais pas un homme d'action, c'est cette classique débâcle des boyaux avant un moment critique. Néanmoins, c'est fini. J'y vais et j'entre directo.
Et aussi, pourquoi étais-je dans le R.A.F.? Je lui expliquai que j'avais abusé de la vie imaginative, telle qu'elle se manifeste par l'étude, et que j'avais besoin de rester en fiche un moment, au grand air.
A Oxford, le prédicateur distingué (...) à propos de maladies vénériennes déclarait: "Et laissez-moi vous implorer, de ne pas mettre en danger votre âme immortelle pour un plaisir qui, selon mes informations, (...) dure une moins d'une minute trois-quarts." Je ne saurais parler d'expérience plus directe, n'ayant jamais été tenté d'exposer mon âme mortelle; et six des dix types engagés partagent mon ignorance (...) Mais, si le parfait compagnonnage, l'assouvissement avec un corps vivant est aussi bref qu'un acte solitaire, alors le spasme n'est en vérité rien de plus qu'une convulsion, un fil de rasoir temporel, qui s'émousse tellement par la récidive que la tentation vacille et se mue en apathie, en lassitude dégoûtée, une fois tous les trente-six du mois, quand la nature nous y contraint.
Quand un avion dont on a perdu le contrôle se précipite vers le sol, les membres de l'équipage, terrorisés, se cramponnent à leurs sièges pendant des minutes pareilles à des années? dans l'attente de l'écrasement; mais la douleur de cette plongée se prolonge jusqu'à leurs tombes. Les seuls survivants connaissent après coup la souffrance.
"L'anonymat, chaque année, devient un plat pour moi plus précieux. Ce n'est qu'en cachant cette identité passée que je peux être traité avec simplicité comme le commun des hommes ; je m'aperçois alors que je suis plutôt quelqu'un de moins utile que la moyenne de mon espèce. Saine leçon de modestie"
La Syrie restait une mosaïque raciale et religieuse violemment colorée. Toute ample tentative d'unification aurait un résultat parcellaire et rapiécé, désagréable à un peuple que ses instincts ramenaient toujours à une règle paroissiale et domestique.
Nos privations et nos dangers attisaient cette chaleur virile, dans un climat aussi torturant qu'on puisse concevoir. Nous n'avions aucun endroit clos où être seuls, pas de vêtements épais pour cacher notre nature. L'homme vivait exposé à l'homme en toutes choses.
La Révolte Arabe avait été jusqu'ici une sorte de coup de tête, une entreprise vivant à la diable, avec des moyens aussi petits que ses devoirs et ses perspectives.
Désormais Allenby comptait sur elle, lui donnait une part raisonnée dans ses plans. Cela nous imposait de faire mieux encore qu'il n'attendait, puisque nos échecs devaient être en partie payés par la vie de ses soldats. Cette responsabilité nous emmenait loin, terriblement loin des joyeuses aventures.
Trois de nos hommes succombèrent à leurs morsures ; quatre, les membres affreusement gonflés, se remirent après une terreur et des souffrances atroces. Le traitement des Haoueitates était d'envelopper la partie malade d'un emplâtre fait avec la peau du serpent et de lire au patient des chapitres du Coran jusqu'au moment où il mourait.
Je devais ces libertés à des années de maîtrise personnelle (le mépris de l'habitude fut peut-être la leçon de notre virilité).
La sagesse a bâti une maison : elle a taillé ses sept piliers.