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Citations de Thomas Sands (35)


– Qui chante ? Qu’est-ce qu’elle chante…
– Elle, c’est Aïcha Redouane, une Marocaine. Berbère. La chanson s’appelle « Wâ zâdi qâlilun », « Faible est ma provision ». C’est un poème soufi mis en musique…
– Je pensais pas qu’un chant pourrait me toucher à ce point.
– T’atteindre…
– Oui, c’est exactement cela…
– Nahda…
– Tu me traduis ?
– C’est un vieux mot. Il signifie le pouvoir et la force. On dit qu’il évoque l’oisillon appuyé sur le rebord du nid et prêt à prendre son envol…
Nous terminons notre qahwa en silence, alors que la voix de Aïcha Redouane se tait lentement, une dernière note retenue dans la gorge, comme une plainte muette, un sanglot. Une douleur soudain close.
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Dans ce monde où tout est à vendre, où nous sommes surveillés sans relâche, où le seul désir de la plupart est de posséder davantage encore, nous n'avons d'autre choix que de nous enraciner dans l'histoire de nos morts. C'est la mémoire sans cesse ravivée qui nous sauvera peut-être. Les morts ne doivent pas mourir. Puisque nous sommes orphelins d'un avenir décent, puisque nous sommes exilés de tout horizon.
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On cesse d’être humain, d’être rattaché au monde, aux autres, à ceux que l’on aime à la seconde où l’on ne peut plus dissocier les événements de ses émotions. À la seconde où les mots vous manquent. C’est toujours la honte qui engendre le crime.
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Dans ce monde où tout est à vendre, où nous sommes surveillés sans relâche, où le seul désir de la plupart est de posséder d'avantage encore, nous n'avons d'autre choix que de nous enraciner dans l'histoire de nos morts. C'est la mémoire sans cesse ravivée qui nous sauvera peut-être.
les morts ne doivent pas mourir. Puisque nous sommes orphelins d'un avenir décent, puisque nous sommes exilés de tout horizon.
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Et si, au fond, la seule solution humaine (il me faut du courage, et surmonter mon dégoût, pour le dire, pour l'écrire ici), la seule solution humaine pour faire la guerre dans les montagnes serait ce qui me fait vomir: l'internement administratif, les regroupements? Parce qu'au fond ce n'est peut-être pas ça qui menace le plus la liberté des musulmans. Parce que la liberté, ça n'existe pas en Algérie. Le totalitarisme du FLN, le terrorisme, sa volonté de diriger seul, tout cela empêche le peuple d'être libre. Et si placer les musulmans dans ces lieux clos de barbelés était la seule façon de les protéger de la guerre du FLN? La seule manière de soustraire la population à cette situation absurde et cruelle où elle est prise entre deux feux, et condamnée à vivre soumise, écartelée, exilée d'elle-même?
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Tu dois faire la paix avec lui pour faire la paix avec toi. Tu t’en voudras sinon, quand il sera trop tard.
C’est ce que ma mère avait dit. Alors je suis rentré dans la maison froide de mon enfance.
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Ce qu’il voit, ce qu’il distingue dans les yeux de l’otage, toujours les mêmes images, le même cauchemar, le visage du vigile qui tombe à ses pieds devant l’usine, le visage de sa mère égarée par les anxiolytiques, l’angoisse imbibant jusqu’à la prunelle trempée, chacun de ses regards, de ses gestes ralentis. Il sait bien pour quelles raisons il retient cet homme, voici le témoin de ses terreurs, de la grande tristesse qui étend sur lui son empire, la détresse inexorable qui est sa nouvelle substance puisque la colère le submerge, l’épuise plutôt, puisqu’il vit dans la douleur, l’amertume, tel un vain protecteur, chargé de repousser les fantômes, la mort qui s’étend sans répit autour de lui, autour des hommes seuls. Au fond, il n’a jamais eu un tel ami, fidèle comme un souvenir, quand les remords vous hantent et vous implorent. Fidèle, et plein de compassion, quand on ne se pardonne plus rien. Fidèle, avec l’indulgence, avec l’intensité douloureuse de ses regards, lorsqu’il voit chez son tortionnaire la faiblesse derrière l’intensité, l’impuissance devant la vie. Son unique ami, son frère. Celui qui éclaire sa nuit. Fidèle. Atroce.
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Mon père n'esquissa pas un mouvement. Toujours à table, à sa place, il dominait la situation. Je me demandai alors ce qui avait bien pu arriver à cet homme. De quelle façon il avait pu se laisser envahir par le froid, la haine. Comment avait-il pu soumettre sa famille, battre son fils, le réduire peu à peu, inexorablement ? Je me demandai, oui, ce qui avait bien pu lui arriver. Ce qui nous advient à tous, nous submerge, nous durcit. Parfois nous transforme en bourreaux, prédateurs, âmes souillées, affaiblies pour longtemps. Quel est cet élan qui nous pousse à nous fouler ainsi aux pieds ? À lacérer ceux que nous aimons le plus ?
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Le matériel fourni par l'administration est en carafe depuis des mois. Ne sera pas réparé, encore moins remplacé. Plus de crédits, plus de pognon. Même pas assez pour payer l'essence des bagnoles de service — pour cela aussi on se côtise. On nous envoie à la guerre armé de petites cuillères. Voilà ce que disent mes flics. Nos armes de service, c'est pour se flinguer finalement. Deux mecs, un gardien, un lieutenant, se sont collés une balle le mois dernier. C'est moi qui ai reconnu les corps à la morgue. Annoncé la nouvelle à l'épouse de l'un, la copine de l'autre. Elles n'avaient même pas l'air étonnées. Plutôt soulagées, au fond.
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Soudain, les visages défilent, leur expression sidérée et toute la solitude, la tristesse qui se lit sur leurs traits. Je pense à tous ceux que j’ai blessés, laminés, estropiés. Mes amis, mes enfants et leur mère, mes victimes. Je commence à comprendre. Je me suis acharné à vivre hors du monde, à ne jamais me laisser atteindre, me laisser toucher vraiment. Ce n’était pas seulement ma crainte d’être blessé mais une sorte de méchanceté naturelle. De cruauté même, qui me poussait à m’éloigner toujours, à prendre et à garder mes distances jusqu’à éprouver une sorte de plaisir à voir les autres se cogner contre les silences, s’écorcher aux murs que j’érigeais entre moi et le monde. Le sentiment de ma propre puissance, la force de mon caractère. Ressembler à mon père.
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Les hommes reviennent sur leurs pas, non par nostalgie, mais parce qu’ils ne savent plus où aller.
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Ce qu’il est, qui il est, il ne le sait plus, le chagrin, le remords ont tout emporté. Plus personne, plus rien ne lui ressemble dans ce monde en perpétuel mouvement, bouleversé, il n’existe rien de stable, nul rebord, nul parapet où se tenir, il n’existe plus qu’une violence sourde, secrète, qui gagne et ronge toute chose.
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Qui paie le prix de la douleur, de l’humiliation, du sang. Un sacrifié volontaire qui va donner son corps, sa vie, qui va salir ce qui lui reste de dignité, mais aussi ce qu’il y a de bonté en lui, de lumière et d’innocence, de foi et de candeur. Pour l’honneur, en mémoire de sa mère, pour dire cette vérité, la souffrance d’une femme dans une époque où tout le monde ment, tout le monde triche.
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Il n’a plus un regard pour ce qui l’entoure, il n’a plus qu’un objectif, il le sent qui monte et se répand en lui, dans tout le corps, dans le sang charrié jusqu’au cœur, l’adrénaline, la violence, la haine – du mercure. Ce voile entre le monde et lui, entre la vie et lui – cela vient du cœur.
Ces images, elles le dévorent, la femme écartelée devant la caméra, les hommes qui bandent autour d’elle, qui enfoncent leur queue entre ses lèvres, lui baisent la bouche pour commencer.
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Ce qui s’est perdu en chemin ne sera pas redonné, il n’y a pas de seconde chance. Impossible de revenir sur ses pas. Il court comme un enfant, comme un assassin, il s’enfuit, il court à travers les rues, et la ville se tait, sourde à sa joie dévoyée, à son amertume. L’absurdité du monde et de la vie l’atteint de plein fouet. L’affranchit enfin. Ce n’est qu’un début.
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C’est un combat de rue, de chiens affamés, il n’y a jamais de vainqueurs dans ces joutes-là. Il a suivi les plus durs, les radicaux, les désespérés au retour de la préfecture, après l’évacuation du parvis. Les otages sont toujours retenus, et eux ils sont aux grilles de l’usine, se battent comme des clebs contre les vigiles, cela se règle entre eux, les gendarmes les laissent ainsi, ils se tiennent à l’écart, observent, comptent les points, les coups. Ils ramasseront les corps, après.
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C’est la lumière qu’il préfère, indifférente et glacée. Il aime toujours se réfugier à l’écart, s’attache au silence, apprivoise les heures. Il quitte la ville chaque jour, il laisse ses complices pour un moment, retrouve le vent, le froid, les dernières plaques de neige. Les bourrasques le malmènent, le secouent, il a besoin de cette violence, de se cabrer face aux rafales, le voici exilé de sa propre vie, voilà le temps de l’hébétude, l’absence prend corps.
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Il la retrouve, elle tapine chaque nuit sur l’écran, il ne peut s’empêcher de la regarder, de l’écouter. Il est fasciné, il est écœuré. C’est une experte, une professionnelle en consultation, l’apôtre proclamée du jeune baron. L’économie libérée est son domaine. Elle émarge au quotidien sur le plateau d’une chaîne d’information agenouillée. C’est comme une apparition, son visage asymétrique de madone cubiste, la belle chevelure, ce regard vert, le nez droit des cariatides aux façades de marbre, l’assurance aux pommettes des beaux quartiers apaisés, et puis d’un coup la bouche épaisse, tordue, le rictus, le mépris, la méchanceté.
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La vie d’un ouvrier, courber l’échine et reculer, recueillir le métal en fusion à la sortie du four, faire pivoter la benne à la force des bras, vérifier d’un coup d’œil, recommencer, reculer encore. Un repas le midi, trente minutes, seconde pause l’après-midi, huit minutes. Ses mains le font souffrir, les paumes comme talées, comprimées à force de tenir l’arceau, les doigts serrés jusqu’à la crampe, nécrosés presque, autour de la barre de métal. Le soir, chez lui, ils ont doublé de volume, il les trempe dans une bassine d’eau froide, dans le lavabo de la salle de bains, sa femme s’est endormie à côté. Subir et reculer. Subir et reculer
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Semaine après semaine, il apprend à les connaître, apprivoise leur chagrin, ils lui racontent la chaîne, cette douleur-là. La position du corps, les cuisses tendues, le dos arqué, même au chômage, il ne pourra l’oublier. Les heures perdues qui s’additionnent, de six heures quarante-six à quinze heures zéro quatre. Dix minutes de pause le matin. À rester sur place devant sa machine, à chercher la meilleure posture afin d’effacer la fatigue.
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