Thomas Edward Lawrence

Trois de nos hommes succombèrent à leurs morsures ; quatre, les membres affreusement gonflés, se remirent après une terreur et des souffrances atroces. Le traitement des Haoueitates était d'envelopper la partie malade d'un emplâtre fait avec la peau du serpent et de lire au patient des chapitres du Coran jusqu'au moment où il mourait.

Je devais ces libertés à des années de maîtrise personnelle (le mépris de l'habitude fut peut-être la leçon de notre virilité).

La sagesse a bâti une maison : elle a taillé ses sept piliers.

Noter victoire dépendrait de notre habileté à tromper les Turcs.

Là, je dis à mes chefs que La Mecque était défendue non par l'obstacle de Rābigh, mais par la menace latérale de Fayçal dans le Djébel Subh.

Les Arabes aisés ne montaient que des chamelles, parce que leur allure sous le harnais était plus douce que celle des mâles, qu'elles avaient meilleur caractère et étaient moins bruyantes; de plus, elles étaient patientes et continuaient à marcher longtemps après qu'elles fussent exténuées, en vérité jusqu'à tituber d'épuisement, tomber sur place et mourir, alors que les mâles plus grossiers se mettaient en colère, se jetaient au sol quand ils étaient fatigués et y seraient morts sans nécessité, par une pure rage.

L'existence est à leurs yeux un usufruit imposé à l'homme et qu'un destin hors de notre contrôle accorde ou reprend à son gré.

Ses élèves admiraient en lui l'homme que rien ne prend jamais au dépourvu.

"L'anonymat, chaque année, devient un plat pour moi plus précieux. Ce n'est qu'en cachant cette identité passée que je peux être traité avec simplicité comme le commun des hommes ; je m'aperçois alors que je suis plutôt quelqu'un de moins utile que la moyenne de mon espèce. Saine leçon de modestie"

La guerre irrégulière est beaucoup plus épuisante que le service d'imitation et d'obéissance confortable des armées régulières. Elle exige qu'on vous laisse les coudées franches. Dans la guérilla si deux hommes se trouvent ensemble, il y en a un de gaspillé. Notre idéal devait être de transformer la guerre en une suite de combats singuliers, nos régiments en une heureuse alliance d'agiles commandants en chef.

La servitude, comme tous les autres états, est profondément modifiée dans les cerveaux orientaux par leur obsession de l’antithèse entre la chair et l'esprit. Ces jeunes garçons prenaient plaisir à se soumettre ; à dégrader leur corps afin de mieux mettre en relief leur liberté dans une égalité spirituelle. A l'autorité ils préféraient presque la servitude, plus riche en expériences et plus libre de soucis quotidiens.

Il est humiliant de voir que notre expérience livresque de tous les pays et de tous les siècles nous laisse encore avec des préjugés de blanchisseuse, sans l'habileté verbale d'une blanchisseuse pour s'entendre avec les étrangers. Les Anglais dans le Moyen-Orient se divisent en deux classes. Le type A, souple, insinuant, adopte les caractéristiques de ceux qui l'entourent, leur langage, leurs conventions de pensée, presque leur allure. Secrètement il dirige les hommes à son gré. Sous cette manœuvre huilée sa propre nature reste cachée, inaperçue.

La Syrie demeurait une mosaïque raciale et religieuse aux couleurs bien marquées. Tout essai de large unification aboutirait forcément à un ouvrage de pièces et de morceaux et à une administration déplaisante pour un peuple que ses instincts ramenaient toujours à une organisation locale et familière.

Les morts avaient une beauté merveilleuse. La nuit qui luisait mollement sur eux leur donnait la douceur de l'ivoire nouveau. Les Turcs ont la peau blanche sous les vêtements, beaucoup plus blanche que celle des Arabes, et ces soldats étaient très jeunes. Autour des corps se reployait l'absinthe sombre, lourde de rosée, où l'effleurement des rayons de lune éveillait des scintillations d'écume.

Ces imaginations bondissantes sont une caractéristiques des Syriens : il ne leur faut pas plus de temps pour peupler l'avenir que pour se décharger sur le voisin de leurs responsabilités présentes.

Ce long voyage avait créé entre nous tous une camaraderie d'esprit et de corps. Nuit et jour un but hasardeux occupait nos pensées ; consciemment ou non, nous nous entraînions à ne voir que lui, concentrant sur lui nos volontés.

Je ne sais de quoi désagréable, de blessant pour mon orgueil, me choquait à la vue de ces créatures inférieures. Leur présence posait comme un reflet de servitude sur notre propre race. Le regard que nous jetons sur elles, un Dieu le jetterait sur nous.

Pour me faire lever à mon tour il vint hurler dans mes oreilles, de sa voix rauque l'appel de la prière du matin : un tumulte de guerre, de meurtre et de mort soudaine fondit au travers de mes rêves. Je me dressai sur mon séant, frottant mes pauvres yeux rouges et pleins de sable. Une discussion véhémente s'ensuivit sur les droits comparés de la prière et du sommeil.

La presse à imprimer, comme tous les moyens nouveaux de communication entre les hommes, favorisait la force intellectuelle aux dépens de la force physique : c'est toujours avec l'argent du corps que la civilisation paie l'esprit.

C'était une guerre arabe menée et conduite par les Arabes pour un but arabe en Arabie.